Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. Kamara Labay a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 12 mai 2023 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n°2306158 du 7 février 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 juin 2024, M. Kamara Labay, représenté par Me Mézin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 février 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Côtes-d'Armor du 12 mai 2023 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour durant le réexamen de sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la minute du jugement n'est pas signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est entachée de plusieurs erreurs de fait en ce que son fils, B..., né en France n'a pas exclusivement la nationalité nigériane de sa mère, Mme A..., mais bénéficie de la double nationalité sierra-léonaise et nigériane ; il vit en concubinage avec Mme A... depuis octobre 2020 ; il a reconnu son fils le 13 octobre 2021 et l'attestation de concubinage datée du 20 novembre 2023 est signée par sa compagne ; il contribue à l'entretien et à l'éducation de son fils ;
- elle méconnaît les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur la situation familiale, et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que la jeune C..., fille nigériane de Mme A..., a obtenu le statut de réfugié le 12 avril 2024, Mme A... pourra bénéficier d'un titre de séjour de dix ans en application de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il sera empêché de vivre avec son fils B..., Mme A..., et l'enfant K... de cette dernière.
M. Kamara Labay a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marion a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. Kamara Labay, ressortissant sierra-léonais né le 20 novembre 1993, déclare être entré irrégulièrement en France le 17 février 2016. Il a présenté une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui a été rejetée par une décision du 27 juillet 2017. Son recours contre cette décision auprès de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a été rejeté le 19 mars 2019. M. Kamara Labay a fait l'objet de deux précédents arrêtés portant obligation de quitter le territoire français les 26 avril 2018 et 9 mars 2022. Par un courrier du 24 janvier 2023, il a demandé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 12 mai 2023, le préfet des Côtes-d'Armor a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant trois ans. M. Kamara Labay a présenté au tribunal administratif de Rennes une demande d'annulation des décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français contenues dans l'arrêté du 12 mai 2023. Par la requête visée ci-dessus, M. Kamara Labay demande l'annulation du jugement du 7 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation des décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français contenues dans cet arrêté du 12 mai 2023.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé par M. Jouno, président de la formation de jugement, M. Ambert, rapporteur et Mme Guillou, greffière d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifié à M. Kamara Labay ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur les moyens communs aux décisions attaquées :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. ...A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) " et de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...). ".
5. Il ressort de l'arrêté du 12 mai 2023 que le préfet des Côtes-d'Armor vise, notamment, les articles L. 423-23, L. 435-1 et L. 611-1, 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il fait état de ce que M. Kamara Labay a fait l'objet de deux précédents arrêtés de refus de séjour accompagnés d'obligations de quitter le territoire français en date des 26 avril 2018 et 9 mars 2022 auxquels il n'a pas déféré et qu'il est le père d'un garçon, B..., né le 11 novembre 2021 à Saint-Malo, issu d'une union avec une ressortissante nigériane, Mme A..., qui a déclaré que M. Kamara Labay rendait visite certains jours à son fils mais ne le recevait jamais chez lui pour dormir. L'arrêté précise également que M. Kamara Labay a déclaré être célibataire, qu'il ne travaille pas et ne présente ni promesse d'embauche, ni contrat de travail, et ne démontre pas participer à l'entretien et à l'éducation de son fils B... et, enfin, que Mme A... faisant l'objet d'un arrêté préfectoral d'expulsion du préfet du Var du 27 juillet 2022, M. Kamara Labay a vocation à suivre son fils et la mère de ce dernier afin que la cellule familiale ne soit pas désolidarisée. Les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français sont donc suffisamment motivées en droit et en fait.
6. En second lieu, au regard de ces éléments, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. Kamara Labay doit être écarté.
Sur la décision de refus de séjour :
7. En premier lieu, la circonstance que l'arrêté mentionne que le fils, B..., né en France de M. Kamara Labay a la nationalité nigériane alors qu'il bénéficie en réalité de la double nationalité sierra-léonaise et nigériane est sans incidence sur la légalité de la décision.
