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06/12/2024 | FRANCE | N°23NT01515

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 06 décembre 2024, 23NT01515


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société AXA France IARD a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le syndicat mixte des " Ports normands associés ", renommé à partir du 17 avril 2019 " Ports de Normandie ", à lui verser la somme de 855 762 euros, ou subsidiairement de 437 881 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation de l'indemnisation versée à son assuré, la société de salmoniculture GMG à raison de la marge brute perdue occasionnée par la surmortalité dans l'élevage

des salmonidés.



Par un jugement n° 2000577 du 24 mars 2023, le tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AXA France IARD a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le syndicat mixte des " Ports normands associés ", renommé à partir du 17 avril 2019 " Ports de Normandie ", à lui verser la somme de 855 762 euros, ou subsidiairement de 437 881 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation de l'indemnisation versée à son assuré, la société de salmoniculture GMG à raison de la marge brute perdue occasionnée par la surmortalité dans l'élevage des salmonidés.

Par un jugement n° 2000577 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 mai 2023 et le 27 mars 2024, la société AXA France IARD, représentée par Me Le Coustumer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 24 mars 2023 ;

2°) de condamner le syndicat mixte Ports de Normandie à lui verser la somme de 855 762 euros, ou subsidiairement de 437 881 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation de l'indemnisation versée à son assuré, la société d'aquaculture GMG ;

3°) de mettre à la charge du syndicat mixte " Ports de Normandie " la somme de 101 451,39 euros au titre des frais d'expertise ;

4°) ou subsidiairement de désigner un nouvel expert afin qu'il détermine les causes de la surmortalité des salmonidés à partir du mois d'août 2015 et précise le préjudice subi par la société GMG et son assureur Axa France.

Elle soutient que :

- elle est bien recevable à agir en application du contrat d'assurance passé avec la société GMG et le directeur général de la société, désigné sous le vocable " directeur ", est bien habilité à agir en justice conformément à l'article L. 225-56 du code de commerce ;

- les conclusions de l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Caen ne sont pas objectives et impartiales alors que la procédure a été suivie en méconnaissance du principe du contradictoire dans la mesure où l'expert s'est livré à diverses investigations de sa propre initiative et que l'expert avait un préjugé défavorable à l'encontre de la société GMG et Axa France ;

- elle est bien fondée à rechercher la responsabilité sans faute du syndicat mixte sur le fondement des dommages de travaux publics à raison des travaux de dragage effectués en vue de l'extension du port car, contrairement aux conclusions de l'expert, il y a bien eu des épisodes de surmortalités anormaux d'août à décembre 2015 alors que la surmortalité de 2014 est due à un bloom phytoplanctonique et que l'expert reconnaît lui-même que les sondes de mesure de turbidité, placées notamment près de l'élevage de salmonidés, étaient défectueuses mais que les travaux de dragage ont bel et bien entraîné la formation de pics de matière en suspension aggravant la turbidité de l'eau dans la ferme aquacole ;

- le préjudice d'AXA correspond à l'indemnisation qu'elle a accordée à la société GMG dans les droits de laquelle elle est subrogée, soit un total de 855 762 euros se décomposant en 685 242 euros pour le premier sinistre (semaines 35 à 43 de 2015) + 170 520 euros pour le second sinistre (semaines 44 à 52 de 2015) ; si une faute de la victime est retenue à raison des causes propres à l'élevage, cette part doit être fixée à 50 %.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 janvier 2024 et le 23 avril 2024, le syndicat mixte Ports de Normandie, représenté par Me Galimidi, conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête ;

- à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, à la condamnation de la société Sodraco International à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre

- et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Axa France IARD au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable en l'absence de certitude quant à l'identité précise de la personne morale requérante et du fait de l'incompétence du directeur en exercice pour représenter la société anonyme ;

- à titre subsidiaire, la requête est mal fondée ;

- l'expertise judiciaire n'est entachée d'aucune irrégularité au regard du respect du principe du contradictoire et n'est pas viciée par un a priori défavorable de l'expert ;

