Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... et D... C... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2020 par lequel le préfet de la Manche a ordonné à M. C... le dessaisissement de ses armes, munitions et éléments de toute catégorie, a prononcé une interdiction d'acquisition et de détention des armes, munitions et éléments de toute catégorie, a annulé les récépissés de déclaration et d'enregistrement d'acquisitions d'armes avec injonction de les restituer et a retiré la validation de son permis de chasser, ainsi que la décision du 2 octobre 2020 par laquelle le préfet de la Manche a rejeté son recours gracieux. Ils ont également demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2020 par lequel le préfet de la Manche a prononcé à l'encontre de Mme C... une interdiction d'acquisition et de détention des armes, munitions et éléments de catégorie A, B et C, ainsi que la décision du 2 octobre 2020 par laquelle le préfet de la Manche a rejeté son recours gracieux.
Par un jugement n° 2002260 du 20 octobre 2023, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, annulé l'arrêté du 16 juillet 2020 du préfet de la Manche et la décision du 2 octobre 2020 rejetant le recours gracieux de M. C... à l'encontre de cet arrêté, d'autre part, condamné l'Etat à verser à M. et Mme C... une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2023, Mme C..., représentée par Me Enguehard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 20 octobre 2023 en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté du 17 juillet 2020 du préfet de la Manche et la décision du 2 octobre 2020 rejetant son recours gracieux à l'encontre de cet arrêté ;
2°) d'annuler cet arrêté du 17 juillet 2020 du préfet de la Manche ainsi que la décision du 2 octobre 2020 rejetant son recours gracieux contre cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal aurait dû considérer que le préfet avait acquiescé aux faits et aux moyens invoqués et a donc méconnu les dispositions des articles R. 611-1 et R. 612-6 du code de justice administrative ;
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal n'a pas répondu à son argumentation tendant à ce qu'un acquiescement aux faits soit constaté au détriment du préfet ; la cour devra reconnaître un tel acquiescement ;
- l'arrêté attaqué du 17 juillet 2020 est entaché d'incompétence ;
- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;
- elles sont entachées d'erreur d'appréciation et d'erreur de fait ;
- le tribunal a opéré une substitution de base légale erronée.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2024, le préfet de la Manche conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code la sécurité intérieure ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chabernaud,
- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... et D... C... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2020 par lequel le préfet de la Manche a notamment ordonné à M. C... le dessaisissement de ses armes, munitions et éléments de toute catégorie, ainsi que la décision du 2 octobre 2020 par laquelle le préfet de la Manche a rejeté son recours gracieux. Ils ont également demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2020 par lequel le préfet de la Manche a prononcé à l'encontre de Mme C... une interdiction d'acquisition et de détention des armes, munitions et éléments de catégorie A, B et C, ainsi que la décision du 2 octobre 2020 par laquelle le préfet de la Manche a rejeté son recours gracieux. Par un jugement du 20 octobre 2023, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, annulé l'arrêté du 16 juillet 2020 du préfet de la Manche et la décision du 2 octobre 2020 rejetant le recours gracieux de M. C... à l'encontre de cet arrêté, et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la requête. Mme C... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté du 17 juillet 2020 du préfet de la Manche et la décision du 2 octobre 2020 rejetant son recours gracieux à l'encontre de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal a mis en demeure le préfet de la Manche de produire un mémoire en défense dans un délai d'un mois puis a prononcé, faute de production de la part du préfet, une clôture d'instruction. Postérieurement à cette clôture, le préfet a produit, le 28 septembre 2022, un mémoire en défense, ce qui a conduit le tribunal à rouvrir l'instruction et à communiquer ce mémoire pour en tenir compte. En effet, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Le tribunal n'était donc pas tenu, pas plus que ne l'est la cour dans le cadre de la présente instance d'appel, de regarder le préfet comme ayant acquiescé aux faits, alors même que celui-ci n'a ni respecté le délai de mise en demeure qui lui était imparti, ni produit de mémoire en défense avant l'intervention de la clôture d'instruction. Enfin, le tribunal n'était pas tenu de répondre à l'argumentation de M. et Mme C... qui sollicitaient qu'un acquiescement aux faits soit constaté au détriment du préfet. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier pour avoir méconnu les dispositions précitées de l'article R. 612-6 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, par un arrêté du 7 novembre 2019, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture et consultable sur le site internet de celle-ci, le préfet de la Manche a donné délégation à M. B... E..., sous-préfet de l'arrondissement d'Avranches et signataire de la décision en litige, à l'effet de signer les décisions relatives aux interdictions d'acquisition et de détention d'armes et munitions. Si Mme C... allègue que c'est le préfet de la Manche qui lui a délivré un récépissé de déclaration de détention d'armes et qu'en vertu de la règle du parallélisme des formes, il appartiendrait au seul préfet de retirer ce récépissé, l'arrêté litigieux du 17 juillet 2020 ne procède toutefois pas à un tel retrait et, en tout état de cause, le sous-préfet d'Avranches avait également compétence en matière de récépissé en vertu de l'arrêté précité du 7 novembre 2019. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté du 17 juillet 2020 doit être écarté.
5. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux du 17 juillet 2020 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté manque en fait et doit être écarté. Par ailleurs, si Mme C... invoque l'insuffisance de motivation de la décision du 2 octobre 2020 rejetant son recours gracieux, les vices propres de cette dernière ne peuvent toutefois être utilement invoqués.
6. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-3-1 du code de la sécurité intérieure : " L'autorité administrative peut interdire l'acquisition et la détention des armes, munitions et de leurs éléments des catégories A, B et C aux personnes dont le comportement laisse craindre une utilisation dangereuse pour elles-mêmes ou pour autrui. ".
7. D'une part, contrairement à ce que soutient Mme C..., le tribunal a seulement procédé à la substitution de base légale de l'arrêté du préfet du 16 juillet 2020 qui concernait M. C... et n'a procédé à aucune substitution de base légale de l'arrêté du préfet du 17 juillet 2020 la concernant, qui est seul en litige dans le cadre de la présente instance d'appel et qui est d'ailleurs fondé, à bon droit, sur les dispositions précitées de l'article L. 312-3-1 du code de la sécurité intérieure. Par suite, Mme C... ne peut utilement soutenir que le tribunal administratif a mis en œuvre une substitution de base légale erronée.
8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport de gendarmerie produit par le préfet, dont les termes circonstanciés ne sont pas sérieusement contestés et qui se base notamment sur les déclarations de M. C... lui-même, que Mme C... s'est emparée, le 14 février 2020, d'une des armes à feu de son époux en lui indiquant qu'elle souhaitait mettre fin à ses jours, dans un contexte où l'intéressée avait absorbé de l'alcool ainsi que des médicaments et souffrait d'une dépression à la suite de problèmes médicaux. En outre, le rapport indique qu'il existe un risque de réitération des faits compte tenu de la circonstance que M. C... occupe un emploi en région parisienne et qu'il est donc absent durant la semaine. Si Mme C... produit un certificat médical du 17 janvier 2022 aux termes duquel il est indiqué que son état psychologique semble stable, un tel certificat a toutefois été établi plus d'un an après la date de l'arrêté litigieux et apparaît, par suite, comme sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, et en dépit du délai d'environ cinq mois entre la date des faits en cause et l'édiction de la décision contestée, le préfet n'a commis ni erreur de fait ni erreur d'appréciation en retenant que le comportement de Mme C... laissait craindre une utilisation dangereuse des armes pour elle-même, la circonstance qu'elle dispose d'un casier judiciaire vierge étant, au surplus, sans incidence sur ce point.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 20 octobre 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa requête dirigée contre l'arrêté litigieux du préfet de la Manche du 17 juillet 2020 et la décision du 2 octobre 2020 rejetant son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie sera adressée au préfet de la Manche pour information.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Picquet, première conseillère,
- M. Chabernaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2025.
Le rapporteur,
B. CHABERNAUDLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23NT03838