Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association fédération des associations de protection de l'environnement et du littoral des Côtes-d'Armor (FAPEL 22), M. et Mme A... et C... D..., ainsi que Mme F... E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2019 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a accordé un permis de construire à la SARL Armor Bio Méthane pour la construction d'une station de méthanisation au lieu-dit Kerflec'h à Plouha, les décisions implicites de rejet de leurs recours gracieux ainsi que l'arrêté du 15 avril 2021 du préfet des Côtes-d'Armor portant permis de construire modificatif.
Par un jugement n° 2000478 du 20 décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 février 2023 et 13 mai 2024, l'association FAPEL 22, M. et Mme A... et C... D... et Mme F... E..., représentés par Me Dubreuil, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2019 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a accordé un permis de construire à la société Armor Bio Méthane pour la construction d'une station de méthanisation au lieu-dit Kerflec'h à Plouha, les décisions implicites de rejet de leurs recours gracieux ainsi que l'arrêté du 15 avril 2021 du préfet des Côtes-d'Armor portant permis de construire modificatif ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier dès lors que leurs demandes étaient recevables ; le recours gracieux de la FAPEL 22 a été régulièrement notifié au bénéficiaire de l'autorisation ; le recours gracieux de M. et Mme D..., qui ont intérêt à agir, n'est pas tardif dès lors que l'affichage du permis de construire est irrégulier ; le recours gracieux de Mme E... n'est pas tardif et elle a intérêt à agir ;
S'agissant du permis de construire initial :
- le dossier de permis de construire est insuffisant s'agissant des modalités de gestion des eaux pluviales ;
- l'arrêté contesté méconnait le plan d'aménagement et de gestion durable du schéma d'aménagement et de gestion des eaux Argoat-Trégor-Goëlo dès lors qu'aucune étude n'a été produite justifiant de ce que le projet respecte l'objectif de réduction des volumes d'eaux pluviales rejetées dans les eaux douces superficielles ;
- le préfet devait solliciter des compléments s'agissant de la justification du caractère nécessaire aux activités agricoles de la construction projetée ;
- l'avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers méconnait les dispositions de l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté contesté a irrégulièrement retiré la décision implicite de refus née le 8 juin 2019 ; à titre subsidiaire si l'arrêté contesté est regardé comme abrogeant cette décision implicite, le pétitionnaire devait déposer une nouvelle demande de permis de construire ;
- l'existence d'une décision implicite de refus de permis de construire faisait obstacle à l'octroi explicite d'un permis de construire ;
- l'arrêté contesté méconnait les dispositions des articles L. 121-8 et L. 121-10 du code de l'urbanisme dès lors que le projet est situé au sein des espaces proches du rivage ; le projet ne constitue pas une construction ou installation nécessaire à une activité agricole ; le projet est de nature à porter atteinte à l'environnement et aux paysages ;
- la qualification d'espaces proches du rivage faisait obstacle à la délivrance du permis de construire litigieux en application des dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme ;
- le projet contesté méconnait les dispositions de l'article A3 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors que le seul empierrement du chemin d'accès à l'installation est insuffisant pour en assurer la desserte ; la largeur du chemin ne permet pas de desservir l'installation en toute sécurité ;
- le projet contesté méconnait les dispositions de l'article A4 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors que la demande de permis de construire ne comporte aucune information sur la nature et le raccordement aux réseaux ; l'absence de réalisation d'une étude hydrogéologique ne permet pas de confirmer la pertinence de l'aménagement retenu ; l'absence de dossier au titre de la loi sur l'eau vicie l'autorisation délivrée ; les eaux polluées ne seront pas évacuées vers le réseau d'assainissement collectif ;
S'agissant du permis de construire modificatif :
- la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ainsi que la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers n'ont pas été consultées ; les modifications apportées à l'autorisation initiale présentent des enjeux paysagers et environnementaux ;
- le dossier de permis de construire était insuffisant s'agissant du second accès à la parcelle ;
- le second accès à la parcelle, créé par le permis de construire modificatif, méconnait les dispositions de l'article A3 du règlement du plan local d'urbanisme.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 mars et 26 mars 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'association FAPEL 22 n'a pas intérêt à agir ;
- le recours de Mme E... est tardif ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
La requête et les mémoires enregistrés dans la présente instance ont été communiqués à la société Armor Bio Méthane qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 14 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 juin 2024.
Un mémoire présenté par la FAPEL22 a été enregistré le 10 octobre 2024, soit après la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dubost,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- puis les observations de Me Dubreuil, représentant la FAPEL 22, M. et Mme D... et Mme E....
Une note en délibéré présentée pour la FAPEL 22 et autres a été enregistrée le 2 décembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Le 10 décembre 2018, la société Armor Bio Méthane a déposé une demande de permis de construire pour la création d'une station de méthanisation sur un terrain situé au lieudit Kerflec'h à Plouha (Côtes-d'Armor). Le préfet des Côtes-d'Armor a, par un arrêté du 30 juillet 2019, accordé le permis de construire sollicité. L'association FAPEL 22, M. et Mme D... et Mme E..., ont formé à l'encontre de cette décision, des recours gracieux qui ont été implicitement rejetés. L'association FAPEL 22, M. et Mme D... et Mme E... ont alors demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler ces décisions ainsi que l'arrêté du 15 avril 2021 du préfet portant permis de construire modificatif. Ils relèvent appel du jugement du 20 décembre 2022 par lequel ce tribunal a rejeté, comme irrecevable, leur demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
S'agissant de l'irrecevabilité opposée à la demande en tant qu'elle concerne la FAPEL 22 :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...) Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. (...). ". Aux termes de l'article A. 424-18 du même code : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) ".
