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06/12/2024 | FRANCE | N°23NT00368

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 06 décembre 2024, 23NT00368


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 22 juin 2021 par lequel le maire de Blainville-sur-Mer leur a délivré un certificat d'urbanisme négatif.



Par un jugement n° 2101698 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 février 2023, 21 juillet 2023 et 24 novembre

2023, M. et Mme B..., représentés par Me Gorand, demandent à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 22 juin 2021 par lequel le maire de Blainville-sur-Mer leur a délivré un certificat d'urbanisme négatif.

Par un jugement n° 2101698 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 février 2023, 21 juillet 2023 et 24 novembre 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Gorand, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler cet arrêté du 22 juin 2021 du maire de Blainville-sur-Mer ;

3°) d'enjoindre à la commune de Blainville-sur-Mer, à titre principal, de leur délivrer un certificat d'urbanisme positif, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer leur demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Blainville-sur-mer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme dès lors que les parcelles en cause font partie intégrante d'un secteur déjà urbanisé de la commune ;

- le projet se situant dans une partie urbanisée de la commune, le maire n'avait pas à faire application de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme et a, dès lors, commis une erreur de droit en se fondant également sur cet article ;

- le maire n'est pas fondé à demander qu'il soit substituer au motif initial de la décision contestée le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, le lieu-dit de La Chardotterie où sont localisées les parcelles en cause étant situé en continuité avec une agglomération ou un village, à tout le moins, dans un secteur déjà urbanisé de la commune au sens des dispositions des alinéas 1 et 2 de cet article.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 mars 2023 et 16 octobre 2023, la commune de Blainville-sur-Mer, représentée par la SELARL Cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Par un courrier du 25 septembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte au regard des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme.

Des observations, présentées pour la commune de Blainville-sur-Mer, en réponse au courrier adressé aux parties par la cour en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, ont été enregistrées le 26 septembre 2024 et communiquées à M. et Mme B...

La commune soutient que la caducité qui a frappé le plan d'occupation des sols dont était dotée la commune ne remet pas en cause le transfert de la compétence au profit en matière d'urbanisme à la commune ; le maire était donc compétent pour prendre le certificat d'urbanisme au nom de la commune.

Des observations, présentées pour M. et Mme B..., en réponse au courrier adressé aux parties par la cour en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, ont été enregistrées le 27 septembre 2024 et communiquées à la commune de Blainville-sur-Mer.

Ils soutiennent que la commune ne justifie pas avoir recueilli l'avis du préfet, en méconnaissance de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme.

Par une ordonnance du 30 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 octobre 2024.

Par un mémoire, enregistré le 18 octobre 2024, la commune de Blainville-sur-Mer, représentée par la SELARL Cabinet Coudray, maintient ses conclusions et soutient en outre qu'elle n'avait pas à recueillir l'avis conforme du préfet avant de délivrer le certificat d'urbanisme négatif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Montes-Derouet,

- les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public,

- et les observations de Me Gutton, pour M. et Mme B... et A... C..., pour la commune de Blainville-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont déposé, le 4 mai 2021, une demande de certificat d'urbanisme opérationnel en vue de la réalisation d'une maison d'habitation individuelle sur des parcelles dont ils sont propriétaires, cadastrées ZL nos157 et 158 situées au lieu-dit " La Chardotterie " sur le territoire de la commune de Blainville-sur-mer. Par un arrêté du 22 juin 2021, le maire de Blainville-sur-Mer leur a délivré, au nom de la commune, un certificat d'urbanisme déclarant cette opération non réalisable. Par un jugement du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; /b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus (....)/. Le certificat d'urbanisme est délivré dans les formes, conditions et délais déterminés par décret en Conseil d'Etat par l'autorité compétente mentionnée au a et au b de l'article L. 422-1 du présent code ". L'article L. 422-1 de ce code prévoit que : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. Dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale avant cette date, le maire est compétent, au nom de la commune, après délibération du conseil municipal. En l'absence de décision du conseil municipal, le maire est compétent, au nom de la commune, à compter du 1er janvier 2017. Lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif ;/ b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 174-1 du code de l'urbanisme : " Les plans d'occupation des sols qui n'ont pas été mis en forme de plan local d'urbanisme, en application du titre V du présent livre, au plus tard le 31 décembre 2015 sont caducs à compter de cette date, sous réserve des dispositions des articles L. 174-2 à L. 174-5. / La caducité du plan d'occupation des sols ne remet pas en vigueur le document d'urbanisme antérieur. / A compter du 1er janvier 2016, le règlement national d'urbanisme mentionné aux articles L. 111-1 et L. 422-6 s'applique sur le territoire communal dont le plan d'occupation des sols est caduc ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : / a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, le plan d'occupation des sols de la commune de Blainville-sur-Mer, révisé en dernier lieu par une délibération du 27 novembre 1992, atteint de caducité en application des dispositions de l'article L. 174-1 du code de l'urbanisme citée au point 3, avait cessé de s'appliquer de sorte que les décisions prises en matière d'occupation du sol étaient régies par les dispositions du règlement national d'urbanisme. Cette circonstance demeure toutefois sans incidence sur la compétence du maire pour délivrer, au nom de la commune, les autorisations d'urbanisme en application du a) de l'article L. 422-1 cité au point 2, le transfert de compétence ayant résulté de l'approbation du document d'urbanisme communal étant définitif. Le maire de Blainville-sur-Mer était, dès lors, compétent pour délivrer le certificat d'urbanisme négatif au nom de la commune.

6. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 410-1 citées au point 2 n'ont ni pour objet, ni pour effet de rendre applicables au certificat d'urbanisme l'ensemble des règles relatives aux permis de construire, d'aménager ou de démolir, ainsi qu'aux déclarations préalables. Ces dispositions se bornent seulement à renvoyer, pour la détermination de l'autorité compétente, aux règles prévues par l'article L. 422-1 du même code pour la délivrance des autorisations d'occupation du sol. Enfin, les dispositions de l'article L. 422-5 du même code citées au point 4, codifiées dans un titre II intitulé " Dispositions communes aux diverses autorisations et aux déclarations préalables ", ne sont pas applicables aux certificats d'urbanisme. Aucune autre disposition ne subordonne la délivrance d'un certificat d'urbanisme à un avis conforme du préfet. Le moyen tiré de ce que le maire de Blainville-sur-Mer n'était pas compétent pour prendre, au nom de la commune et sans recueillir l'avis du préfet, le certificat d'urbanisme négatif contesté doit, par suite, être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune ".

8. Ces dispositions interdisent en principe, en l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions implantées " en dehors des parties urbanisées de la commune ", c'est-à-dire en dehors des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il en résulte qu'en dehors du cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues par l'article L. 111-4 du même code, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie urbanisée de la commune.

9. Pour déclarer non réalisable le projet de M. et Mme B..., le maire de Blainville-sur-Mer a considéré que le terrain d'assiette de leur projet n'était pas situé dans les parties urbanisées du territoire communal, que leur projet méconnaissait ainsi les dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme et qu'il n'entrait dans aucune des exceptions admises par les dispositions de l'article L. 111-4 du même code.

10. Ainsi qu'il a été dit au point 5, à la date du certificat d'urbanisme litigieux, la commune de Blainville-sur-Mer n'était dotée ni d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ni d'une carte communale opposable aux tiers. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette de l'opération envisagée, d'une contenance de 3 000 m², se trouve au lieu-dit La Chardotterie, qui s'inscrit dans une vaste zone à dominante agricole et est distant, à l'ouest, d'environ 3 km du bourg de Blainville-sur-Mer et, à l'est, d'environ 600 m de la commune de Saint-Malo de La Lande. S'il ressort des pièces du dossier, notamment des vues photographiques produites, que ce lieu-dit compte une quarantaine de constructions dans un rayon de 300 m, elles ne comportent pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, un nombre et une densité significatifs de constructions, compte-tenu de leur implantation dispersée et discontinue, certaines étant disséminées au sud de la route départementale RD 244 sur laquelle débouche la route de la Chardotterie, tandis que les autres sont implantées de manière discontinue dans de grandes parcelles, de part et d'autre de cette route au nord de laquelle se trouve un petit tissu bâti d'une dizaine de constructions, séparées des précédentes par de grandes parcelles enherbées. Le caractère aéré et dispersé de l'ensemble des constructions implantées au lieu-dit La Chardotterie caractérise de la sorte une urbanisation diffuse de ce secteur, alors même que le terrain d'assiette en cause, qui est riverain à l'ouest de la route de la Chardotterie, est d'ores et déjà bâti dans sa partie nord, qu'il est contigu de parcelles bâties, au nord et dans sa partie sud-est, et qu'il est desservi par les différents réseaux publics. Il s'ensuit que le maire de Blainville-sur-Mer n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que le terrain d'assiette n'était pas inclus dans les parties urbanisées de la commune et en déclarant, pour ce motif, non-réalisable l'opération envisagée.

11. En troisième lieu, le terrain d'assiette des requérants ne se situant pas dans une partie urbanisée de la commune, le maire n'a pas entaché d'une erreur de droit la décision contestée en examinant si l'opération envisagée par M. et Mme B... n'était pas susceptible d'entrer dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme qui permettent l'édification de constructions en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande de substitution de motifs présentée par la commune, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. et Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par ces derniers doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Blainville-sur-Mer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. et Mme B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Blainville-sur-Mer et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme B... verseront à la commune de Blainville-sur-Mer une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et à la commune de Blainville-sur-Mer.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2024.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUET

La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. D...

La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00368


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00368
Date de la décision : 06/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : CABINET COUDRAY CONSEIL & CONTENTIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-06;23nt00368 ?
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