- sa responsabilité n'est pas engagée en l'absence de lien de causalité prouvé entre les travaux d'extension du port de Cherbourg et la mortalité des salmonidés enregistrée du mois d'août à décembre 2015 et de caractère anormal et spécial du préjudice subi par la société GMG alors que, ni la surmortalité des salmonidés en 2015 par rapport aux années antérieures et postérieures, ni le taux élevé de turbidité de l'eau de mer de l'élevage ou la présence massive de matières en suspension pendant la période considérée ne sont démontrés ;

- à supposer sa responsabilité engagée, la société GMG a commis une faute et contribué à son dommage en augmentant son cheptel de salmonidés des trois générations G13, G14 et G15 et, en particulier G14 à G15 sur la deuxième période de mortalité constatée comprise entre le mois d'octobre 2015 et le mois de janvier 2016 et en s'abstenant d'alerter les services vétérinaires de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP), le syndicat mixte Ports de Normandie et la société Sodraco International au moment des pics de pollution ;

- toute nouvelle expertise présenterait un caractère frustratoire alors que l'expert judiciaire a obtenu très tardivement les éléments comptables de la société GMG nécessaires à l'accomplissement de sa mission ;

- en cas de condamnation, la société Sodraco International devra le garantir alors que cette société avait obligation, en vertu du marché, de veiller à ce que le nuage turbide ne soit pas perceptible à plus de 200 m de l'engin de dragage, à ce que le taux de matière en suspension soit inférieur à 100 mg/l au droit des casiers de décantation de la ferme salmonicole et à ce qu'il n'y ait pas de dégradation de la qualité de l'eau au droit de la ferme.

Par des mémoires, enregistrés les 11 octobre et 30 octobre 2024, la société Sodraco International, représentée par la SCP Raffin et associés, conclut au rejet de l'appel en garantie présenté à son encontre par le syndicat mixte Ports de Normandie et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Ports de Normandie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, les conclusions d'appel en garantie présentées à son encontre sont irrecevables dès lors qu'elle n'était pas partie à la procédure de première instance ;

- à titre subsidiaire, sa responsabilité ne peut être recherchée dans la surveillance de ses sondes ; la contamination ne peut être liée qu'avec le mode d'exploitation et non avec la réalisation des travaux ;

- à titre infiniment subsidiaire, l'appel en garantie est dépourvu de fondement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marion,

- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Coustumer représentant AXA FRANCE.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS GMG exploite, en vertu d'une autorisation de 2008, une concession de production de salmonidés en cages flottantes à une cinquantaine de mètres de la grande digue du large qui ferme la grande rade de Cherbourg. Par un arrêté de 2013, le préfet de la Manche a autorisé le syndicat mixte Ports de Normandie à faire des travaux d'extension de la grande rade du port de Cherbourg. Les travaux de dragage et de déroctage nécessaires à la réalisation des nouveaux aménagements ont été confiés à un groupement d'entreprises dont le mandataire est la société Sodraco International. Les travaux de déroctage, réalisés à 1 ou 2 kilomètres à l'ouest de la ferme aquacole, ont duré de mars à juillet 2015 alors que les travaux de dragage, effectués à l'est à quelques dizaines de mètres de la ferme salmonicole, ont duré du 20 juillet à la mi-octobre 2015. Le 28 août 2015, une mortalité des salmonidés considérée comme anormale dans les cages de la ferme a été constatée par la société GMG. Un premier sinistre a été déclaré pour la période du 28 août 2015 au 25 octobre 2015, puis un second sinistre pour la période du 26 octobre 2015 au 31 décembre 2015. La société Axa France IARD a indemnisé son assuré, la société GMG, du dommage occasionné par la mortalité des saumons à hauteur d'une somme globale de 855 762 euros. Sur demande de la société Axa France IARD, le juge des référés du tribunal a désigné, par une ordonnance du 5 septembre 2016, un expert pour déterminer les causes de la surmortalité des salmonidés et chiffrer les éventuels préjudices subis. L'expert a déposé son rapport le 2 octobre 2019. Par une décision du 17 janvier 2020, le syndicat mixte des Ports de Normandie a rejeté la demande d'indemnisation présentée par la société AXA France IARD subrogée dans les droits de la société GMG. La société AXA France IARD fait appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 24 mars 2023 rejetant sa demande de condamnation du syndicat mixte Ports de Normandie au versement d'une somme de de 855 762 euros en réparation des préjudices subis du fait des travaux d'extension du port de Cherbourg.

