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31/01/2025 | FRANCE | N°24NT02609

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 31 janvier 2025, 24NT02609


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

29 janvier 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de titre de séjour.



Par un jugement n° 2401378 du 15 juillet 2024, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision, a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder dans un délai d'un mois à un nouvel examen de la situation de M. B... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

29 janvier 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de titre de séjour.

Par un jugement n° 2401378 du 15 juillet 2024, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision, a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder dans un délai d'un mois à un nouvel examen de la situation de M. B... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 août 2024, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 juillet 2024 dans son intégralité ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par M. B....

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne la non-application de l'accord franco-marocain ;

- M. B... s'était engagé à maintenir sa résidence habituelle hors de France et à regagner son pays d'origine entre chaque séjour où il ne travaillait pas durant la période de validité de son titre de séjour en qualité de " travailleur saisonnier " de six mois ;

- il ne remplissait pas les conditions prévues à l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne pouvait se voir appliquer l'article L. 433-6 de ce code ;

- sa demande de titre de séjour portant la mention " salarié " devait être regardée comme une première demande de titre de séjour soumise à l'obligation de visa de long séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2024, M. A... B..., représenté par Me Gourlaouen, conclut au rejet de la requête. Il demande à la cour d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour " salarié " sous 3 jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, et de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet d'Ille-et-Vilaine ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 15 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 29 janvier 2024 refusant de délivrer à M. B..., ressortissant marocain, un titre de séjour en qualité de " salarié ".

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. D'une part, l'article 3 de l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour en continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans (...) ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... ". L'accord franco-marocain renvoie ainsi, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en œuvre.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : / 1° Un visa de long séjour ; / 2° Un visa de long séjour conférant à son titulaire, en application du second alinéa de l'article L. 312-2, les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 ou L. 421-13 à L. 421-24, ou aux articles L. 421-26 et L. 421-28 lorsque le séjour envisagé sur ce fondement est d'une durée inférieure ou égale à un an (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et

L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".

4. Si la première délivrance d'une carte de séjour temporaire est, en principe, sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par la loi, subordonnée à la production par l'étranger d'un visa d'une durée supérieure à trois mois, il en va différemment pour l'étranger déjà admis à séjourner en France et qui sollicite le renouvellement, même sur un autre fondement, de la carte de séjour temporaire dont il est titulaire. Toutefois, l'étranger admis à séjourner en France pour l'exercice d'un emploi à caractère saisonnier, en application des dispositions de l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, est titulaire à ce titre non pas d'une carte de séjour temporaire mais de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier ", lui donnant le droit de séjourner et de travailler en France pendant la ou les périodes qu'elle fixe et qui ne peut dépasser une durée cumulée de six mois par an, et lui imposant ainsi de regagner, entre ces séjours, son pays d'origine où il s'engage à maintenir sa résidence habituelle. Dans cette situation, une demande de sa part tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée d'un an doit être regardée comme portant sur la délivrance d'une première carte de séjour temporaire. La délivrance de cette carte est, dès lors, subordonnée à la production d'un visa de long séjour.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré régulièrement en France le

15 juin 2019 sous couvert d'un visa D et qu'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier " lui a été délivrée pour la période du 16 septembre 2019 au 15 septembre 2022 afin de lui permettre de travailler en France en qualité d'ouvrier-maraîcher. Le 29 juillet 2022, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de " salarié " en se prévalant d'une promesse d'embauche dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Pour les motifs exposés au point 4, sa demande devait être regardée comme portant sur la délivrance d'une première carte de séjour temporaire subordonnée à la production d'un visa de long séjour. Dès lors qu'il est constant que ce ressortissant marocain ne disposait pas d'un tel visa, le préfet d'Ille-et-Vilaine pouvait, pour ce seul motif, lui refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de salarié.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du

29 janvier 2024 au motif qu'il ne pouvait refuser la demande de changement de statut déposée par M. B..., pour absence de visa de long séjour.

Sur les autres moyens présentés par M. B... :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que les stipulations de l'accord franco-marocain ne régissent pas les conditions d'entrée en France des ressortissants marocains. Par suite, en se référant aux seules dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui cite l'article L. 421-1 de ce code, a suffisamment motivé en droit son arrêté. Par ailleurs, en se bornant à mentionner que l'intéressé avait sollicité un changement de statut de " travailleur saisonnier " à " salarié ", et qu'il ne détenait pas le visa de long séjour requis, le préfet a suffisamment motivé sa décision en fait. Les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté serait insuffisamment motivé et révèlerait un défaut d'examen de la situation personnelle de M. B... ne peuvent dès lors qu'être écartés.

8. En deuxième lieu, si M. B... fait valoir que le préfet ne pouvait rejeter sa demande sans avoir au préalable statué sur la demande d'autorisation de travail déposée par son employeur, le préfet d'Ille-et-Vilaine pouvait rejeter sa demande de carte de séjour au seul motif qu'il n'était pas en possession d'un visa de long séjour. Par suite, le vice de procédure ainsi allégué est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 29 janvier 2024, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B... dans le délai d'un mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dès lors, ce jugement doit être annulé. Pour les mêmes motifs, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. B... en appel doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2401378 du 15 juillet 2024 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à

M. B.... Une copie sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Vergne, président,

- Mme Marion, première conseillère,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 janvier 2025

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

G.-V. VERGNE

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT02609


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02609
Date de la décision : 31/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VERGNE
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : CABINET CAROLE GOURLAOUEN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-31;24nt02609 ?
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