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17/12/2024 | FRANCE | N°23NT03121

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 17 décembre 2024, 23NT03121


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 17 avril 2023 de l'autorité consulaire française à Abidjan (Côte-d'Ivoire) refusant de lui délivrer un visa dit de retour.



Par un jugement n° 2306647 du 16 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté

la demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 27 octobr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 17 avril 2023 de l'autorité consulaire française à Abidjan (Côte-d'Ivoire) refusant de lui délivrer un visa dit de retour.

Par un jugement n° 2306647 du 16 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2023, Mme A..., représentée par Me Obeng-Kofi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 octobre 2023 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle dispose d'un droit au séjour en France en qualité de mère d'un enfant scolarisé en France, pays où elle travaillait ; elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en France mais n'a pas pu l'obtenir du fait de l'administration ; sa demande est bien fondée eu égard aux pièces produites et à sa situation ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont méconnues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante ivoirienne née en 1978, a présenté une demande de visa de long séjour dit de retour auprès de l'autorité consulaire française à Abidjan (Côte-d'Ivoire) qui, le 17 avril 2023, a refusé de lui délivrer ce visa. Par une décision implicite née le 2 juillet 2023, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. Par un jugement du 16 octobre 2023, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision de la commission de recours.

2. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Enfin, aux termes de l'article L. 232-4 de ce code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".

3. Aux termes de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue du décret du 29 juin 2022 relatif aux modalités de contestation des refus d'autorisations de voyage et des refus de visas d'entrée et de séjour en France : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'intérieur est chargée d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de long séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. Le sous-directeur des visas, au sein de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, est chargé d'examiner les recours administratifs contre les décisions de refus de visa de court séjour prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de l'une ou l'autre de ces autorités, selon la nature du visa sollicité, est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ". L'article D. 312-8-1 du même code, applicable, en vertu de l'article 3 du même décret, aux demandes ayant donné lieu à une décision diplomatique ou consulaire prise à compter du 1er janvier 2023, dispose : " En l'absence de décision explicite prise dans le délai de deux mois, le recours administratif exercé devant les autorités mentionnées aux articles D. 312-3 et D. 312-7 est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision contestée. L'administration en informe le demandeur dans l'accusé de réception de son recours. ".

4. Les décisions des autorités consulaires portant refus d'une demande de visa doivent être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même pour les décisions de rejet des recours administratifs préalables obligatoires formés contre ces décisions.

5. Les dispositions de l'article D. 312-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent que si le recours administratif préalable obligatoire formé contre une décision de refus d'une demande de visa fait l'objet d'une décision implicite de rejet, cette décision implicite, qui se substitue à la décision initiale, doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision initiale. Dans le cadre de la procédure de recours administratif préalable obligatoire applicable aux refus de visa, il en va de même, avant l'entrée en vigueur de ces dispositions, comme c'est le cas en l'espèce, si le demandeur a été averti au préalable par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'une telle appropriation en cas de rejet implicite de sa demande.

6. Si la décision consulaire n'est pas motivée, le demandeur qui n'a pas sollicité, sur le fondement de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, la communication des motifs de la décision implicite de rejet prise sur son recours préalable obligatoire, ne peut utilement soutenir devant le juge qu'aurait été méconnue l'obligation de motivation imposée par l'article L. 211-2 du même code. Si la décision consulaire est motivée, l'insuffisance de cette motivation peut être utilement soulevée devant le juge, sans qu'une demande de communication de motifs ait été faite préalablement.

7. Il ressort des pièces du dossier que l'accusé de réception, daté du 9 mai 2023, du recours formé le 2 mai 2023 par Mme A... devant la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, mentionne qu'en l'absence de réponse expresse de la commission, le recours est réputé rejeté dans un délai de deux mois à compter de sa réception, pour les mêmes motifs que ceux de la décision des autorités consulaires critiquée. Cette décision consulaire mentionne que le visa dit de retour sollicité lui est refusé dès lors qu'elle ne justifie pas d'un droit au séjour en France par référence aux dispositions de l'article L. 312-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une circulaire ministérielle précisément référencée. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France serait entachée d'une absence de motivation, laquelle ne résulte pas par ailleurs de son caractère implicite.

