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24/12/2024 | FRANCE | N°24NT00940

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 24 décembre 2024, 24NT00940


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n° 2103386 du 20 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet de la Loire-Atlantique ou à tout autre préfet territorialement compétent de délivrer à Mme B..., dans le délai d'un

mois à compter de la notification du présent jugement, une carte de séjour temporaire en qualité de par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2103386 du 20 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet de la Loire-Atlantique ou à tout autre préfet territorialement compétent de délivrer à Mme B..., dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2024, le préfet de la Loire-Atlantique demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 mars 2024 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande de Mme B....

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges se sont fondés pour annuler son arrêté sur le jugement du juge aux affaires familiales qui est intervenu le 23 février 2021, soit postérieurement à son arrêté ;

- il n'a pas entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la requérante remplissait les conditions prévues à l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens présentés par Mme B... devant les premiers juges ne sont pas davantage fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2024, Mme A... B..., représentée par Me Drouet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et, dans ce cas, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de soixante-quinze euros par jour de retard. Elle conclut par ailleurs, à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat et versée à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens invoqués par le préfet ne sont pas fondés et reprend les moyens qu'elle avait invoqués devant le tribunal administratif de Nantes.

Mme A... B... a obtenu le maintien de plein droit du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention entre la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes du 24 janvier 1994 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- et les observations de Me Drouet, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante camerounaise née en 1989, déclare être entrée en France en septembre 2017. Elle a obtenu le 14 janvier 2019 un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français valable un an. Elle a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour mais, par un arrêté du 14 septembre 2020, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de faire droit à sa demande. Par un jugement du 20 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté. Le préfet de la Loire-Atlantique relève appel de ce jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. D'une part, aux termes de l'article 14 de la convention entre la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Yaoundé le 24 janvier 1994 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la présente Convention ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; / (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions, qui étaient en vigueur à la date à laquelle la décision de refus de séjour contestée a été prise, que l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au motif qu'il est parent d'un enfant français doit justifier, outre de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, de celle de l'autre parent, de nationalité française, lorsque la filiation à l'égard de celui-ci a été établie par reconnaissance en application de l'article 316 du code civil. Le second alinéa précité du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que cette condition de contribution de l'autre parent doit être regardée comme remplie dès lors qu'est rapportée la preuve de sa contribution effective ou qu'est produite une décision de justice relative à celle-ci. Dans ce dernier cas, il appartient seulement au demandeur de produire la décision de justice intervenue, quelles que soient les mentions de celle-ci, peu important notamment qu'elles constatent l'impécuniosité ou la défaillance du parent français auteur de la reconnaissance. La circonstance que cette décision de justice ne serait pas exécutée est également sans incidence.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a donné naissance le 14 juin 2018 à l'enfant Daniella F..., dont la paternité a été reconnue par M. E... F..., ressortissant français le 8 janvier 2018. Il ressort du certificat de nationalité française délivré le 26 septembre 2019 par la directrice des services de greffe judiciaires du tribunal d'instance de Nantes que l'enfant Daniella F... est de nationalité française. Toutefois, il ressort aussi des pièces du dossier et notamment des écritures de la requérante elle-même qu'à la date de l'arrêté contesté M. F... ne contribuait pas à l'entretien et à l'éducation de cet enfant depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans. Si Mme B... produit le jugement du 23 février 2021 par lequel le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nantes a fixé la contribution mensuelle due par M. F... pour l'éducation de sa fille à 150 euros par mois, ce jugement est postérieur à la date de la décision contestée et ne saurait permettre de retenir que les conditions prévues par les dispositions précitées étaient satisfaites à la date de son édiction. Par suite, le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a fait droit au moyen tiré de ce qu'il a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.

Sur les autres moyens soulevés par Mme B... :

7. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. G... C..., attaché principal, adjoint à la directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Loire-Atlantique. Par arrêté du 24 août 2020 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet lui a donné délégation à l'effet de signer notamment les décisions relatives aux demandes de titre de séjour, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme D..., directrice de migrations et de l'intégration dont il n'est pas établi qu'elle n'était pas effectivement absente ou empêchée à la date de l'arrêté attaqué. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En outre, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Mme B... invoque sa présence en France depuis septembre 2017 et expose qu'elle est mère H... F... née en France en 2018. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, le père H... ne contribue pas à son entretien et à son éducation. Elle est en outre célibataire et ne soutient pas être dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. Enfin, l'enfant de la requérante étant âgé de seulement deux ans à la date de l'arrêté contesté, l'intérêt supérieur de cet enfant n'implique pas nécessairement qu'un titre de séjour soit délivré à Mme B..., alors que celle-ci n'établit, ni n'allègue d'ailleurs, qu'elle serait dans l'impossibilité de se réinsérer dans son pays d'origine. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision en litige portant refus de titre de séjour ne peut être regardée comme ayant porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts de cette mesure ou comme ayant été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations précitées en lui refusant le titre de séjour qu'elle sollicitait.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 14 septembre 2020. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions présentées par Mme B... à fin d'injonction sous astreinte et au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2103386 du 20 mars 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que les conclusions présentées par celle-ci devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... B....

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 décembre 2024.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°24NT00940 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00940
Date de la décision : 24/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : DROUET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-24;24nt00940 ?
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