Sur les fins de non-recevoir soulevées par le syndicat mixte Ports de Normandie :

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Axa France IARD a signé, le 11 juin 2013, à Nanterre, un contrat d'assurance multirisque mortalité de cheptel avec la société GMG. L'article VI.4 des conditions particulières de ce contrat stipule que " L'assureur est subrogé jusqu'à concurrence de l'indemnité payée dans le cadre du présent contrat dans tous les droits et actions de l'assuré contre tout responsable du sinistre ". Contrairement aux affirmations du syndicat mixte, la double circonstance que la requête d'appel est introduite par la société Axa France au lieu d'Axa France IARD et que les quittances de règlement des indemnisations à la société GMG précisent qu'AXA Assurances est subrogée du fait du règlement dans les droits de la société GMG n'est pas de nature à faire naître une ambiguïté quant à l'identité de la personne morale appelante. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par la requérante des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative aux termes duquel " La requête indique les nom et domicile des parties " doit être écartée.

3. En second lieu, l'article L. 225-56 du code de commerce prévoit que le directeur général d'une société anonyme est l'autorité compétente pour agir en justice au nom de ce type de société. La circonstance que la requête d'appel est présentée par la société Axa France représentée par son " Directeur en exercice " n'est pas de nature à démontrer que ce dernier ne serait pas le directeur général de la société Axa France IARD, seule autorité habilitée à agir en justice pour le compte de la société anonyme. Par suite, l'intimé n'est pas fondé à soutenir que le directeur en exercice de la SA Axa France IARD n'aurait pas la capacité juridique pour représenter la société requérante.

Sur le caractère contradictoire de la procédure d'expertise et l'impartialité de l'expert :

En ce qui concerne le caractère contradictoire de l'expertise :

4. Le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'expert a fait procéder par un laboratoire à l'analyse des échantillons d'eau prélevés par la société GMG le 4 septembre 2015 (semaine 36 du calendrier 2015), a consulté l'IFREMER et les services vétérinaires de la Direction départementale de protection des populations (DDPP) sur l'existence d'un bloom phytoplanctonique dans la rade de Cherbourg durant notamment l'année 2014 et a demandé au Dr D... C... E... (ex école vétérinaire de Nantes) de faire des calculs statistiques sur les données de mortalité des salmonidés de la société GMG. Les parties n'ont certes pas été consultées ni informées en amont des démarches entreprises par l'expert désigné par le tribunal administratif de Caen afin de vérifier l'origine exacte et l'ampleur de la mortalité des salmonidés de la ferme aquacole durant la période du 28 août 2015 au 31 décembre 2015. Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à vicier le caractère contradictoire de la procédure alors que la mission confiée à l'expert consistait précisément à évaluer le niveau de la mortalité des salmonidés de la ferme aquacole et à donner tous éléments utiles d'appréciation sur la ou les causes de leur mortalité et que le rapport d'expertise du 2 octobre 2019 déposé par le professeur A... mentionne tant le résultat de ses différentes investigations que les observations présentées par les parties tant sur ces résultats que sur l'interprétation que leur a donné l'expert.

6. En deuxième lieu, l'argument selon lequel le Dr D... C... aurait joué le rôle de sapiteur de l'expert sans être officiellement nommée en cette qualité n'est pas fondé alors que cette dernière s'est bornée à effectuer des traitements statistiques des données de mortalité recueillies par l'expert.

7. Enfin, la durée de l'expertise n'est pas par elle-même de nature à démontrer que le caractère contradictoire de la procédure aurait été méconnu alors que, par ailleurs, aucun texte ne détermine une durée maximum d'expertise.

En ce qui concerne l'impartialité de l'expert :

8. La circonstance que l'opinion de l'expert sur les causes et l'ampleur de la mortalité des salmonidés sur la période d'août à décembre 2015 a évolué dans un sens défavorable à la requérante au fur et à mesure du recueil des résultats de ses investigations n'est pas de nature à démontrer son défaut d'impartialité.

