Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'EARL Château du Grand Bois a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le titre de recettes du 11 octobre 2019 émis à son encontre par la directrice générale de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) en vue de recouvrer une somme de 23 119,25 euros, correspondant à une partie d'une avance versée à l'EARL le 14 octobre 2015 sur une aide communautaire attribuée pour un investissement vitivinicole, assortie d'une majoration de 10%, et de prononcer la décharge de l'obligation de payer cette somme de 23 119,25 euros.
Par un jugement n° 2001871 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé le titre de recettes du 11 octobre 2019 en tant qu'il excède la somme de 17 689,65 euros et déchargé l'EARL de l'obligation de payer la somme de 5 429,60 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 juin 2023 et le 20 février 2024, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par Me Alibert, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler les articles 1 à 3 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 avril 2023 annulant partiellement le titre de recettes et déchargeant l'EARL Château du Grand Bois de la somme de 5 429 euros ;
2°) de rejeter l'appel incident présenté par l'EARL Château du Grand Bois ;
3°) de mettre à la charge de l'EARL Château du Grand Bois la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'analyse pas les moyens de défense en se bornant à indiquer que l'établissement FranceAgriMer " soutient que les moyens soulevés par la société Château du Grand Bois ne sont pas fondés " ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'EARL Château du Grand Bois ne peut être regardée comme s'étant acquittée de la somme de 14 103,96 euros avant le 15 octobre 2017 alors que l'article 37 ter du règlement (UE) n° 555/2008 lui imposait - sous peine que l'avance soit regardée comme non utilisée avant le 15 octobre de l'année n+2 (en l'espèce 2017) - d'envoyer avant le 15 décembre de chaque année à compter du versement de l'avance et pendant les deux exercices qui suivent (2015 et 2016) un tableau récapitulatif des factures au 15 octobre de l'année considérée et la dernière année les copies des factures au nom du bénéficiaire faisant apparaître le débit des sommes en cause ;
- il n'a jamais disposé des éléments requis établissant que la facture du 10 janvier 2017 de 38 279,14 euros émise par la société Maison du Récoltant (MDR), a été acquittée avant le 15 octobre 2017 alors que l'EARL Château du Grand Bois n'a produit pour justifier du règlement de cette facture que 4 et non 5 lettres de change indiquant que l'EARL est le tireur et l'EURL Negobio le tiré, et non l'inverse comme l'a relevé le tribunal, et, surtout, que l'EARL n'a jamais produit à l'appui de la copie des factures de la société MDR un extrait de relevé bancaire faisant apparaître les sommes en cause et permettant de s'assurer qu'elle a bien acquitté dans les temps la facture de la société MDR ainsi que le prévoit l'article 5.9.2 de la décision INTV-SANAEI-2014-72 du 6 novembre 2014 parue au bulletin officiel du ministère de l'agriculture du 1er mai 2014 ;
- à supposer même que le paiement des factures puisse être effectué par un moyen autre que celui prescrit par l'article 5.9.2 de la décision INTV-SANAEI-2014-72 du
6 novembre 2014, les actes de cession de créances (que sont les lettres de change et bordereaux de remise d'effet mentionnant que l'EARL Château du Grand Bois est créancière de la société Negobio) ne permettent pas de s'assurer qu'ils viennent en paiement partiel de la facture de 38 279,14 euros TTC du 10 janvier 2017 de la société MDR et non d'une autre dette non éligible à l'aide communautaire que l'EARL aurait eue à l'égard de la société MDR.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2023, l'EARL Château du Grand Bois demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer);
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le titre de recettes émis par la directrice générale de FranceAgriMer en date du 11 octobre 2019 pour un montant de 23 119,15 euros et de prononcer la décharge totale de cette même somme ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement FranceAgriMer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le jugement n'est pas irrégulier ;
- elle justifie bien du paiement des factures de travaux de la société MDR par 5 lettres de change datées des 27 avril 2017, 14 juin 2017, 8 septembre 2017, 8 octobre 2017
et 20 octobre 2017, portant sur des montants de respectivement 5 125 euros, 8 978,98 euros,
