Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 décembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du
6 septembre 2022 de l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'étudiant.
Par un jugement n° 2215599 du 27 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 21 décembre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. B... le visa demandé dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que la décision contestée est fondée sur le caractère inadéquat de la formation que l'intéressé entend suivre en France, de nature à révéler un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
La requête a été communiquée le 27 juin 2023 à M. B... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 27 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 21 décembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer à M. B..., ressortissant camerounais né en 1999, un visa de long séjour en qualité d'étudiant. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.
2. Selon l'article 5 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, l'admission d'un ressortissant d'un pays tiers à des fins d'études est soumise à des conditions générales, fixées par l'article 7, comme l'existence de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance durant son séjour ainsi que ses frais de retour et à des conditions particulières, fixées par l'article 11, telles que l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur ainsi que le paiement des droits d'inscription. L'article 20 de la même directive, qui définit précisément les motifs de rejet d'une demande d'admission, prévoit qu'un Etat membre rejette une demande d'admission si ces conditions ne sont pas remplies ou encore, peut rejeter la demande, selon le f) du 2, " s'il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que l'auteur de la demande souhaite séjourner sur son territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission. ".
3. En l'absence de dispositions spécifiques figurant au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande présentée pour l'octroi d'un visa de long séjour sollicité pour effectuer des études en France est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 211-1 de ce code alors applicable, recodifié depuis à l'article L. 311-1. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article L. 211-2-1 de ce même code, recodifié depuis à l'article L. 312-2, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, laquelle participe de la transposition de cette même directive.
4. Le point 2.4 de l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019, intitulé " Autres vérifications par l'autorité consulaire ", indique que cette dernière " (...) peut opposer un refus s'il existe des éléments suffisamment probants et des motifs sérieux permettant d'établir que le demandeur séjournera en France à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande un visa pour études. ".
5. L'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle des juges de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.
6. La décision contestée est fondée sur un motif tiré de l'inadéquation de la formation que M. B... entend suivre en France, ce qui est de nature à révéler l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, M. B... est inscrit au titre de l'année 2022-2023 à l'école Intech, faisant partie du groupe ESIEA, pour y suivre un enseignement supérieur d'informatique, en cycle Bachelor. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été inscrit de 2020 à 2022 à l'institut universitaire de la Côte à Douala où il a suivi des cours en technologies de l'informatique, option programmation et application mobiles et a validé seulement la première année. De plus, ainsi que le relève au demeurant le conseiller Campus France dans son avis défavorable, si le demandeur de visa se prévaut de la qualité de l'enseignement dispensé dans l'école privée choisie, il n'apporte toutefois aucune précision quant à son projet professionnel ni aucun élément de nature à établir que la formation envisagée en France serait pertinente au regard de ce projet professionnel. L'avis précité relève ainsi que l'intéressé peine à expliquer ses projets, ce qui traduit un manque de connaissance de son projet d'étude et professionnel. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le diplôme délivré par cet établissement privé d'enseignement supérieur n'est pas enregistré au répertoire national des certifications professionnelles et qu'il n'est donc pas reconnu par l'Etat. Dans ces circonstances, la commission de recours a pu, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation, estimer, au vu de l'inadéquation du projet d'études, que l'intéressé sollicitait ce visa à d'autres fins que son projet d'études et rejeter, pour ce motif, le recours formé par l'intéressé contre la décision des autorités consulaires.
8. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour annuler la décision contestée, sur ce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France avait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur le motif énoncé au point 5.
9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.
A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".
11. Il ressort des pièces du dossier que le conseil de M. B... a adressé un recours préalable obligatoire à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, recours réceptionné le 16 septembre 2022. L'accusé de réception précisait qu'en l'absence d'une réponse expresse de la commission de recours dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du recours, celui-ci est réputé rejeté. Le conseil de M. B... a adressé une demande de communication des motifs de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, par un courrier du 16 novembre 2022. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a finalement pris une décision expresse en date du 21 décembre 2022 et l'a adressé au conseil de M. B.... Cette décision expresse, qui s'est substituée à la décision implicite, mentionne les considérations de fait et de droit qui la fondent. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas reçu la communication des motifs de la décision implicite de la commission de recours et le moyen tiré du défaut de motivation doit dès lors être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 21 décembre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2215599 du 27 avril 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
S. DEGOMMIER
La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01839