8. En deuxième lieu, l'attestation datée du 20 novembre 2023 signée par Mme A... et M. Kamara Labay déclarant qu'ils vivent en concubinage depuis octobre 2020 est postérieure à la décision attaquée du 12 mai 2023, date à laquelle s'apprécie sa légalité Par ailleurs, il ressort de la fiche d'inscription pour l'année 2023 à la crèche du fils de M. Kamara Labay que Mme A... était domiciliée à une autre adresse que celle du requérant à Dinan. En outre, le requérant ne conteste pas les déclarations de Mme A... au préfet des Côtes-d'Armor selon lesquelles l'intéressé rendait visite " certains jours " à son fils B... mais " ne le recevait jamais chez lui pour dormir ". Si l'acte de naissance du 11 novembre 2021 du fils de M. Kamara Labay fait état d'un domicile commun au foyer Noz Deiz à Dinan, ce document n'est pas, à lui seul, de nature à démontrer que le couple vivait en concubinage à la date de l'arrêté attaqué. Par suite le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Côtes-d'Armor aurait commis une erreur de fait quant à l'existence d'une communauté de vie entre M. Kamara Labay et Mme A... à la date à laquelle il a pris son arrêté.
9. En troisième lieu, M. Kamara Labay produit une facture Emmaüs d'achat de jouets du 13 juin 2023 ainsi que divers tickets de caisse d'achat de vêtements, jouets, produits alimentaires destinés à son fils, datés de juin et juillet 2023 et de mars et mai 2024, ces justificatifs sont tous postérieurs à l'arrêté attaqué. Les deux tickets de caisse Distri Center datés de 2022 d'achat de vêtements d'enfants et les relevés bancaires de 2021 et 2022 mentionnant neuf virements effectués au profit de Mme A... ne sont pas en nombre suffisant pour attester d'une participation effective du requérant à l'entretien de son fils B.... De plus, le requérant ne produit aucun document de nature à démontrer qu'il participerait à l'éducation de son fils, lequel vit avec sa mère. Par suite, le préfet des Côtes-d'Armor n'a pas commis d'erreur de fait.
10. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " et aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ".
11. Comme il a été dit, M. Kamara Labay est célibataire et est père d'un enfant mineur, né à Saint-Malo le 11 novembre 2021, de sa relation avec Mme A..., ressortissante nigériane titulaire d'une carte de résident valable de 2009 à 2019. Toutefois, le préfet des Côtes-d'Armor fait valoir, sans être contredit, que le fils de M. Kamara Labay vit exclusivement chez sa mère, laquelle a également eu une fille, F..., née d'une relation avec un compatriote nigérian. Les seuls tickets de caisse et relevés bancaires ainsi que les quelques photographies jointes au dossier ne permettent pas d'établir un lien d'une quelconque intensité entre M. Kamara Labay et son fils. Dans ces conditions, la décision contestée ne prive pas, par elle-même, M. Kamara Labay la possibilité de reconstituer s'il le souhaite sa cellule familiale dans un autre pays. Dès lors, eu égard à l'absence de liens personnels et familiaux avec la France, la décision du 12 mai 2023 du préfet des Côtes-d'Armor refusant un titre de séjour à M. Kamara Labay ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît pas l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni n'est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
13. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. Kamara Labay ne justifie pas de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui permettant d'être admis exceptionnellement au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article ne peut qu'être écarté.
14. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".
15. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations mentionnées au point précédent, doit être écarté.
[BC1]Sur l'obligation de quitter le territoire français :
16. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée par le présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision d'obligation de quitter le territoire français prise par le préfet des Côtes-d'Armor doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.
17. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 15 que la décision d'obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M.Kamara Labayy.
18. Il résulte de ce qui précède que M.Kamara Labayy n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M.Kamara Labayy est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.Yayah Karim Kamara Labayy et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet des Côtes-d'Armor.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, président de chambre,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2024.
La rapporteure,
I. MARION
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
[BC1]
2
N° 24NT01736