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13/12/2024 | FRANCE | N°23NT03385

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 13 décembre 2024, 23NT03385


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le préfet du Finistère a déféré M. B... A... devant le tribunal administratif de Rennes, en application de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, comme prévenu d'une contravention de grande voirie et lui a demandé, d'une part, de le condamner au paiement de la peine d'amende prévue par les articles L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques et 131-13 du code pénal, en raison de l'occupation illégale par son navire du domaine public m

aritime, et, d'autre part, de lui enjoindre de remettre en état ce dernier dans un délai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet du Finistère a déféré M. B... A... devant le tribunal administratif de Rennes, en application de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, comme prévenu d'une contravention de grande voirie et lui a demandé, d'une part, de le condamner au paiement de la peine d'amende prévue par les articles L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques et 131-13 du code pénal, en raison de l'occupation illégale par son navire du domaine public maritime, et, d'autre part, de lui enjoindre de remettre en état ce dernier dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2300462 du 12 juin 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a condamné M. A... à payer une amende de 800 euros et lui a enjoint de retirer du domaine public maritime le corps-mort constituant le mouillage utilisé par son navire dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 octobre et 22 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Le Guen, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 juin 2023 et de le relaxer des fins de la poursuite ;

2°) à titre subsidiaire, de ramener le montant de l'amende prononcée en première instance à de plus justes proportions et de ne prononcer aucune injonction à son encontre ou, à tout le moins, de modérer le montant de l'astreinte ainsi que sa part contributive aux frais éventuels de dépose du corps-mort ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2500 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu'il n'est pas établi que la minute a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ;

- il n'est pas établi que le secrétaire général de la préfecture du Finistère était régulièrement habilité pour saisir le tribunal administratif d'une contravention de grande voirie ;

- le préfet avait jusqu'au 7 décembre 2022 pour notifier la copie du procès-verbal d'infraction et n'a pas respecté ce délai ;

- l'infraction qui lui est reprochée n'est pas caractérisée ;

- à titre subsidiaire, le montant de la contravention prononcée par le tribunal administratif est disproportionné ;

- il n'a pas à supporter le coût de l'enlèvement du corps-mort constituant le mouillage qu'il n'utilise pas et qui n'est pas sa propriété.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 juin 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... sont infondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabernaud,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Delagne, substituant Me Le Guen, pour M. A..., et celles de ce dernier.

Considérant ce qui suit :

1. Par un procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 28 octobre 2022 et notifié le 22 décembre suivant, les services de l'Etat ont constaté que M. A... avait procédé irrégulièrement, sur une dépendance du domaine public maritime, à l'amarrage de son navire sur un mouillage constitué d'une bouée et d'un corps-mort sur le territoire de la commune de Landéda. Le préfet du Finistère a ainsi déféré l'intéressé devant le tribunal administratif de Rennes, en application de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, comme prévenu d'une contravention de grande voirie et lui a demandé, d'une part, de le condamner au paiement de la peine d'amende prévue par les articles L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques et 131-13 du code pénal, en raison de l'occupation illégale par son navire du domaine public maritime, et, d'autre part, de lui enjoindre de remettre en état ce dernier dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par un jugement du 12 juin 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a condamné M. A... à payer une amende de 800 euros et lui a enjoint de procéder à l'enlèvement du corps-mort du domaine public maritime dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. M. A... fait appel de ce jugement devant la cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen, qui manque en fait, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, par un arrêté du 26 juillet 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Finistère, délégation de signature a été donnée à M. Christophe Marx, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer, en toutes matières, tous les actes relevant des attributions du préfet, à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les requêtes aux fins de saisir le tribunal administratif d'une contravention de grande voirie. Dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait été saisi par une autorité incompétente manque en fait et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. (...) ".

6. L'observation de ce délai de dix jours n'est pas prescrite à peine de nullité de la procédure. Pour autant, la notification tardive du procès-verbal ne saurait porter atteinte aux droits de la défense. A cet égard, la circonstance que le procès-verbal de contravention de grande voirie a été notifié à M. A... le 22 décembre 2022 alors qu'il avait été dressé le 28 octobre précédent n'a pas, en l'espèce, privé l'intéressé de la possibilité de rassembler les éléments de preuve utiles à sa défense. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance du délai de dix jours prévu par les dispositions citées au point précédent doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. (...). ". Aux termes de l'article L. 2132-2 du même code : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. / Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative. ". Aux termes de l'article L. 2132-26 du même code : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal. (...). ". Aux termes de l'article 131-13 du code pénal : " (...) Le montant de l'amende est le suivant : (...) / 5° 1 500 euros au plus pour les contraventions de la cinquième classe ; (...). ". Ces dispositions définissent les infractions au domaine public maritime dont la constatation justifie que les autorités chargées de la conservation de ce domaine engagent, après avoir cité le contrevenant à comparaître, des poursuites conformément à la procédure de contravention de grande voirie prévue par les articles L. 774-1 à L. 774-13 du code de justice administrative. Dans le cadre de cette procédure, le contrevenant peut être condamné par le juge, au titre de l'action publique, à une sanction pénale consistant en une amende ainsi que, au titre de l'action domaniale et à la demande de l'administration, à remettre lui-même les lieux en état. Lorsqu'il retient la qualification de contravention de grande voirie s'agissant des faits qui lui sont soumis, le juge est tenu d'infliger une amende au contrevenant.

