Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 août 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Par un jugement n° 2305818 du 23 janvier 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 août 2024, M. B..., représenté par Me Le Bourhis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 janvier 2024 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler cet arrêté du 9 août 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'État, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal administratif n'a pas visé et analysé la note en délibéré qu'il a produite après l'audience publique ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ; il n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant burkinabé né le 13 mars 1988 à Koumassi, est entré en France le 27 décembre 2016. En parallèle de sa demande d'asile, qui a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 5 octobre 2021, il a sollicité, le 30 novembre 2020, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 août 2022 le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il relève appel du jugement du 23 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...)./ Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont il est fait application / Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus./ Mention est également faite de la production d'une note en délibéré./ La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée ".
3. Après l'audience publique, qui a eu lieu le 9 janvier 2024, M. B... a adressé au tribunal administratif de Rennes une note en délibéré datée du 16 janvier 2024, qui a été enregistrée au greffe du tribunal le jour même. Le jugement attaqué, dont les visas ne font pas mention de la production de cette note, est ainsi entaché d'irrégularité.
4. Il y a lieu d'annuler le jugement du 23 janvier 2024 et de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de la situation personnelle :
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux comporte les considérations de droit et de fait sur la base desquelles il a été pris. Par suite, il est suffisamment motivé. La circonstance que l'arrêté contesté mentionne uniquement la promesse d'embauche de M. B... avec la société Aztec Groupe, alors qu'il a signé un contrat à durée indéterminée avec cette même société, ne suffit pas à démontrer que le préfet n'aurait pas examiné la situation de M. B... au regard de l'insertion professionnelle dont il se prévalait, ce qui ne ressort pas, au demeurant, de l'arrêté contesté. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté litigieux serait insuffisamment motivé et révèlerait un défaut d'examen de la situation de M. B... ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
7. La circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne comporte que des orientations générales que le ministre de l'intérieur a adressées aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation et qui ne sont pas utilement invocables à l'appui d'un recours dirigé contre une décision portant refus de titre de séjour. Par suite, M. B... ne peut utilement se prévaloir de cette circulaire.
8. Il ressort des pièces du dossier que si M. B..., qui est entré en France le 27 décembre 2016, se prévaut d'une durée de séjour en France de près de cinq ans à la date de l'arrêté contesté, cette durée de séjour s'explique principalement par le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile. M. B..., qui est célibataire et sans enfant à charge sur le territoire français, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales au Burkina Faso où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. L'insertion sociale et professionnelle dont il se prévaut, par la production d'une promesse d'embauche du 6 juillet 2020 et d'un contrat à durée indéterminée signé le même jour avec la société Aztec Groupe pour un poste de tireur de câbles de fibre optique, ainsi que de deux attestations témoignant d'activités bénévoles auprès d'une épicerie solidaire et de résidents d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes au cours de l'année 2017 n'est pas particulièrement significative ou remarquable. Ainsi, M. B... ne peut être regardé comme ayant noué des liens stables et intenses avec la société française. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision refusant la délivrance d'un titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
10. Au regard des circonstances de l'espèce telles qu'elles ont été rappelées au point 9, il n'est pas établi que la décision contestée porterait atteinte de façon disproportionnée à la vie privée et familiale du requérant et serait en conséquence entachée d'erreur d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. D'une part, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet d'Ille-et-Vilaine a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
12. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Toutefois, en tant qu'il est dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de la violation de cet article 3 est inopérant.
En ce qui concerne l'autre moyen soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination :
13. En se bornant à produire des rapports, rédigés en des termes généraux, décrivant l'insécurité généralisée au Burkina Faso et un certificat de résidence dans ce pays, M. B... n'établit pas qu'il était, à la date de la décision attaquée, personnellement exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Burkina Faso. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet d'Ille-et-Vilaine, que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté litigieux présentées par M. B... doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais liés au litige.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 2305818 du 23 janvier 2024 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes et ses conclusions d'appel devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2025.
La présidente-rapporteure,
C. BRISSON
Le président-assesseur,
G-V. VERGNE
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT024852