La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/12/2024 | FRANCE | N°23NT00694

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 03 décembre 2024, 23NT00694


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... et Mme B... E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 13 février 2020 par lequel le maire de Carnac (Morbihan) a délivré à Mme G... un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé 48-50 avenue de la Pointe, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.



Par un jugement n° 2003337 du 13 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 mars 2023, 10 nov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... et Mme B... E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 13 février 2020 par lequel le maire de Carnac (Morbihan) a délivré à Mme G... un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé 48-50 avenue de la Pointe, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2003337 du 13 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 mars 2023, 10 novembre 2023 et 22 avril 2024, M. D... et Mme B... E..., représentés par Me Diversay, demandent à la cour :

1°) avant dire droit de procéder à une visite des lieux sur le fondement de l'article R. 622-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 janvier 2023 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 13 février 2020 par lequel le maire de Carnac a délivré à Mme G... un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé 48-50 avenue de la Pointe, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Carnac le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme E... soutiennent que :

- la requête d'appel est recevable ;

- le jugement est irrégulier, dès lors que le tribunal a omis d'examiner le moyen qui n'était pas inopérant tiré de la méconnaissance par le projet de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ; le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- le signataire du permis de construire contesté était incompétent pour le faire, en l'absence de délégation ; la délégation n'était pas exécutoire ;

- le dossier de demande de permis de construire est insuffisant ; la notice paysagère ne mentionne pas la végétation existante ; le nombre d'arbres abattus et plantés n'est pas précisé ; l'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions, et aux aires de stationnement n'est pas précisé ; les angles des prises de vue n'ont pas été reportés sur le plan de situation et le plan de masse ;

- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article Ub 3 du règlement du plan local d'urbanisme relatif à la voirie et aux accès ; les dimensions de la voie ne sont pas adaptées à la desserte du projet ; elle ne présente pas les caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de la sécurité, de la défense contre l'incendie et de la protection civile ;

- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article Ub 4 du règlement du plan local d'urbanisme relatif à la desserte par les réseaux ; le projet ne respecte pas le coefficient d'imperméabilisation maximum autorisé ;

- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article Ub 9 du règlement du plan local d'urbanisme relatif à l'emprise au sol des constructions ;

- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article Ub 13 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le permis de construire contesté méconnait les dispositions de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme ; le terrain de l'opération projeté présente un intérêt patrimonial et paysager, il constitue un espace remarquable.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 mai 2023, 7 décembre 2023 et 6 mai 2024, la commune de Carnac, représentée par Me Camus, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme E... une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que M. et Mme E... n'ont pas intérêt à agir ;

- les moyens soulevés par M. et Mme E... ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 6 octobre 2023 et 7 mai 2024, Mme F... G..., représentée par Me Gosselin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de M. et Mme E... les dépens de l'instance ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme G... soutient que :

- M. et Mme E... n'ont pas intérêt à agir ;

- les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme et les articles Ub 3, 4 et 13 du règlement du plan local d'urbanisme sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. et Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dubost,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Gallot, substituant Me Diversay, représentant M. et Mme E..., celles de Me Cassard, substituant Me Camus, représentant la commune de Carnac et celles de Me Goven, substituant Me Gosselin, représentant Mme G....

Considérant ce qui suit :

1. Le 2 décembre 2019, Mme G... a présenté à la mairie de Carnac (Morbihan) une demande de permis de construire une maison d'habitation sur un tènement foncier composé de trois parcelles cadastrées section AL nos 77, 78 et 179 situées 48-50 avenue de la Pointe, classées en zone Ubd1 du règlement du plan local d'urbanisme. Par un arrêté du 13 février 2020, le maire a délivré l'autorisation sollicitée. M. et Mme E... ont formé un recours gracieux le 17 avril 2020, contre cette décision, qui a été implicitement rejeté. M. et Mme E... ont alors demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler ces décisions. Ils relèvent appel du jugement du 13 janvier 2023 de ce tribunal rejetant leur demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. En premier lieu, il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rennes a écarté explicitement le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme au motif que celui-ci était inopérant avant d'y répondre, en tout état de cause, au fond. Dans ces conditions, le moyen, tiré de ce que le tribunal aurait omis de répondre à un moyen qui n'était pas inopérant ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés à l'appui des moyens soulevés par M. et Mme E..., ont indiqué de manière suffisamment précise les motifs pour lesquels ils ont écarté le moyen tiré de ce que le projet contesté porterait atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. La circonstance que les premiers juges aient fait référence, par erreur, au point 7 du jugement et non à son point 8, n'est pas à elle seule de nature à établir l'insuffisance de motivation alléguée. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme E... sont les propriétaires d'une maison habitation dont le terrain jouxte celui de l'opération contestée, et dont il est séparé par une haie végétale ; ils sont donc voisins immédiats de l'opération projetée. Par ailleurs, M. et Mme E... se prévalent de la perte d'intimité induite par le projet en litige, de l'atteinte aux conditions de jouissance de leur jardin et de ce que la vue sur la mer dont ils disposent en sera affectée. Eu égard à ses caractéristiques, la construction projetée est de nature à affecter directement leurs conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de leur absence d'intérêt à agir ne peut être accueillie.