8. D'une part, il résulte de l'instruction, en particulier du procès-verbal précité du 28 octobre 2022 et des annexes qui y sont jointes, que les services de la direction départementale des territoires et de la mer du Finistère ont constaté, les 18 mai et 7 septembre 2022, que M. A... avait procédé à l'amarrage de son navire sur un mouillage constitué d'une bouée et d'un corps-mort sur une dépendance du domaine public maritime située sur le territoire de la commune de Landéda au lieu-dit Cameuleut, alors qu'il n'était pourvu d'aucun droit ni titre à cette fin. Ces faits ont été constatés par un agent assermenté de l'Etat, dont les constatations font foi jusqu'à preuve du contraire. M. A... soutient qu'il ignorait que le mouillage litigieux, qui était précédemment la propriété d'un ami, n'était plus autorisé depuis 2014, qu'il n'a jamais gêné la navigation des autres navires, ou entrainé une quelconque pollution de par la présence de son bateau à cet endroit, qu'il a retiré celui-ci le 28 décembre 2022 et qu'il possède par ailleurs un autre mouillage qu'il utilise dans le port de Plouguerneau et pour lequel il verse une redevance. Toutefois, de telles circonstances ne sont pas de nature à remettre en cause la matérialité des faits qui lui sont reprochés, lesquels constituent une occupation sans titre du domaine public maritime au sens de l'article L. 2132-2 précité du code général de la propriété des personnes publiques justifiant, par suite, le prononcé d'une contravention de grande voirie à son encontre.

9. D'autre part, en condamnant M. A... à payer une somme de 800 euros, le tribunal administratif n'a pas fixé un montant d'amende qui serait disproportionné, dès lors que le quantum maximum prévu par le 5° de l'article 131-13 précité du code pénal est de 1500 euros et que l'intéressé a fait l'objet d'une mise en demeure le 29 juin 2022, à laquelle il n'a pas déféré, de retirer son navire du mouillage litigieux préalablement à la mise en œuvre de la procédure de contravention de grande voirie.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. (...) ".

11. Ces dispositions tendent à assurer, au moyen de l'action domaniale qu'elles instituent, la remise du domaine public maritime naturel dans un état conforme à son affectation publique en permettant aux autorités chargées de sa protection, notamment, d'ordonner à celui qui l'a réalisé ou, à défaut, à la personne qui en a la garde, la démolition d'un aménagement irrégulièrement implanté sur ce domaine. Dans le cas d'un tel aménagement, le gardien est celui qui, en ayant la maîtrise effective, se comporte comme s'il en était le propriétaire.

12. M. A... soutient que le tribunal administratif ne pouvait pas lui enjoindre d'enlever le corps-mort constituant le mouillage qu'il a utilisé irrégulièrement sur le domaine public maritime, dès lors que celui-ci ne lui appartient pas mais appartenait à l'un de ses amis qui est aujourd'hui décédé. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 8 ci-dessus, M. A... a utilisé ce mouillage à plusieurs reprises en y amarrant son navire. Dès lors, il en avait la maîtrise effective et s'est comporté comme s'il en était le propriétaire. Il peut donc être regardé comme en étant le gardien. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif lui a enjoint de procéder, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à son enlèvement au titre de l'action domaniale. En conséquence, les conclusions de M. A... tendant, à titre principal, à contester le bien-fondé de cette injonction sous astreinte et, à titre subsidiaire, à limiter le montant de cette astreinte, laquelle n'est pas excessive, et de sa part contributive aux frais d'enlèvement doivent être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes l'a condamné à payer une amende de 800 euros et lui a enjoint de retirer du domaine public maritime le corps-mort constituant le mouillage utilisé par son navire. Par voie de conséquence doivent être également rejetées ses conclusions présentées en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Le Guen et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- M. Chabernaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2024.

Le rapporteur,

B. CHABERNAUDLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03385


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03385
Date de la décision : 13/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Benjamin CHABERNAUD
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : AARPI VIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-13;23nt03385 ?
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