Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 10 octobre 2022 par laquelle le préfet de la Sarthe a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour.
Par un jugement n° 2214348 du 11 janvier 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 10 octobre 2022 et a enjoint au préfet de la Sarthe de délivrer à Mme C... le titre de séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 mars 2024, le préfet de la Sarthe, demande à la cour d'annuler ce jugement du 11 janvier 2024 du tribunal administratif de Nantes.
Il soutient qu'alors que l'avis du collège de médecins de l'OFII précise que si l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'offre de soins et le système de santé dans son pays d'origine lui permettent de bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé, il revient à Mme C... de renverser les conclusions du collège en apportant des éléments probants, ce qu'elle n'a pas fait en ne produisant aucun document médical ni en démontrant l'absence de suivi médical et du traitement suivi
Par un mémoire en défense enregistré le 30 avril 2024, M. A... C..., représenté par Me Le Floch conclut :
1°) à titre principal au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire à l'annulation de la décision du 10 octobre 2022 par laquelle le préfet de la Sarthe a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Sarthe, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
3°) à ce que l'Etat soit condamné à verser à son conseil une somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article L. 761- du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de son renoncement à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ou en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, à ce que la même somme soit versée directement à Mme C....
Elle fait valoir que :
- la décision attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit des pièces, enregistrées le 14 mai 2024, et a présenté des observations, enregistrées le 15 mai 2024.
Mme C... a obtenu le maintien de plein droit du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., ressortissante camerounaise née en 1971, est entrée régulièrement en France le 28 juin 2017, sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a bénéficié à compter du 4 janvier 2019 d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade qui a été renouvelé à deux reprises. A la suite d'une nouvelle demande, le préfet de la Sarthe a refusé de renouveler son titre de séjour, par une décision du 10 octobre 2022. Le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision par jugement du 11 janvier 2024 et a enjoint au préfet de la Sarthe de délivrer à Mme C... un titre de séjour. Le préfet de la Sarthe relève appel de ce jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié et effectif dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect du secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et d'établir l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité pour l'intéressé d'y accéder effectivement.
4. Pour refuser la délivrance du titre de séjour demandé, le préfet de la Sarthe s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 7 septembre 2022 selon lequel l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est atteinte du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) pour lequel elle fait l'objet d'un suivi médical régulier au centre hospitalier du Mans depuis 2017 et d'un traitement à base de Genvoya, qui associe quatre antirétroviraux (Emtricitabine, Ténofovir, Elvitégravir, Cobicistat). S'il ressort de la liste des médicaments essentiels disponibles au Cameroun, établie en 2017, que ce médicament n'y est pas disponible et si Mme C... soutient que le Genvoya n'est pas substituable par les antirétroviraux disponibles au Cameroun, elle ne justifie ni du caractère non substituable de ce traitement, ni de l'échec thérapeutique avec un autre traitement alors que son virus n'a pas été génotypé et qu'aucune résistance à des traitements antiviraux n'est signalée dans son dossier. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment de la liste des médicaments essentiels 2022 que de nombreux antirétroviraux sont disponibles au Cameroun et que le suivi spécialisé est disponible à l'Hôpital Général de Yaoundé. Dans ces conditions, le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a estimé que le préfet de la Sarthe avait méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes et la cour à l'encontre de la décision portant refus de séjour.
Sur la légalité de la décision 10 octobre 2022 :
7. En premier lieu, la décision de refus de séjour comporte l'énoncé des raisons de droit et de fait pour lesquelles leur auteur a décidé de refuser de faire droit à la demande de renouvellement sollicitée par Mme C.... Il en résulte que cette décision est régulièrement motivée.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 425-11 du même code prévoit : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 425-13 de ce code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ". Enfin, l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
9. Aucune disposition législative ou règlementaire n'impose au préfet de communiquer à l'étranger l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) émis dans le cadre de l'instruction d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avant de prendre l'arrêté contesté.
10. Il ressort des pièces versées au dossier par le préfet de la Sarthe, en particulier de l'indication du nom du médecin qui a établi le rapport médical donné au préfet par les services de l'OFII, que le rapport médical sur l'état de santé de Mme C... a été établi par le docteur B... et a été transmis pour être soumis au collège de médecins de l'OFII. Ce collège était composé des docteurs Delprat-Chaton, Jedreski et Coulonges. Dès lors, le préfet apporte la preuve que le médecin auteur du rapport médical n'a pas siégé au sein de ce collège.
11. Lorsque l'avis porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. Il ressort des pièces du dossier que l'avis médical du 7 septembre 2022 concernant Mme C..., signé par les trois médecins composant le collège de médecins de l'OFII, porte cette mention. La requérante se borne à soutenir, sans l'établir, qu'elle a été privée de la garantie tirée du débat collégial du collège de médecins de l'OFII. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
12. En troisième lieu, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour le motif exposé au point 5.
13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
14. Si Mme C... fait valoir son intégration professionnelle, elle n'allègue ni ne démontre disposer en France d'attaches personnelles ou familiales suffisamment anciennes, stables et durables pour établir une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale. par suite, le moyen doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 10 octobre 2022 et a enjoint au préfet de la Sarthe de délivrer à Mme C... le titre de séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser au conseil de Mme C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2214348 du 11 janvier 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... C....
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 décembre 2024.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT0071602