4. Si l'exercice par un tiers d'un recours administratif ou contentieux contre une autorisation d'urbanisme montre qu'il a connaissance de cette décision et a, en conséquence, pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux, alors même que la publicité concernant ce permis n'aurait pas satisfait aux dispositions prévues en la matière par le code de l'urbanisme, un tel recours ne permet pas, en revanche, de considérer que celui qui l'exerce a eu connaissance de l'obligation de le notifier à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis prévue, à peine d'irrecevabilité, par l'article R. 600-1 du code l'urbanisme.
5. D'abord, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le panneau d'affichage du permis de construire délivré le 30 juillet 2019, implanté à environ 50 mètres de la voie publique, était visible depuis celle-ci. Ce panneau a été installé sur la parcelle cadastrée section ZC n° 100 qui constitue un chemin d'exploitation desservant le terrain de l'opération projetée. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier, notamment des constats d'huissier produits, que ce chemin d'exploitation n'aurait pas été ouvert au public. Il ressort au contraire de ces constats qu'aucun obstacle physique n'empêchait les tiers d'utiliser ce chemin, de sorte que le panneau était lisible depuis un espace ouvert au public. Les circonstances que le chemin soit utilisé par des agriculteurs ou qu'il appartienne au domaine privé de la commune sont à cet égard sans incidence. D'autre part, il ne ressort pas des mêmes pièces que cet affichage aurait comporté des erreurs quant aux informations y figurant, de nature à induire les tiers en erreur. Par ailleurs, il est constant que cet affichage mentionnait l'obligation de notification prévue par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, l'affichage du permis de construire respectait les dispositions citées au point 2.
6. Ensuite, il résulte des termes mêmes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dont le but est d'alerter tant l'auteur d'une décision d'urbanisme que son bénéficiaire de l'existence d'un recours contentieux formé contre cette décision, dès son introduction, que cette formalité peut être regardée comme régulièrement accomplie dès lors que la notification est faite au titulaire de l'autorisation désigné par l'acte attaqué, à l'adresse qui y est mentionnée.
7. Il ressort des pièces du dossier que la FAPEL 22 a notifié le recours gracieux qu'elle a adressé au préfet des Côtes-d'Armor, par lettre recommandée adressée le 29 septembre 2019 à M. B..., en sa qualité de représentant légal de la société Armor Bio Méthane. Toutefois, ce pli recommandé a été expédié au lieu-dit Kerflec'h à Plouha, correspondant au terrain de l'opération projetée et non à celle de la société pétitionnaire, mentionnée sur l'arrêté contesté et a ainsi été retourné à l'association avec la mention " défaut d'accès ou d'adressage ". Si la FAPEL 22 soutient avoir été induite en erreur par la présentation de l'arrêté préfectoral en litige, les mentions de celui-ci sont dépourvues de toute ambiguïté quant à l'adresse du terrain d'implantation de la station de méthanisation et à celle du pétitionnaire. Dans ces conditions, la FAPEL 22 n'établit pas avoir notifié son recours gracieux à la société bénéficiaire du permis de construire litigieux dans les conditions prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.
8. La FAPEL 22 n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes s'est fondé, pour rejeter comme irrecevable la demande en tant qu'elle la concerne, sur la circonstance que le recours gracieux formé à l'encontre de l'arrêté du 30 juillet 2019 n'avait pas été régulièrement notifié au pétitionnaire.
S'agissant de l'irrecevabilité opposée à la demande en tant qu'elle concerne Mme E... :
9. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Il appartient ensuite au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
11. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... réside à plus de sept-cents mètres de l'opération projetée et n'en est pas voisine immédiate. Par ailleurs, les pièces du dossier, notamment les photographies produites, ne permettent pas d'établir qu'elle disposerait de vues sur l'opération projetée depuis sa propriété. En outre, si Mme E... se prévaut des nuisances qui seraient générées par le projet, notamment olfactives, ces allégations, compte tenu notamment de la distance la séparant du projet, ne sont pas suffisamment étayées. Il en résulte que Mme E... ne justifie pas d'un intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté contesté.
12. Mme E... n'est donc pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande en tant qu'elle la concerne en tant qu'irrecevable.
S'agissant de l'irrecevabilité opposée à la demande en tant qu'elle concerne M. et Mme D... :
13. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... sont propriétaires d'une maison d'habitation située à plus de neuf-cents mètres de l'opération projetée et n'en sont pas voisins immédiats. Par ailleurs, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir qu'ils disposeraient de vues sur l'opération projetée depuis leur propriété, les photographies produites montrant notamment la présence d'obstacles végétaux entre la propriété des requérants et le terrain de l'opération projetée. En outre, si M. et Mme D... se prévalent des nuisances qui seraient générées par le projet, notamment olfactives, ces allégations, compte tenu notamment de la distance les séparant du projet, ne sont pas suffisamment étayées. Il en résulte que M. et Mme D... ne justifient pas d'un intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté contesté.
14. M. et Mme D... ne sont donc pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes s'est fondé, pour rejeter la demande en tant qu'elle les concerne, sur ce qu'ils ne disposent pas d'un intérêt à agir à l'encontre de la décision contestée.
Sur les frais liés au litige :
15. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la FAPEL 22 et autres doivent dès lors être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la FAPEL et autres est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association FAPEL 22 premier requérant dénommé en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, et à la société Armor Bio Méthane.
Copie en sera adressée au préfet des Côtes d'Armor et à la commune de Plouha.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIER
Le greffier,
C. GOY La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00532