Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 4 juin 2024 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert vers l'Autriche et l'arrêté du 4 juin 2024 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 2403132 du 11 juin 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 août 2024, M. A..., représenté par Me Vaillant, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes du 11 juin 2024 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 4 juin 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'est pas établi qu'il se soit effectivement vu délivrer, par écrit ou tout le moins oralement, dans une langue qu'il comprend et dès le début de la procédure, les informations prévues à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il n'a pas bénéficié d'un entretien dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la décision de transfert méconnaît le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né en 2001, est entré sur le territoire français le 27 février 2024. Le 14 mars 2024, il a présenté une demande d'asile à la préfecture des Yvelines. Il est ressorti de la consultation du fichier Eurodac qu'il avait préalablement demandé l'asile en Autriche. Les autorités autrichiennes ont, le 8 avril 2024, été saisies d'une demande de reprise en charge de l'intéressé, à laquelle elles ont fait droit le 22 avril 2024. Par deux arrêtés du 4 juin 2024 dont le requérant a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jour. Par un jugement du 11 juin 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. M. A... fait appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
3. S'il ne résulte ni des dispositions citées au point 2 ni d'aucun principe que devrait figurer sur le compte-rendu de l'entretien individuel la mention de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien, il appartient à l'autorité administrative, en cas de contestation sur ce point, d'établir par tous moyens que l'entretien a bien, en application des dispositions précitées de l'article 5.5 du règlement du 26 juin 2013, été " mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ". Par suite, le préfet d'Ille-et-Vilaine ne peut utilement soutenir qu'aucune disposition du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni aucun principe, n'impose que figure sur le compte-rendu de l'entretien individuel la mention de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien, que la mention " conduit par un agent qualifié de la préfecture des Yvelines " fait foi jusqu'à preuve du contraire et qu'aucun élément du dossier ne permet de tenir pour établi que cet entretien n'aurait pas été mené dans le respect du principe de confidentialité ou par une personne qualifiée en vertu du droit national au sens et pour l'application de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
4. Le résumé de l'entretien individuel mené avec M. A... le 14 mars 2024 à la préfecture des Yvelines ne permet pas d'identifier l'agent ayant conduit l'entretien, quand bien même il porte la mention " Entretien conduit par un agent qualifié de la préfecture des Yvelines " et un cachet de la direction des migrations. Le préfet d'Ille-et-Vilaine n'apporte aucun élément de nature à l'identifier ou à établir sa qualité, en se bornant à produire une attestation signée le jour de son entretien à la fois par M. A... et, sur délégation du préfet, par le directeur des migrations, indiquant notamment que " l'entretien s'est déroulé avec un agent qualifié de la préfecture ". Dans ces conditions, il n'est pas établi que l'entretien a été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national au sens de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. Contrairement à ce que soutient le préfet d'Ille-et-Vilaine, la conduite de l'entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d'asile, une garantie.
5. L'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 4 juin 2024 portant assignation à résidence de M. A... doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du même jour portant transfert de l'intéressé aux autorités autrichiennes.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt implique seulement que le préfet d'Ille-et-Vilaine réexamine la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Sur les frais liés au litige :
8. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de la présente instance. Aussi, et dans la mesure où l'Etat est la partie perdante à cette instance, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique visée ci-dessus, la somme de 1 000 euros hors taxe, à verser à Me Vaillant, avocate du requérant. Ce versement vaudra, conformément à cet article 37, renonciation à ce qu'elle perçoive la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie l'intéressé.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2403132 du tribunal administratif de Rennes du 11 juin 2024 et les arrêtés du 4 juin 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant le transfert de M. A... aux autorités autrichiennes et portant assignation à résidence sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros hors taxe à Me Vaillant en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Vaillant et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2024.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT02515