Sur la responsabilité du syndicat mixte Ports de Normandie :

9. Il appartient à une personne qui s'estime victime d'un dommage de travaux publics d'apporter la preuve du lien de cause à effet entre ces travaux et le dommage dont elle se plaint ainsi que la réalité de celui-ci. Même en l'absence de faute, le maître d'ouvrage et les constructeurs sont responsables à l'égard des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public qui présentent un caractère grave et spécial. Ils ne peuvent dégager leur responsabilité que s'ils établissent que ces dommages sont imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.

10. Il résulte de l'instruction que le vendredi 28 août 2015, soit en fin de semaine 35 du calendrier de l'année 2015, la société GMG a constaté que 18 000 salmonidés étaient morts contre seulement 1 000 la semaine précédente. Le 15 septembre 2015, la société a fait intervenir son vétérinaire traitant, le Dr B..., pour prélever un échantillonnage de 10 poissons morts par cage flottante afin de rechercher la cause de la mortalité des salmonidés. Les 7 octobre et 5 novembre 2015 la société GMG a demandé à un huissier de constater la présence de nappes de sédiments en suspension à proximité de la ferme aquacole et dans les cages de poissons. Deux sinistres ont été déclarés à la société AXA France IARD, le premier couvrant la période du 28 août au 25 octobre 2015 puis le second celle du 26 octobre au 31 décembre 2015. Deux rapports d'expertise non contradictoires sollicités par l'assureur AXA France IARD, déposés les 7 janvier et 18 février 2015 et fondés sur le seul rapport du vétérinaire traitant, ont conclu à une cause de mortalité due à une modification des paramètres physico-chimiques de l'eau tels que définis dans le contrat du 11 juin 2013 " Mortalité de Cheptel " souscrit par la société GMG et déterminant les bases de prise en charge de l'indemnisation par l'assureur. Au contraire, le rapport déposé le 2 octobre 2019 par le professeur A..., expert désigné par l'ordonnance du 5 septembre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Caen a conclu à l'absence de lien direct établi entre la mortalité anormalement élevée d'août à décembre 2015 et les travaux de dragage exécutés par la société Sodraco International pour le compte du syndicat mixte " Ports de Normandie " et à l'impossibilité de qualifier de surmortalité la mortalité anormale des salmonidés entre août et décembre 2015 par rapport aux années antérieures ou postérieures.

11. Il ressort du rapport d'expertise que si des nappes de matières en suspension en provenance des opérations de dragage des fonds marins de la rade de Cherbourg ont pu ponctuellement traverser la ferme aquacole et peuvent ainsi expliquer le pic de mortalité par asphyxie des poissons au cours de la semaine du 22 au 28 août 2015 (semaine 35), la persistance de ces mortalités à raison de cette pollution jusqu'à la semaine du 28 au 31 décembre 2015 (semaine 53) voire jusqu'en janvier 2016 apparaît peu crédible alors que les travaux de dragage se sont achevés à la mi-octobre 2015 et que les travaux de déroctage situés à plus d'un kilomètre à l'ouest de la ferme n'ont eu, en tout état de cause, ainsi que l'a reconnu expressément la société GMG durant les opérations d'expertise, aucune incidence sur le cheptel de poissons. Par ailleurs, l'unique échantillonnage de salmonidés morts prélevés par le cabinet vétérinaire traitant de la société GMG le 15 septembre 2015, soit quinze jours après le constat de surmortalité du 28 août 2015, porte sur un trop faible nombre de poissons et a révélé la présence d'une amibiase branchiale sur certains d'entre eux ne permettant pas d'écarter de façon certaine la présence d'une infection parasitaire préexistante à l'origine de l'affaiblissement des saumons et de la hausse significative de la mortalité, d'autant que la ferme a connu un épisode critique de surmortalité par amibiase branchiale au printemps 2014, soit quelques mois avant. En outre, durant la période postérieure au 26 octobre 2015, le suivi vétérinaire à distance du cabinet vétérinaire traitant n'a pas permis de rechercher la confirmation de la mortalité par asphyxie constatée le 15 septembre et d'exclure la participation à la mortalité d'une amibiase branchiale sous-jacente persistante, d'autant que les lésions branchiales provoquées par les sédiments sont analogues à celles résultant de l'amibiase. Enfin si les constats d'huissier des 7 octobre et 5 novembre 2015 font état de nappes de matières en suspension à quelques dizaines de mètres de la ferme et en surface des cages flottantes, l'analyse du prélèvement d'eau de la société GMG du 4 septembre 2015 et les mesures en continu de la turbidité de l'eau par la sonde P2 installée à 200 mètres de la ferme salmonicole pour le syndicat mixte Ports de Normandie et les mesures des deux sondes EXO 2 installées également à proximité de la ferme par la société Sodraco ne révèlent pas de taux de turbidité moyens anormaux par rapport au taux moyen relevé antérieurement aux travaux par le cabinet EGIS, chargé de l'étude d'impact réalisée préalablement à l'arrêté préfectoral du 10 décembre 2013 d'autorisation des travaux d'extension du port de Cherbourg. Par suite, le lien de causalité entre la mortalité anormale des salmonidés sur la période courant du 26 août au 31 décembre 2015 et une dégradation de la qualité de l'eau de mer de la ferme salmonicole causée par les matières en suspension provenant des travaux de dragage n'est pas établie.

