Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... et A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 9 mars 2022 de l'autorité consulaire française à Téhéran (Iran) refusant de délivrer à Mme B... un visa au titre de la réunification familiale.
Par un jugement n° 2208797 du 20 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 mai 2023 et 10 juin 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. et Mme C... et A... B..., représentés par Me Neve de Mevergnies, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 mars 2023 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de
15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer la demande de visa dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à leur bénéficie en cas de refus de l'aide juridictionnelle.
Ils soutiennent que :
- le jugement, faute de répondre à leur moyen tiré de l'erreur de droit au regard de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est irrégulier ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le lien familial est établi ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er août 2023, modifiée le 16 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas,
- et les observations de Me Neve de Mevergnies, représentant M. et Mme B....
Une note en délibéré, présentée pour M. et Mme B..., a été enregistrée le
14 novembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., ressortissant afghan, a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 17 novembre 2014. Mme A... B..., son épouse afghane, a déposé une demande de visa de long séjour auprès de l'ambassade de France à Téhéran (Iran) en qualité de membre de la famille d'un réfugié. Par une décision du 9 mars 2022, cette autorité a refusé de lui délivrer le visa sollicité. Par une décision implicite née le 29 mai 2022 la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre cette décision consulaire. Puis par une décision du 29 juin 2022 la commission a explicitement rejeté leur recours. Par un jugement du 20 mars 2023, dont ils relèvent appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande d'annulation de cette décision du 29 juin 2022 qui s'est substituée à la décision implicite du 29 mai 2022.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. et Mme B... soutiennent que le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu au moyen qu'ils avaient soulevé, tiré de l'erreur de droit au regard de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que dans sa décision du 29 juin 2022 la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas pris en compte dans son appréciation leur situation de concubins en Afghanistan. Ledit jugement ne répondant pas à ce moyen, qui n'était pas inopérant, M. et Mme B... sont fondés à soutenir que le jugement attaqué est, pour ce motif, irrégulier. Il s'ensuit que ce jugement doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur la légalité de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
4. Pour les motifs exposés au point 1, les conclusions à fin d'annulation présentées par M. et Mme B..., dirigées initialement contre la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, doivent être regardées comme dirigées contre la décision du 29 juin 2022 par laquelle cette commission a explicitement rejeté leur recours.
5. En premier lieu, la décision contestée du 29 juin 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est motivée en fait par la circonstance que le mariage de M. et Mme B... a été enregistré postérieurement à l'introduction de la demande d'asile présentée par M. B.... Elle se réfère par ailleurs notamment aux dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de cette motivation doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; (...). ".
7. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. et Mme B... se sont unis le 21 octobre 2017 au Pakistan alors que M. B... a sollicité le bénéfice de l'asile le 13 juin 2013 et s'est vu reconnaitre le bénéfice de la protection subsidiaire le 17 novembre 2014. D'autre part, il n'est pas établi par les pièces produites que M. et Mme B... auraient vécu avant leur union dans une situation de concubinage caractérisée par une vie suffisamment stable et continue, alors qu'ils se limitent à se prévaloir du fait qu'ils auraient fréquenté la même école en 2008 et 2009 et que leurs parents ont approuvé leur union. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. En troisième lieu, devant l'administration, notamment à l'appui de leur recours formé devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, M. et Mme B... se sont uniquement prévalu de leur mariage célébré en 2017, sans évoquer une situation de concubinage antérieure. Dans ces conditions, c'est sans erreur de droit que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a écarté leur demande au regard de leur seule situation de conjoints.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. Pour les motifs exposés au point 7, il n'est pas établi que M. et Mme B... auraient vécu en situation de concubinage en Afghanistan. A cet égard, il ressort des pièces du dossier qu'alors que M. B... a quitté l'Afghanistan en 2011, M. et Mme B... ne se sont retrouvés qu'en 2017 au Pakistan afin de célébrer leur union, puis entre janvier et mars 2022 en Iran, alors même qu'ils auraient été scolarisés ensemble de 2008 à 2009. Il est par ailleurs établi que Mme B... a été scolarisée en Afghanistan, où elle a poursuivi des études universitaires jusqu'en 2016, puis a enseigné jusqu'en 2021. Il n'est en revanche pas établi que, nonobstant la situation d'insécurité régnant en Afghanistan et plus particulièrement s'agissant des femmes, Mme B..., qui est parvenue à voyager régulièrement en Iran peu avant la décision contestée, serait isolée dans son pays où elle aurait vécu auprès de ses beaux-parents puis d'une tante. Par ailleurs, la circonstance que le bénéfice du regroupement familial a été refusé à Mme B... est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, qui s'est prononcée sur une demande de visa au titre de la réunification familiale sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Aussi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision du 29 juin 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2208797 du 20 mars 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes, ainsi que leurs conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Nantes, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et A... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
S. DEGOMMIER
La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01505