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06/12/2024 | FRANCE | N°23NT03870

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 06 décembre 2024, 23NT03870


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par trois requêtes distinctes, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions des 16 juin 2021, 20 janvier et 7 février 2022 du directeur du centre hospitalier de Lisieux refusant de reconnaître sa maladie professionnelle.



Par un jugement nos 2102520, 2200821, 2200822 du 27 octobre 2023, le tribunal administratif de Caen a annulé les décisions des 16 juin 2021 et 7 février 2022, a enjoint au directeur du centre hospitalier de

Lisieux de réexaminer la demande de Mme B... et a rejeté le surplus de ses demandes.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois requêtes distinctes, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions des 16 juin 2021, 20 janvier et 7 février 2022 du directeur du centre hospitalier de Lisieux refusant de reconnaître sa maladie professionnelle.

Par un jugement nos 2102520, 2200821, 2200822 du 27 octobre 2023, le tribunal administratif de Caen a annulé les décisions des 16 juin 2021 et 7 février 2022, a enjoint au directeur du centre hospitalier de Lisieux de réexaminer la demande de Mme B... et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 décembre 2023 et 19 octobre 2024, Mme B..., représentée par Me Cavelier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 27 octobre 2023 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 janvier 2022 ;

2°) d'annuler cette décision du 20 janvier 2022 ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Lisieux de reconnaître, après une nouvelle expertise médicale, sa maladie imputable au service à compter du 11 février 2019 ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Lisieux le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a omis de se prononcer sur sa demande d'expertise présentée dans son mémoire du 11 septembre 2023 ;

- la commission de réforme aurait dû s'adjoindre un spécialiste en psychiatrie dès lors que le rapport d'expertise du 20 septembre 2019 ne statue sur aucune des questions qui lui étaient soumises ;

- l'examen de sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie professionnelle s'est déroulé de manière irrégulière ; la commission de réforme s'est en effet prononcée sans disposer des éléments administratifs et médicaux nécessaires, sur la base d'une expertise médicale insuffisante ; son avis est insuffisamment motivé ;

- la décision du 20 janvier 2022 est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle se réfère à une précédente consolidation ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2024, le centre hospitalier de Lisieux, représenté par Me Soublin, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens présentés par l'appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réformes des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,

- et les observations de Me Procureur, pour Mme B..., et de Me Soublin, pour le centre hospitalier de Lisieux.

Une note en délibéré, présentée pour le centre hospitalier de Lisieux a été enregistrée le 2 décembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., infirmière diplômée d'Etat née en 1976, est devenue cadre de santé en 2008. Après avoir exercé ses fonctions en région parisienne, elle a été mutée en Normandie en 2010. Alors qu'elle était affectée en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et en unité de soins de longue durée (USLD), services dépendants du centre hospitalier de Lisieux, Mme B... a été placée en arrêt de travail pour surmenage à compter du 5 mai 2011. Cette pathologie a été reconnue imputable au service. L'intéressée a repris le travail à compter du 1er septembre 2013 sur des fonctions transversales à la direction des soins de l'hôpital puis, à la suite d'un nouvel arrêt de maladie, à la cellule formation de la direction des ressources humaines de cet établissement à partir du 27 janvier 2014. Dans un contexte particulier et à l'issue d'une mission lui confiant l'élaboration du contrat local d'amélioration des conditions de travail (CLACT), Mme B... a sollicité l'octroi d'un repos récupérateur, sans poser de jour de récupération au titre de la réduction du temps de travail (RTT), pour le 19 mai 2017. Cette demande a été rejetée et s'est transformée, à sa demande, en congé sans solde. Si, par la suite, l'intéressée a de nouveau été placée en arrêt de travail par un certificat médical en date du 24 mai 2017, elle expose qu'elle n'a pas transmis cet arrêt de travail à son employeur par crainte de sa réaction et qu'elle a de nouveau sollicité un congé sans solde. Une expertise réalisée le 27 mars 2018 par le docteur C... a déclaré l'intéressée, à sa demande, apte à reprendre ses fonctions de cadre de santé en unité de soins en fixant la date de sa consolidation au 1er octobre 2014. A compter du 11 février 2019, Mme B... a été placée en arrêt de travail et, le 8 avril 2019, elle a présenté une demande de reconnaissance de maladie professionnelle. Au vu du rapport d'expertise du docteur C... du 20 septembre 2019 et de l'avis émis le 26 novembre 2019 par la commission de réforme, le directeur du centre hospitalier de Lisieux a, par une décision du