4 655,93 euros, 9 690,35 euros et 4 790 euros, et les bordereaux de la Banque populaire Atlantique démontrent que les règlements à la société MDR sont bien intervenus ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté les lettres de change de 4 655,93 euros, 9 690,35 euros et 4 790 euros au motif que leur encaissement par la société MDR était postérieur au 15 octobre 2017 alors que la date de paiement à retenir est celle correspondant à la remise de la lettre de change à l'endossataire, autrement dit la société MDR ; en tout état de cause, ce n'est pas la date du 15 octobre 2017 qui devait être retenue mais la date du 15 décembre 2020 dès lors que l'avance versée par FranceAgriMer est relative à l'aide communautaire accordée le 6 février 2018, qui annule et remplace l'aide précédemment accordée le 13 octobre 2015 ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté les six virements de 3 000 euros du 16 octobre 2015 qu'elle a effectués en règlement d'une facture d'acompte de la société MDR d'un montant de 18 000 euros, deux jours après avoir perçu l'avance de FranceAgriMer ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté les lettres de change des 9 décembre 2015, 28 janvier 2016 et 14 mars 2016 de respectivement 5 000 euros, 6 540 euros et 11 540 euros qui ont permis de régler les travaux à la société MDR ;
- c'est à tort que le tribunal a pris en compte un règlement de l'EARL d'un montant de 14 103,96 euros alors que " les dépenses éligibles à l'aide communautaire s'entendent hors taxes (HT), sauf pour les bénéficiaires non assujettis à la TVA " en application de l'article 2.2.3 de la décision INTV-SANAEI-2014-72 du 6 novembre 2014 ;
- la facture n° 2016100 du 1er janvier 2016 d'un montant de 15 000 euros HT correspondant à des dépenses éligibles à l'aide communautaire et acquittée par des virements effectués en octobre 2015 justifiés par un relevé bancaire est la seule à justifier l'avance à hauteur de 5 250 euros (15 000 euros HT x 35 %).
Vu les autres pièces du dossier ; Vu :
- le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 ;
- le règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 modifié fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole, en ce qui concerne les programmes d'aide, les échanges avec les pays tiers, le potentiel de production et les contrôles dans le secteur vitivinicole ;
- le règlement (UE) n°1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2013-172 du 25 février 2013 relatif au programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018 ;
- la décision INTV-SANAEI-2014-72 modifiée du 6 novembre 2014 du Directeur Général de FranceAgriMer, relatif à la transformation des avances ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marion,
- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,
- et les observations de Me Alibert, représentant FranceAgriMer, et de Me Meschin représentant l'EARL Château du Grand Bois.
Considérant ce qui suit :
1. L'EARL Château du Grand Bois a demandé, le 8 janvier 2015, à l'établissement FranceAgriMer, une aide dans le cadre du programme d'aide européen au secteur vitivinicole, afin de construire un bâtiment neuf de production à Montbenault sur la commune de Bellevigne-en-Layon (Maine-et-Loire) pour un coût de 151 000 euros. Le 13 octobre 2015, FranceAgriMer lui a accordé une aide d'un montant de 52 535 euros (35 % de l'investissement) et lui a versé le 14 octobre suivant une avance d'un montant de 26 267,50 euros. Le 6 février 2018, à la suite d'une demande de modification de son projet par l'EARL, FranceAgriMer a pris une nouvelle décision ramenant le montant de l'aide accordée le 13 octobre 2015 à un montant de seulement 31 325 euros pour tenir compte d'un coût de construction du bâtiment de production ramené à 89 500 euros. Le 12 avril 2018, FranceAgriMer a indiqué à l'EARL Château du Grand Bois que, dès lors qu'elle n'avait présenté des factures de travaux de construction de son bâtiment sur la période courant jusqu'à la date limite du 15 octobre 2017 qu'à hauteur d'une partie seulement de l'avance versée le 14 octobre 2015, elle était susceptible d'être redevable d'une somme de 17 812,72 euros. Le 28 janvier 2019, FranceAgriMer a indiqué à l'EARL Château du Grand Bois qu'il envisageait désormais de lui réclamer la somme de 23 119,25 euros toujours en raison de l'absence de consommation de l'intégralité de l'avance versée le 14 octobre 2015. Par un titre de recettes émis le 11 octobre 2019, France Agrimer a constitué l'EARL Château du Grand Bois débitrice de cette somme de 23 119,25 euros. L'EARL Château du Grand Bois a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande d'annulation de ce titre. Par un jugement du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes l'a annulé en tant qu'il excédait la somme de 17 689,65 euros et a déchargé l'EARL de l'obligation de payer la somme de 5 429,60 euros. FranceAgriMer relève appel de ce jugement. L'EARL Château du Grand Bois présente des conclusions d'appel incident tendant à l'annulation totale du titre de recettes du 11 octobre 2019.
