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31/01/2025 | FRANCE | N°24NT00386

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 31 janvier 2025, 24NT00386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) Entreprise B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'ordonner une expertise aux fins de déterminer l'origine, les causes et les conséquences des dégâts occasionnés à ses cultures par le gibier.

Par une ordonnance n° 2315098 du 25 janvier 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et

un mémoire enregistrés les 13 février et 26 août 2024, le GAEC Entreprise B..., représenté par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) Entreprise B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'ordonner une expertise aux fins de déterminer l'origine, les causes et les conséquences des dégâts occasionnés à ses cultures par le gibier.

Par une ordonnance n° 2315098 du 25 janvier 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 février et 26 août 2024, le GAEC Entreprise B..., représenté par Me Chouquer, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance de la juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 25 janvier 2024 ;

2°) d'ordonner une expertise aux fins de constater les dégâts causés aux cultures qu'il exploite ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les dégâts occasionnés à ses cultures par le gibier démontrent que l'équilibre

agro-sylvo-cynégétique défini aux articles L. 420-1 et L. 425-1 du code de l'environnement n'est pas assuré ; or l'objectif du schéma départemental de gestion cynégétique, qui est édicté par le préfet, est de parvenir à cet équilibre ;

- l'expertise qu'il sollicite présente dès lors une utilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le GAEC Entreprise B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- et les conclusions de M. Catroux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le GAEC Entreprise B..., constitué entre M. A... B... et sa mère Mme E... C..., exploite des terres agricoles sur la commune de Saint-Mars-d'Outillé dans la Sarthe. Ces parcelles se situent en lisière de bois ou de taillis et sont régulièrement ravagées par le gros gibier. Le GAEC a sollicité des indemnisations auprès de la fédération départementale des chasseurs de la Sarthe mais il souhaite qu'une solution pérenne soit trouvée, notamment dans le cadre du schéma départemental de gestion cynégétique. Il a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'une demande d'expertise afin de déterminer l'origine, les causes et les conséquences des dégâts occasionnés à ses cultures. Il relève appel de l'ordonnance du 25 janvier 2024 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Aux termes de l'article L. 426-1 du code de l'environnement : " En cas de dégâts causés aux cultures, aux interbandes des cultures pérennes, aux filets de récoltes agricoles ou aux récoltes agricoles soit par les sangliers, soit par les autres espèces de grand gibier soumises à plan de chasse, l'exploitant qui a subi un dommage nécessitant une remise en état, une remise en place des filets de récolte ou entraînant un préjudice de perte de récolte peut réclamer une indemnisation sur la base de barèmes départementaux à la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs. ". Et, l'article L. 426-6 du même code dispose que : " Tous les litiges nés de l'application des articles L. 426-1 à L. 426-4 sont de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire. ". Par suite, ainsi que l'a estimé la juge des référés du tribunal administratif de Nantes, une action indemnitaire du GAEC dirigée contre la fédération départementale de la chasse de la Sarthe ne relève pas de la compétence du juge administratif.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 420-1 du code de l'environnement : " La gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats est d'intérêt général. La pratique de la chasse, activité à caractère environnemental, culturel, social et économique, participe à cette gestion et contribue à l'équilibre entre le gibier, les milieux et les activités humaines en assurant un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique. / Le principe de prélèvement raisonnable sur les ressources naturelles renouvelables s'impose aux activités d'usage et d'exploitation de ces ressources (...) ". Aux termes de l'article L. 425-1 du même code : " Un schéma départemental de gestion cynégétique est mis en place dans chaque département (...) Il est élaboré par la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, en concertation notamment avec la chambre d'agriculture, les représentants de la propriété privée rurale et les représentants des intérêts forestiers, en particulier lorsque le programme régional de la forêt et du bois prévu à l'article L. 122-1 du code forestier fait état de dysfonctionnements au regard de l'équilibre sylvo-cynégétique. (...) Il est approuvé, après avis de la commission départementale compétente en matière de chasse ou de faune sauvage, par le préfet, qui vérifie notamment qu'il est compatible avec les principes énoncés à l'article L. 420-1 et les dispositions de l'article L. 425-4 du présent code. ".

4. Il ne résulte ni des dispositions précitées de l'article L. 426-6 du code de l'environnement, ni d'aucune autre disposition législative, que le législateur aurait entendu exclure de la compétence des juridictions administratives toute action indemnitaire des exploitants agricoles tendant à rechercher la responsabilité de l'Etat sur le fondement d'une carence fautive dans le cadre de l'approbation du schéma départemental de gestion cynégétique. Par suite, la demande présentée par le GAEC B... tendant à ce qu'une expertise soit diligentée a été portée devant une juridiction compétente pour en connaître.

Sur l'utilité de la mesure sollicitée :

5. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. / Les demandes présentées en application du présent chapitre sont dispensées du ministère d'avocat si elles se rattachent à des litiges dispensés de ce ministère. ".

6. La prescription d'une mesure d'expertise en application des dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative est subordonnée au caractère utile de cette mesure. L'utilité d'une telle mesure d'expertise doit être appréciée dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, relevant lui-même de la compétence de la juridiction à laquelle ce juge appartient, et auquel cette mesure est susceptible de se rattacher. Il appartient ainsi au juge des référés, saisi d'une demande d'expertise, d'apprécier son utilité au vu des pièces du dossier et au regard des motifs de droit et de fait qui justifient, selon la demande, la mesure sollicitée. L'octroi de la mesure sollicitée est subordonné, pour le règlement d'un litige principal, à l'existence d'une perspective contentieuse, des possibilités ouvertes au demandeur pour arriver aux mêmes résultats par d'autres moyens, ou notamment de l'intérêt de la mesure pour le contentieux né ou à venir. En revanche, l'action en référé prévue par l'article R. 532-1 du code de justice administrative n'est pas soumise à une condition d'urgence.

7. Il n'est pas contesté que le GAEC Entreprise B..., dont les parcelles sont situées à proximité immédiate de bois et forêts, a déposé de nombreuses demandes d'indemnisation auprès de la fédération départementale des chasseurs de la Sarthe. Il produit également un procès-verbal de constat d'huissier établi le 16 août 2023 confirmant le passage d'animaux sauvages sur ses parcelles et la dégradation de ses plantations. Ces démarches sont de nature à établir la réalité des préjudices qu'il subit de manière répétée. Par suite, et alors qu'il n'est pas fait état par le GAEC Entreprise B..., en l'état du dossier, de diligences accomplies en vain auprès de l'Etat ou d'une administration dont l'action relève du contrôle de la juridiction administrative, ni d'une action, envisagée devant cet ordre de juridiction, en excès de pouvoir ou en plein contentieux indemnitaire, la demande de ce GAEC tendant à ce que soit ordonnée en référé une expertise aux fins de déterminer l'origine, les causes et les conséquences des dégâts occasionnés à ses cultures par le gros gibier ne peut être regardée comme présentant un caractère d'utilité au sens de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

8. Il résulte de tout ce qui précède, que le GAEC Entreprise B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au GAEC Entreprise B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du GAEC Entreprise B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC Entreprise B..., à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Vergne, président,

- Mme Marion, première conseillère,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 janvier 2025.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

G.-V. VERGNE

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00386
Date de la décision : 31/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VERGNE
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : CHOUQUER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-31;24nt00386 ?
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