Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première demande, enregistrée sous le n° 2000009, Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours contre la décision du 11 juillet 2019 par laquelle le préfet de la Marne a rejeté sa demande de naturalisation.
Par une seconde demande, enregistrée sous le n° 2003837, Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision expresse du 14 janvier 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours contre la décision du 11 juillet 2019 par laquelle le préfet de la Marne a rejeté sa demande de naturalisation.
Par un jugement n°s 2000009, 2003837 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 février 2023, Mme B..., représentée par Me Lavenant, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 14 janvier 2020 du ministre de l'intérieur ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 500 euros en réparation du préjudice moral subi ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'annulation de son mariage par un jugement du tribunal de grande instance de Reims du 16 mars 2011 pour défaut d'intention matrimoniale ne suffit pas à établir son intention de faciliter son entrée en France et de s'y faire reconnaître un droit au séjour ; elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard au caractère ancien des faits reprochés ;
- sa situation administrative a été régularisée dès que l'annulation de son mariage a été prononcée ; elle justifie de sa parfaite insertion professionnelle, de son intégration sociale et de la scolarisation de ses enfants ; elle maîtrise le français ; elle fait preuve d'une exemplarité à l'égard de ses obligations déclaratives auprès de l'administration fiscale ; sa résidence principale est stable ;
- la décision contestée méconnaît la circulaire du 16 octobre 2012 ;
- la décision contestée lui cause un préjudice moral.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 21 juillet 2023 et 25 juillet 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées par Mme B... en l'absence de réclamation préalable.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 11 juillet 2019, le préfet de la Marne a rejeté la demande de naturalisation présentée par Mme C.... Par une décision expresse du 14 janvier 2020, qui s'est substituée à la décision implicite née le 2 décembre 2019, le ministre de l'intérieur a rejeté le recours hiérarchique formé contre cette décision par Mme B.... Par un jugement du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 14 janvier 2020 du ministre de l'intérieur. Mme B... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. ". En outre, aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande (...) ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ainsi que son assimilation dans la société française.
3. Pour rejeter la demande de naturalisation de Mme B..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressée a fait l'objet, le 16 mars 2011, d'un jugement du tribunal de grande instance de Reims prononçant la nullité de son mariage célébré le 5 juin 2009 et de ce que la brièveté de la cohabitation conjugale, rompue au bout de huit jours à l'initiative de l'intéressée, révèle un défaut d'intention matrimoniale.
4. Il est constant que Mme B... a épousé le 5 juin 2009 à Douala (Cameroun) un ressortissant français et est entrée sur le territoire français le 16 septembre 2009 munie d'un visa de long séjour délivré en sa qualité de conjointe d'un ressortissant français. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, par un jugement du 16 mars 2011, le tribunal de grande instance de Reims a annulé le mariage de Mme B... au motif que cette dernière était dépourvue de la volonté de s'unir durablement et d'assumer, même à court terme, l'ensemble des conséquences inhérentes à l'institution du mariage. Enfin, les éléments produits par la requérante devant la cour ne suffisent pas à faire regarder la décision contestée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, alors même que l'intéressée serait parfaitement intégrée à la société française et que les faits qui lui sont reprochés présentent, désormais, une relative ancienneté.
5. En second lieu, la naturalisation constitue une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressée ne peut faire valoir aucun droit. Mme B... ne saurait, dès lors, utilement se prévaloir des orientations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 16 octobre 2012 concernant les procédures d'accès à la nationalité française.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par cette dernière ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les conclusions d'appel indemnitaires :
8. Il résulte des points 4 et 5 que la décision contestée n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, en l'absence de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, les conclusions présentées par Mme B... tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme en réparation du préjudice moral que celle-ci aurait subi doivent, en tout état de cause, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par le conseil de la requérante au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2024.
La rapporteure,
I. MONTES-DEROUETLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00315