Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par une première requête enregistrée sous le n° 2400327, Mme C... B..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision par laquelle le préfet du Morbihan a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par une seconde requête enregistrée sous le n° 2401935, la même requérante a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 février 2024 par lequel le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une carte de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation.
Par un jugement nos 2300327, 2401935 du 17 juin 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les demandes de Mme C... B..., épouse A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 juillet 2024, Mme C... B..., épouse A..., représentée par Me Fouchard, demande au tribunal :
1°) d'annuler ce jugement du 17 juin 2024 ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 8 février 2024 par lequel le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de destination, et, à titre subsidiaire, d'annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le refus d'admission au séjour :
- la décision contestée est entachée d'un défaut de motivation en fait, en l'absence de référence à sa vie commune, ancienne et stable avec son époux en situation régulière, à la scolarisation ancienne de ses enfants en France, à l'existence d'attaches familiales en France ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des critères posés par la circulaire " Valls " du 28 novembre 2012 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale en refusant de l'admettre au séjour ;
- le préfet a pris sa décision en violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2024, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne,
- et les observations de Me Fouchard, avocate de Mme C... B..., épouse A..., présente à l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B..., épouse A..., ressortissante turque née en 1995, est entrée irrégulièrement en France le 17 septembre 2015. Elle a sollicité à quatre reprises en 2017, 2020 2022 et 2023 sa régularisation au titre de la vie privée et familiale, ce qui lui a été refusé par des décisions expresses des 26 octobre 2017, 23 juin 2021 et 27 décembre 2022, la deuxième ayant été assortie d'une obligation de quitter le territoire et contestée sans succès au contentieux, et, s'agissant de la demande présentée en janvier 2023, reçue par le préfet le 2 février suivant, par une décision implicite du 2 juin 2023. En dernier lieu, le 19 juillet 2023, Mme A... a demandé à nouveau à être admise exceptionnellement au séjour sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle relève appel du jugement n°2300327, 2401935 du 17 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de refus de lui délivrer un titre de séjour, et, d'autre part, à l'annulation de la décision du 8 février 2024, prise par arrêté, par laquelle le préfet du Morbihan lui a expressément refusé la délivrance de ce titre.
2. En premier lieu, l'arrêté du 8 février 2024 vise les dispositions des articles L. 311-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont le préfet a fait application et mentionne la situation administrative, personnelle et familiale de l'intéressée, notamment les rejets de ses précédentes demandes de titre de séjour, le fait qu'elle ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels permettant de l'admettre au séjour, les circonstances qu'elle ne travaille pas et ne justifie pas d'une insertion dans la société française et qu'elle n'établit pas ne plus disposer de liens privés et familiaux en Turquie, son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans. L'arrêté, qui mentionne le fait que Mme A... est mariée avec un compatriote titulaire d'une carte de résident dont elle a eu trois enfants nés en France en 2015, 2017 et 2019, comporte ainsi les circonstances de droit et de fait qui le justifient et satisfait aux exigences de motivation alors même que le préfet n'a pas fait mention de la situation scolaire de ses enfants et du caractère régulier de la présence en France de membres de sa famille. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, par suite, être écarté.
3. En deuxième lieu, si Mme A..., qui entrait dans le champ de la procédure de regroupement familial et avait ainsi la possibilité de rejoindre légalement en France, dans le cadre de cette procédure, son époux, sous réserve que celui-ci remplisse les conditions de ressources et de logement, se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis près de neuf années, avec son époux et leurs trois enfants, nés en 2015, 2017 et 2019, de la scolarisation de ceux-ci, de la présence en France de plusieurs membres de sa famille, de ce qu'elle a suivi plusieurs formations et de sa bonne maîtrise de la langue française, le préfet, qui a pu prendre en considération, pour apprécier l'insuffisante intégration de l'intéressée en France, son absence d'insertion professionnelle, sa faible maîtrise de la langue française et les décisions, non suivies d'effet, par lesquelles il a refusé de l'admettre au séjour et, le 23 juin 2021, a pris une mesure d'éloignement à laquelle elle ne s'est pas conformée, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'elle ne justifiait ni de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels lui permettant d'être admise exceptionnellement au séjour au titre de sa vie privée et familiale sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La requérante ne peut à cet égard se prévaloir utilement de la circulaire NOR INTK1229185C du 28 novembre 2012 qui est dépourvue de portée réglementaire.
4. En troisième lieu, si la requérante fait état de la présence régulière en France de son époux, titulaire d'une carte de résident, et de la scolarisation de ses enfants tous nés en France, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de l'éloigner du territoire français ou de la séparer de ses enfants. Les éléments qu'elle met en avant pour justifier de son intégration se limitent au suivi de cours de français deux fois par semaine. La requérante ne justifie enfin d'aucune relation établie en France, en dehors de son cercle familial, qui présenterait un caractère suffisamment ancien, intense et stable. Enfin, elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Morbihan, en prenant la décision litigieuse, aurait porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale et méconnu en conséquence les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Morbihan, dont l'arrêté, qui mentionne les trois enfants de Mme A... et n'a pas pour effet de séparer ceux-ci de leur mère et de leur père, n'aurait pas accordé une considération primordiale à l'intérêt supérieur de ces enfants et qu'il aurait pris, dès lors, son arrêté en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
6. En cinquième lieu, si la requérante présente des conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 8 février 2024 l'obligeant à quitter le territoire, de telles conclusions ne peuvent qu'être rejetées alors que l'arrêté du 8 février 2024 du préfet du Morbihan, constituant la décision attaquée et produite en première instance comme en appel, ne comporte aucune mesure d'éloignement.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B..., épouse A..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application à son bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B..., épouse A..., est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme C... B..., épouse A..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2024.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT02148