8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le recours formé par Mme A... devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'aurait pas fait l'objet d'un examen particulier.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 311-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Sauf s'il est exempté de cette obligation, des visas exigés par les conventions internationales et par l'article 6, paragraphe 1, points a et b, du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (...) ". Aux termes de l'article L. 312-5 du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 311-1, les étrangers titulaires d'un titre de séjour (...) sont admis sur le territoire au seul vu de ce titre et d'un document de voyage. ".

10. Il résulte de ces dispositions que la détention d'un titre de séjour par un étranger permet son retour pendant toute la période de validité de ce titre sans qu'il ait à solliciter un visa d'entrée sur le territoire français. En ce cas, les autorités consulaires ne disposent pas du pouvoir de refuser, quel que soit le motif invoqué pour justifier leur décision, l'octroi d'un visa d'entrée en France à l'étranger. Il appartient seulement à l'autorité compétente visée par les dispositions de l'article L. 312-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de s'opposer à son entrée en France si l'étranger présente une menace pour l'ordre public.

11. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 312-4 du même code : " Un visa de retour est délivré par les autorités diplomatiques et consulaires françaises à la personne de nationalité étrangère bénéficiant d'un titre de séjour en France en vertu des articles L. 423-1, L. 423- 7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-17, L. 423-18, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 dont le conjoint a, lors d'un séjour à l'étranger, dérobé les documents d'identité et le titre de séjour. ". Ce visa de retour présente le caractère d'une information destinée à faciliter les formalités à la frontière.

12. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que Mme A... a quitté le territoire français le 3 décembre 2022 alors que son titre de séjour, une carte de séjour vie privée et familiale l'autorisant à travailler, délivré le 27 novembre 2020, avait expiré le 26 novembre 2021. Si l'intéressée se prévaut de diverses démarches engagées pour obtenir le renouvellement de ce titre, elle n'établit pas avoir été en possession d'un récépissé de demande de titre de séjour suite à l'expiration de la validité de son titre de séjour plus d'un an avant son départ de la France. La copie d'écran d'un courriel censé émaner de la préfecture des Hauts-de-Seine faisant état d'un rendez-vous programmé le 24 novembre 2021 afin de lui remettre un titre de séjour sollicité le 14 novembre précédent n'est pas de nature à établir l'existence d'un quelconque droit au séjour en France. Le ministre produit pour sa part un courriel du 17 avril 2023 de la cheffe du bureau du séjour des étrangers de cette préfecture indiquant que Mme A... ne disposait pas à cette date d'un titre de séjour en cours de validité, et qu'aucune demande à ce titre n'était en cours d'examen. Si Mme A... s'est informée à diverses reprises de l'état d'avancement de sa demande de titre de séjour et si elle a déposé le 27 octobre 2022 une nouvelle demande de renouvellement de son titre de séjour expiré depuis plus d'un an, ces circonstances ne permettent pas davantage de démontrer que Mme A... disposait d'un droit au séjour à la date du refus de visa contesté. En admettant même l'existence de dysfonctionnements de l'administration française dans le traitement des demandes de Mme A..., il demeure que l'intéressée a quitté le territoire français en ayant connaissance du fait qu'elle ne disposait ni d'un titre de séjour en cours de validité ni d'un récépissé de demande de titre. Dans ces conditions, la commission n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 9 et n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait.

13. En quatrième lieu, Mme A... expose avoir quitté brusquement le territoire français le 3 décembre 2022 afin de rejoindre en Côte-d'Ivoire son père malade, décédé le 29 mars suivant. Il ressort des pièces du dossier qu'elle est alors partie sans son fils né en France en 2008 dont la filiation paternelle n'est pas établie et dont il n'est pas contesté qu'il ne possède pas la nationalité française. Celui-ci a toutefois été scolarisé, dès le mois de septembre 2022, en externat dans un collège situé à Reims, alors que Mme A... continuait à résider en région parisienne où elle était salariée comme gardienne d'un enfant à temps non complet. Aucune explication n'a été donnée sur cette séparation et les conditions de vie et de résidence de l'enfant à Reims. Enfin, il n'est pas établi qu'auparavant les intéressés vivaient ensemble au sein d'un même logement. Par suite, alors que Mme A... se borne à produire deux prescriptions médicales concernant son enfant resté en France et un bulletin de note, postérieurs à son départ, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03121
Date de la décision : 17/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : OBENG-KOFI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-17;23nt03121 ?
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