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24/01/2025 | FRANCE | N°24NT02808

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 24 janvier 2025, 24NT02808


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2024 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2412099 du 22 août 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.



Procédure devant la cour :



Par une req

uête et un mémoire, enregistrés les 23 et 25 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Ardouin, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2024 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2412099 du 22 août 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 et 25 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Ardouin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 août 2024 rendu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2024 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation, dès lors qu'il ne représente aucune menace à l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 371-4 du code civil

- il réside légalement et de manière ininterrompue en France depuis plus de cinq ans ;

- il ne représente pas une charge pour le système social et répond aux conditions posées par l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français en litige méconnaît les dispositions des articles L. 234-1 et L. 251-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est ressortissant d'un pays membre de l'Union Européenne et qu'il bénéficie d'un droit au séjour permanent en France.

Le préfet de Maine-et-Loire a présenté un mémoire en défense le 6 janvier 2025, après la clôture de l'instruction intervenue en application du premier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabernaud,

- et les observations de Me Manent, substituant Me Ardouin, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant portugais né le 5 janvier 1960, a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2024 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 22 août 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête. M. B... fait appel de ce jugement devant la cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Il résulte des termes mêmes du jugement attaqué du 22 août 2024 que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par les parties, a indiqué les motifs de droit et de fait qui l'ont conduit à juger que M. B... représentait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société au sens des dispositions du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se fondant notamment sur les condamnations pénales dont l'intéressé a fait l'objet. Dans ces conditions, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier car insuffisamment motivé sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, la décision contestée du préfet de la Loire-Atlantique du 25 juillet 2024 portant obligation de quitter le territoire français comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation, qui manque en fait, doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : (...) 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...) ".

6. Il appartient à l'autorité administrative d'un Etat membre qui envisage de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant d'un autre Etat membre en application de ces dispositions de ne pas se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, mais d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. L'ensemble de ces conditions doivent être appréciées en fonction de la situation individuelle de la personne, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant portugais né le 5 janvier 1960, a fait l'objet de nombreuses condamnations pénales depuis 1982, en particulier pour des délits routiers. Il a ainsi été condamné, notamment, au paiement d'une amende et à l'annulation de son permis de conduire pour récidive de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique par un jugement du tribunal correctionnel de Nantes du 13 mars 1998, puis à une peine de dix mois d'emprisonnement ferme, par un jugement du tribunal correctionnel de Nantes du 8 novembre 2005, pour circulation avec un véhicule à moteur sans assurance malgré l'annulation judiciaire de son permis de conduire. Il a été, par la suite, de nouveau condamné à une peine de dix mois d'emprisonnement ferme et 1 000 euros d'amende par un arrêt de la cour d'appel de Rennes du 17 septembre 2007 pour conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, puis à une peine de six mois d'emprisonnement ferme, par un jugement du tribunal correctionnel de Nantes du 25 avril 2008, pour circulation avec un véhicule à moteur sans assurance, malgré l'annulation judiciaire de son permis de conduire, et prise du nom d'un tiers. L'intéressé a, en outre, été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Nantes du 23 juin 2020 à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire de deux ans, révoqué en totalité par un jugement du juge d'application des peines du tribunal judiciaire de Nantes du 30 septembre 2022, pour des faits de conduite d'un véhicule à moteur malgré l'injonction de restituer le permis de conduire et, de nouveau, conduite de véhicule sous l'empire d'un état alcoolique. Au regard de ces éléments, M. B... a donc commis des infractions pénales mettant gravement en jeu la sécurité des usagers de la route, et ce de façon réitérée. S'il a vécu pendant longtemps en France, où il établit avoir travaillé, au regard du relevé de carrière de sa caisse de retraite, entre 1976 et 2017, il ne produit toutefois pas d'éléments suffisamment probants pour démontrer qu'il y a résidé entre 2017 et 2022, période pendant laquelle il n'a d'ailleurs déclaré aucun revenu à l'administration fiscale. Par ailleurs, les deux attestations, peu circonstanciées, produites par ses enfants majeurs, ressortissants français nés en 1979 et 1980, ne sont pas de nature à démontrer qu'il entretiendrait des relations régulières avec eux ou ses petits-enfants. En tout état de cause, il n'est pas établi que ces derniers seraient dans l'impossibilité de lui rendre visite dans son pays d'origine. De surcroît, si M. B... allègue vivre avec sa compagne depuis 2009, il se borne toutefois à produire des attestations peu circonstanciées sur ce point, qui ne sont pas corroborées par les autres pièces du dossier. En outre, à la date de la décision contestée, M. B... était sans emploi et percevait le revenu de solidarité active, le contrat de travail à temps partiel dont il se prévaut étant sans incidence sur ladite décision dès lors qu'il a été signé postérieurement à celle-ci. Enfin, il n'est pas établi qu'il serait dépourvu d'attaches, notamment culturelles, dans son pays d'origine. Dans ces conditions, compte tenu de la gravité des faits pour lesquels M. B... a été condamné et de leur caractère répété, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que le comportement personnel de l'intéressé constituait, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. Il n'a pas non plus méconnu les dispositions de l'article 371-4 du code civil, ni les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ou entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 251-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 251-1 les citoyens de l'Union européenne ainsi que les membres de leur famille qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 234-1 ". Selon l'article L. 234-1 du même code : " Les citoyens de l'Union européenne mentionnés à l'article L. 233-1 qui ont résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquièrent un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 234-2 du même code : " Une absence du territoire français pendant une période de plus de deux années consécutives fait perdre à son titulaire le bénéfice du droit au séjour permanent ". L'article L. 233-1 du même code dispose que : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / 3° Ils sont inscrits dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantissent disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour eux et pour leurs conjoints ou descendants directs à charge qui les accompagnent ou les rejoignent, afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; / 4° Ils sont membres de famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / 5° Ils sont le conjoint ou le descendant direct à charge accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. ".

9. Si M. B... soutient qu'il a résidé légalement et de manière ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes et qu'il a donc acquis un droit au séjour permanent sur le territoire français en application des dispositions précitées de l'article L. 234-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce qui ferait échec à son éloignement, il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 7 ci-dessus que l'intéressé ne produit pas d'éléments suffisamment probants pour démontrer qu'il a résidé en France entre 2017 et 2022. Au surplus, M. B..., qui n'exerçait aucun emploi à la date de la décision contestée et percevait le revenu de solidarité active, n'entrait pas dans les catégories de citoyens de l'Union européenne qui ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois en vertu des 1° et de 2° de l'article L. 233-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 251-2 précité dudit code.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2024 du préfet de la Loire-Atlantique. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Picquet, première conseillère,

- M. Chabernaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2025.

Le rapporteur,

B. CHABERNAUDLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT02808


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02808
Date de la décision : 24/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Benjamin CHABERNAUD
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : ARKAJURIS LLC ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-24;24nt02808 ?
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