2. D'une part, le règlement (CE) n°479/2008 du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole a prévu l'octroi de fonds communautaires aux États membres dans le cadre du fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et l'utilisation de ces fonds par l'intermédiaire de programmes d'aide nationaux, en vue d'assurer le financement de mesures d'aide spécifiques visant à soutenir le secteur vitivinicole. Les dispositions de ce règlement ont été intégrées par le règlement (CE) n° 491/2009 du 5 mai 2009 au règlement (CE) n° 1234/2007 du 22 octobre 2007. Ce dernier règlement a été ultérieurement abrogé et remplacé par le règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 dont l'article 50 dispose que des programmes d'aide nationaux peuvent prévoir des mesures de soutien à l'infrastructure de vinification ou de commercialisation du vin.
3. D'autre part, l'article 1er du décret du 25 février 2013 relatif au programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018 dispose que: " Le
programme d'aide national au secteur vitivinicole ... est mis en œuvre par l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer). / A ce titre, (...) le directeur général de l'établissement détermine notamment, après avis du conseil spécialisé intéressé : / 1° Les modalités de demande des aides, les conditions d'éligibilité aux aides, la procédure et les critères de sélection des demandes, le montant des aides attribuables et leurs modalités de paiement ; / 2° Le cas échéant, le taux de réduction applicable aux aides, en fonction du taux de dépassement des crédits communautaires disponibles ; / 3° Les réductions du montant des aides applicables en cas de non-respect du régime d'aide concerné. ".
4. Enfin, l'article 5.9 de la décision INTV-SANAEI-2014-72 modifiée du 6 novembre 2014 du Directeur Général de FranceAgriMer, relatif à la transformation des avances dispose que " Le droit définitif au montant avancé, payé en année N, doit être acquis à la fin du deuxième exercice FEAGA suivant le versement de l'avance, c'est à dire au plus tard le 15 octobre de l'année N+2 qui suit le paiement de cette avance. Ce droit définitif intervient lorsque le montant de l'aide correspondant aux dépenses éligibles et justifiées par des factures acquittées est au moins égal au montant de l'avance versée. / Dans la mesure où le montant d'aide relative aux factures acquittées ne couvrirait pas le montant de l'avance versée à l'issue des deux années suivant le paiement de l'avance, 110% du montant avancé non justifié devra être remboursé ". L'article 5.9.2 de cette décision prévoit que " En application de l'article 37 ter du règlement (CE) n° 555/2008, chaque bénéficiaire transmet au service territorial concerné de FranceAgriMer au plus tard le 15 décembre de chaque année à compter du versement de l'avance et pour les deux exercices qui suivent : -un tableau récapitulatif des factures acquittées au 15 octobre de l'année considérée, conforme au modèle de l'annexe 12 (fourni sur demande par le service territorial de FranceAgriMer), signé du bénéficiaire listant pour chaque facture, le fournisseur, le montant, la date de la facture, la date de paiement et le moyen de paiement. -Uniquement pour la dernière année, afin de permettre la transformation de l'avance en subvention et la libération de la caution, les copies des factures au nom du bénéficiaire, accompagnées d'un extrait de relevé bancaire faisant apparaître le débit des sommes en cause et mentionnant pour chaque extrait, le nom de la banque, du bénéficiaire, le numéro de compte et l'année ; en cas de paiement regroupant des factures éligibles au projet et d'autres non éligibles, la liste des factures non éligibles doit être adressée afin de justifier l'acquittement global. "
5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les vitiviniculteurs bénéficiaires d'une avance doivent d'abord adresser au service compétent, chaque année avant le 15 décembre, un tableau récapitulant les factures acquittées au 15 octobre de l'année de l'attribution de l'avance et des deux exercices suivants, en indiquant, pour chaque facture, le fournisseur, le montant, la date de la facture, la date de paiement et le moyen de paiement, puis dans un second temps, en vue de la transformation de l'avance en une subvention définitive, ils doivent, la dernière année, adresser les copies des factures à leur nom, accompagnées d'un extrait de relevé bancaire faisant apparaître le débit des sommes en cause et mentionnant, pour chaque extrait, leur nom, celui de la banque, le numéro de compte et l'année, de façon à permettre ainsi à FranceAgriMer de vérifier sur pièces l'éligibilité des dépenses engagées et leur acquittement au plus tard le 15 octobre de l'année N+2 suivant le versement de l'avance.