12. Par ailleurs, en comparant selon une méthode croisée les données statistiques de mortalité du cheptel extraites du logiciel NewFishTalk, les bons d'équarrissage et les documents comptables fournies par la société GMG, l'expert a constaté que des mortalités très anormales étaient régulièrement survenues principalement au printemps au cours des années 2012, 2013 et 2014 et sur la même période d'août à décembre en 2016 et 2017. Il est ainsi apparu que la mortalité anormalement élevée relevée entre août et décembre 2015 n'avait rien d'exceptionnel et ne pouvait donc être qualifiée de surmortalité compte tenu des épisodes de mortalités anormales régulièrement observées dans l'élevage depuis 2011 à l'origine d'une marge brute négative de respectivement 320 574 euros en 2011-2012, 794 069 euros en 2012-2013 et 323 495 euros en 2013-2014. En outre, la mortalité de 58,5 tonnes de saumons morts sur la période d'août à décembre 2015 a été suivie d'une mortalité de 52,5 tonnes en août-décembre 2016 et de 63,8 tonnes en août-décembre 2017. Dans ces conditions, la requérante, subrogée dans les droits de la société GMG, n'est pas fondée à rechercher la responsabilité sans faute du syndicat mixte Ports de Normandie.

Sur les conclusions subsidiaires tendant à la réalisation d'une nouvelle expertise :

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 8 que l'expertise du professeur A... n'a pas été diligentée en méconnaissance du principe du contradictoire et n'est pas entachée de partialité. En outre, sa durée de trois ans est imputable aux difficultés rencontrées par l'expert pour recueillir les données nécessaires à la détermination des causes de la mortalité des salmonidés. Par suite, la réalisation d'une nouvelle expertise ne présenterait aucun caractère d'utilité et serait purement frustratoire. En conséquence, les conclusions subsidiaires présentées par la requérante ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais d'expertise :

14. Le syndicat mixte Ports de Normandie n'étant pas responsable de la mortalité des saumons intervenue d'août à décembre 2015, il n'y a pas lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif à la charge du syndicat mixte Ports de Normandie.

Sur les frais d'instance :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Axa France IARD une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le syndicat mixte Ports de Normandie et non compris dans les dépens. En revanche, le syndicat mixte Ports de Normandie n'étant pas, en l'espèce, la partie perdante, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative par la société Axa France IARD et par la société Sodraco International ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Axa France IARD est rejetée.

Article 2 : La société Axa France IARD versera une somme de 1 500 euros au Syndicat mixte Ports de Normandie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axa France IARD, au syndicat mixte Ports de Normandie et à la société Sodraco International.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Marion, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2024.

La rapporteure,

I. MARION

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

Y. MARQUIS

La République mande et ordonne au ministre chargé de la mer et de la pêche en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23NT01515


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01515
Date de la décision : 06/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : SCP BOIVIN & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-06;23nt01515 ?
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