Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 24 janvier 2023 de l'autorité consulaire française à Dakar (Sénégal) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de salariée.
Par un jugement n° 2308526 du 19 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 avril 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour:
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 mars 2024 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Le ministre soutient que le motif tiré de ce que la présentation de faux documents comportant des affirmations mensongères ne permet pas de justifier de la qualification et de l'expérience professionnelle de Mme A..., substitué au motif initial de la décision contestée est de nature à légalement la fonder.
La requête a été communiquée à Mme B... A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante sénégalaise, née le 18 décembre 1980, a déposé une demande de visa de long séjour en qualité de salariée auprès de l'autorité consulaire française à Dakar (Sénégal), laquelle a rejeté cette demande par une décision du 24 janvier 2023. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par ladite commission pendant plus de deux mois. Mme A... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 19 mars 2024 de ce tribunal annulant la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et lui enjoignant de délivrer le visa de long séjour sollicité. Par une décision n° 24NT01112 du 13 juin 2024, le président de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a sursis à l'exécution de ce jugement.
2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Dakar, sur les circonstances, d'une part, que Mme A... n'a pas fourni de contrat de travail règlementaire et, d'autre part, que les informations communiquées pour justifier l'objet et les conditions de séjour sont incomplètes ou ne sont pas fiables.
3. Le tribunal administratif de Nantes, pour annuler la décision contestée, en a censuré les deux motifs énoncés au point précédent. Toutefois, pour établir que la décision contestée était légale, le ministre, qui relève appel de ce jugement, fait valoir en appel, un nouveau motif fondé sur la circonstance que la présentation de faux documents comportant des affirmations mensongères ne permet pas de justifier de la qualification et de l'expérience professionnelle de Mme A... et est ainsi de nature à légalement fonder la décision contestée.
4. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
5. Aux termes aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". La circonstance qu'un travailleur étranger dispose d'un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ou d'une autorisation de travail, ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente refuse de lui délivrer un visa d'entrée en France en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur tout motif d'intérêt général. Constitue un tel motif l'inadéquation entre l'expérience professionnelle et l'emploi sollicité et, par suite, le détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
6. Mme A... s'est vu accorder le 6 décembre 2021 une autorisation de travail pour un emploi de cheffe cuisinière au sein de l'entreprise Pastel Nabou. Toutefois, si Mme A... se prévaut d'une attestation de formation de cuisinière polyvalente obtenue en 2011 et d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 17 mai 2012 au sein de la société Brioche Dorée, le ministre de l'intérieur fait valoir sans être contredit que ces documents sont falsifiés. A cet égard, l'attestation de réussite à la formation de cuisinière polyvalente délivrée par l'école hôtelière du Sénégal comporte des fautes d'orthographe grossières dans son intitulé même et comporte en en-tête le logo de l'institut polytechnique panafricain, qui ne propose aucune formation en matière de cuisine. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la direction des ressources humaines de la société Brioche Dorée a confirmé aux autorités consulaires que Mme A... n'était pas salariée au sein de l'entreprise. Ainsi, les documents produits par Mme A..., qui présentent un caractère falsifié, ne permettent pas de justifier de sa formation et de son expérience professionnelle en qualité de cuisinière. Dans ces conditions, il y a lieu de procéder à la substitution de motif demandée par le ministre de l'intérieur, qui ne prive Mme A... d'aucune garantie.
7. Devant le tribunal administratif de Nantes et la cour, Mme A... ne soulève pas, contre la décision contestée, d'autre moyen qu'il appartiendrait à la cour d'examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme A..., la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint de délivrer le visa sollicité.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2308526 du 19 mars 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A... présentée devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIERLa présidente,
C. BUFFET
Le greffier,
C. GOY
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01111