6. En premier lieu, l'EARL Château du Grand Bois soutient, dans le cadre de ses conclusions d'appel incident, que l'aide communautaire initialement accordée le 13 octobre 2015 ayant été " annulée et remplacée " par une aide attribuée le 6 février 2018, elle disposait d'un délai de consommation de l'avance versée le 14 octobre 2015, d'un montant de 26 267,50 euros, prolongé jusqu'au 15 octobre 2020, de sorte que FranceAgriMer ne pouvait,
comme il l'a fait, constater et sanctionner, à la date du 15 octobre 2017, un quelconque retard de sa part dans l'utilisation de l'avance perçue, et, par suite, émettre un titre exécutoire à son encontre.
7. Il résulte toutefois clairement des dispositions précitées de l'article 5.9 de la décision INTV-SANAEI-2014-72 modifiée du 6 novembre 2014 que c'est la date de paiement de l'avance qui fait courir le délai de deux ans d'utilisation de celle-ci pour financer des dépenses correspondant à l'opération éligible. La circontance que, le 6 février 2018, en raison d'une modification du coût de l'investissement initalement projeté, le montant de l'aide ait été ajusté à la baisse dans le cadre de la même opération est à cet égard sans incidence. L'intimée n'est donc pas fondée à soutenir qu'un nouveau délai de deux ans de consommation de l'avance aurait recommencé à courir à compter du 6 février 2018.
8. En second lieu, pour contester le recouvrement par FranceAgriMer de la somme de 23 119,25 euros (21 017,5 + 2 101,75 (10 %)) pour non consommation, à la date du
15 octobre 2017, d'une partie (21 017,5 euros) de l'avance de 26 267,50 versée le 14 octobre 2015, l'EARL Château du Grand Bois se prévaut de ce qu'elle a transmis à FranceAgriMer la facture n° 201701 de la société M.D.R. du 10 janvier 2017, d'un montant de 38 279,14 euros TTC, accompagnée de cinq lettres de change et de cinq bordereaux de remise d'effets de commerce dont les montants respectifs s'élèvent à 5 125 euros, 8 978,96 euros, 4 655,93 euros, 9 690,35 euros et 4 790 euros, ce qui démontrerait qu'elle aurait au moins partiellement acquitté, à hauteur de 33 240,24 euros, cette facture du 10 janvier 2017 par des cessions de créances aux échéances des 25 juillet 2017, 7 septembre 2017, 7 décembre 2017, 7 janvier 2018 et 18 janvier 2018. L'EARL indique également qu'elle s'est acquittée d'une autre facture n° 2017002, datée du 1er juin 2017, d'un montant de 18 000 euros TTC, émise par la société M.D.R, par six virements de 3 000 euros, justifiés par son relevé de compte bancaire, et d'une troisième facture n° 2016350 du 15 février 2016 s'élevant à 16 540,14 euros TTC, émise par la même société, qu'elle indique avoir payée par deux lettres de change de respectivement 5 000 euros et 11 540,14 euros. FranceAgriMer, appelant, estime pour sa part que les premiers juges ne pouvaient, comme ils l'ont fait, déduire de certaines lettres de change produites que la preuve était rapportée de dépenses éligibles effectuées par l'EARL pour partie avant la date du 15 octobre 2017.