29 novembre 2019, rejeté sa demande. Cette décision a été annulée par le tribunal administratif de Caen le 20 décembre 2021 pour incompétence et défaut de motivation. Par des décisions des

16 juin 2021, 20 janvier et 7 février 2022, le directeur du centre hospitalier de Lisieux a confirmé sa décision initiale refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie et des arrêts de travail de Mme B.... Par trois requêtes distinctes, celle-ci a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler ces trois décisions. Par un jugement du 27 octobre 2023, le tribunal administratif a annulé les décisions des 16 juin 2021 et 7 février 2022, et a enjoint au directeur du centre hospitalier de Lisieux de réexaminer la demande de Mme B.... L'intéressée relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, en particulier celles tendant à l'annulation de la décision du 20 janvier 2022. Elle demande en outre à la cour de diligenter une nouvelle expertise médicale et d'enjoindre au centre hospitalier de Lisieux de reconnaître sa maladie professionnelle à compter du 11 février 2019.

Sur la légalité de la décision du 20 Janvier 2022 :

2. Aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réformes des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. / Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires (...) ".

3. Dans son premier avis concernant la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle de Mme B... du 24 mai 2017, la commission de réforme a rappelé que sa maladie professionnelle du 5 novembre 2011 avait été déclarée " guérie " à la date du 1er octobre 2014. Ses membres ont estimé que ses arrêts et soins ultérieurs relevaient de la maladie ordinaire dès lors qu'aucun élément ne permettait la reconnaissance d'une maladie professionnelle. Ils ont clairement émis un " avis défavorable " à la demande présentée par l'intéressée, ainsi qu'en atteste le tampon apposé sur le procès-verbal de cette réunion. Si, au cours de la même séance qui s'est tenue le 26 novembre 2019, la commission de réforme était également saisie en vue d'émettre un avis sur la demande d'imputabilité à " la maladie professionnelle du 24 mai 2017 " des arrêts de travail de Mme B... du 11 février 2019 au 4 octobre 2019, cette instance, qui devait se prononcer sur l'imputabilité au service ou à une maladie professionnelle de ces arrêts, s'est bornée à apposer la mention " ne se prononce pas ". Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, et en particulier du rapport d'expertise établi le 20 septembre 2019 par le docteur C... pour éclairer la commission de réforme, que cet expert psychiatre a expressément indiqué que l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme B... à compter du

11 février 2019 ne pouvait être examinée " faute de disposer des documents administratifs et médicaux afférents ". Au vu de ces différents éléments, et alors que la commission de réforme n'était assistée d'aucun spécialiste en psychiatrie lors de sa séance du 26 novembre 2019 et qu'elle n'a pas fait usage de la faculté qui lui était offerte de solliciter un complément d'expertise si elle s'estimait insuffisamment éclairée par les conclusions de l'expert, la requérante est fondée à soutenir que les avis rendus par cette instance sont irréguliers et de nature à entacher d'irrégularité la décision contestée.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, et notamment celui tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, ni d'ordonner avant dire droit une nouvelle expertise médicale, que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 20 janvier 2022.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement mais seulement que la commission de réforme se prononce de nouveau sur la demande d'imputabilité au service des différents arrêts de travail de Mme B..., au vu, si elle l'estime nécessaire, d'un complément d'expertise. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au centre hospitalier de Lisieux de saisir cette instance dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de statuer, au vu de cet avis, sur la demande d'imputabilité au service des arrêts de travail dont a bénéficié l'intéressée le 24 mai 2017 puis du 11 février 2019 au 4 octobre 2019.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au centre hospitalier de Lisieux de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Lisieux le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement nos 2102520, 2200821, 2200822 du 27 octobre 2023 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 20 janvier 2022 ainsi que cette décision du centre hospitalier de Lisieux sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier de Lisieux de saisir la commission de réforme dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et de statuer, au vu de l'avis rendu par cette instance, sur la demande d'imputabilité au service des arrêts de travail dont a bénéficié Mme B... le 24 mai 2017 puis du 11 février 2019 au 4 octobre 2019.

Article 3 : Le centre hospitalier de Lisieux versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et au centre hospitalier de Lisieux.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Vergne, président,

- Mme Marion, première conseillère,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2024.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

G-V. VERGNE

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03870
Date de la décision : 06/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VERGNE
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : SELARL AUGER VIELPEAU LE COUSTUMER - MEDEAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-06;23nt03870 ?
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