9. Les dispositions de l'article 5.9.2 de la décision du directeur de FranceAgriMer du 6 novembre 2014 rappelées au point 4, prévoyant, outre la fourniture des copies des factures, celle d'extraits de relevé bancaire faisant apparaître le débit des sommes en cause et mentionnant, pour chaque extrait, le nom de la banque, du bénéficiaire, le numéro de compte et l'année, se bornent à préciser les justifications requises, en cas de règlement par virement bancaire ou par chèque, pour démontrer la réalité des dépenses effectuées, leur date de paiement effectif et leur éligibilité, c'est-à-dire leur correspondance avec l'objet de l'aide vitivinicole accordée, et pour vérifier la condition tenant à ce que ces dépenses soient bien exposées par le bénéficiaire de l'aide. Contrairement à ce que soutient FranceAgriMer, elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer ces modes de règlement et donc d'exclure que les dépenses éligibles s'effectuent par d'autres moyens de règlement licites tels que la présentation de lettres de change ou d'effets de commerce, et qu'il puisse être justifié par le bénéficiaire de l'aide, de la réalité, de la date et de l'objet précis des règlements ainsi effectués. Il appartient toutefois au bénéficiaire d'apporter tout élément permettant à FranceAgriMer de s'assurer, dans le cadre de son contrôle du bon emploi des fonds communautaires, que le montant de dépenses requis a bien été exposé par le bénéficiaire, dans les délais prescrits et pour des opérations éligibles.
10. En l'espèce, d'une part, la production de sept lettres de change dont ni les dates d'émission ou d'endossement, ni les montants ne correspondent aux dates et montants des factures qu'elles sont censées avoir réglées ne permet pas, en l'absence d'extraits de relevés bancaires de la société M.D.R ou de documents justificatifs en provenance de cette même société et démontrant l'encaissement des règlements en cause, de s'assurer de l'acquittement effectif, à des dates certaines et dans le respect des délais réglementaires, par l'EARL elle-même en tant que bénéficiaire de l'aide, de dépenses éligibles à cette aide à l'exclusion d'autres travaux. C'est dès lors à bon droit que FranceAgriMer a considéré que l'EARL ne justifiait pas des dépenses qu'elle soutenait avoir exposées avant le 15 octobre 2017 pour les montants exposés au point 8 et de leur correspondance avec des travaux éligibles à l'aide pour laquelle elle avait perçu l'avance litigieuse.
11. D'autre part, l'EARL soutient qu'elle s'est acquittée d'une facture n° 2017002 datée du 1er juin 2017 de la société MDR d'un montant de 18 000 euros TTC, par six virements de 3 000 euros. Toutefois, ces six virements attestés par un relevé du compte bancaire de l'EARL datés d'octobre 2015, soit de plus d'un an et demi avant l'établissement de la facture du 1er juin 2017 dont se prévaut l'intimée, ont été regardés par l'administration comme ayant été effectués en règlement de la facture n° 2016100 du 1er janvier 2016 d'un montant identique de 18 000 euros TTC et admis, par suite, au titre de la consommation de l'aide communautaire à hauteur de 15 000 euros HT x 35 % soit 5 250 euros (26 267,50 - 21017,50). S'agissant de la facture n° FA2017002 du 1er juin 2017, il n'est pas rapporté la preuve de son règlement au plus tard le 15 octobre 2017 par la seule production d'un tableau mentionnant son paiement en espèces.
12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement, que l'établissement FranceAgriMer est fondé à soutenir qu'il était en droit d'obtenir le remboursement de l'avance à hauteur de la somme de 21 017,5 euros non utilisée, plus une majoration de 10 % et que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé le titre de recettes de 23 119,25 euros du 11 octobre 2019 en tant qu'il excède la somme de 17 689,65 euros et déchargé l'EARL de l'obligation de payer la somme de 5 429,60 euros. Il suit de là que les conclusions d'appel incident présentées par l'EARL Château du Grand Bois ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public national FranceAgriMer, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'EARL Château du Grand Bois demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche , dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EARL Château du Grand Bois une somme de 1500 euros au titre des frais exposés par l'établissement public national FranceAgriMer et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 13 avril 2023 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'EARL Château du Grand Bois devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : L'EARL Château du Grand Bois versera une somme de 1 500 euros à l'établissement public national FranceAgriMer sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public national FranceAgriMer et à L'EARL Château du Grand Bois.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Vergne, président,
- Mme Marion, première conseillère,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2024.
Le rapporteur,
I. MARION
Le président,
G.V. VERGNE
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.