8. En second lieu, aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le recours gracieux formé le 17 avril 2020 par M. et Mme E... à l'encontre de l'arrêté du 13 février 2020 a été notifié à Mme G... le 23 avril 2020, soit dans le délai prescrit par les dispositions précitées. La fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions citées au point 8 et opposée à la demande de première instance doit donc être écartée.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée aux moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme et des articles Ub 3, 4 et 13 du règlement du plan local d'urbanisme :

10. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative. ".

11. La cristallisation des moyens qui résulte de l'application des dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme est limitée à l'instance au cours de laquelle elle intervient. Il s'ensuit que la cristallisation intervenue en première instance est sans incidence sur la recevabilité des moyens d'appel. Les requérants sont ainsi recevables à soulever en appel tous moyens nouveaux relevant des mêmes causes juridiques que ceux soulevés en première instance pourvu qu'ils soient présentés avant l'expiration du délai de deux mois suivant la communication aux parties du premier mémoire en défense enregistré dans l'instance d'appel.

12. Il ressort des pièces du dossier que les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme et des articles Ub 3, 4 et 13 du règlement du plan local d'urbanisme ont été soulevés par M. et Mme E... dans leur requête d'appel, alors que la cristallisation des moyens n'était pas encore intervenue dans le cadre de cette instance. Ils se rapportent à la légalité interne du permis de construire en litige, et relèvent ainsi de la même cause juridique que celle qui a été invoquée en première instance. En conséquence, le moyen de défense tiré de l'irrecevabilité de ces moyens doit être écartée.

En ce qui concerne la légalité des décisions contestées :

S'agissant du moyen tiré de l'incompétence du signataire du permis de construire du 13 février 2020 :

13. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée a été signée pour le maire, par le conseiller municipal délégué, M. C... A..., qui était habilité pour le faire, en exécution d'une délégation du maire de Carnac du 9 mai 2014. Il ressort des mentions portées sur cette délégation qu'elle a été transmise au contrôle de légalité le 12 mai 2014 et publiée le 13 mai 2014. Si M. et Mme E... soutiennent que cette délégation n'aurait pas acquis un caractère exécutoire, ils n'apportent aucun élément permettant de le démontrer. Le moyen doit donc être écarté.

S'agissant des moyens tirés de l'insuffisance de la demande de permis de construire :

14. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. * 431-33-1 ; c) Les informations prévues aux articles R. 431-34 et R. 431-34-1. Pour l'application des articles R. 423-19 à R. 423-22, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations mentionnées au a et au b ci-dessus. Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente. ". Aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : (...) e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. "

15. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant la demande ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

16. D'abord, il ressort des pièces du dossier que la notice paysagère mentionne " pour permettre la réalisation de la construction des arbres seront coupés sous l'emprise ou à proximité ". Par ailleurs, le plan de masse de l'existant fait figurer les arbres présents sur le terrain de l'opération projetée et le plan de masse à l'état futur fait mention des arbres à couper et précise l'emplacement de la construction projetée. Dans ces conditions, l'autorité administrative était à même d'identifier que le projet contesté nécessitait l'abattage de six arbres et son appréciation sur la conformité du projet à la règlementation applicable s'agissant de la végétation n'a pas été faussée.

17. Ensuite, les permis de construire, qui sont délivrés sous réserve des droits des tiers, ont pour seul objet d'assurer la conformité des travaux qu'ils autorisent avec la règlementation de l'urbanisme, en vertu de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme. Dès lors, si le juge administratif doit, pour apprécier la légalité du permis au regard des règles d'urbanisme relatives à la desserte, s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie, il ne lui appartient de vérifier ni la validité de cette servitude, ni l'existence d'un titre permettant l'utilisation de la voie qu'elle dessert, si elle est privée, dès lors que celle-ci est ouverte à la circulation publique.

18. La notice architecturale mentionne " on accède au terrain par l'avenue de la Pointe ". Par ailleurs, les plans de masse de l'état existant et de l'état futur permettent d'identifier que l'accès à l'opération projetée sera réalisé par l'accès déjà existant et qu'aucun nouvel accès ne sera créé. Enfin, la circonstance alléguée selon laquelle Mme G... n'aurait pas sollicité l'accord de l'intégralité des propriétaires de la voie privée, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne serait pas ouverte à la circulation publique, et qui permet d'accéder au terrain de l'opération projetée demeure, en l'absence de toute allégation de fraude, sans incidence sur la complétude du dossier de demande.

19. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme doit être écarté.

20. En second lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : (...) d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. ".

21. Alors qu'il ressort du plan de masse de l'opération projetée que les angles de prises de vue ont été reportés sur celui-ci, la circonstance qu'ils n'aient pas été reportés sur le plan de masse de l'état existant n'a pas été de nature à fausser l'appréciation de l'autorité administrative à la règlementation applicable. Le moyen doit donc être écarté.

S'agissant des moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme :

22. En premier lieu, aux termes de l'article Ub 3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Carnac : " Voirie et accès / voirie / Les dimensions formes et caractéristiques techniques des voies publiques ou privées doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent ou aux opérations qu'elles doivent desservir. Les voies doivent présenter des caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de la sécurité, de la défense contre l'incendie et de la protection civile et comporter une chaussée d'au moins 3,50 m de largeur pour les voies à sens unique et 5 mètres pour les voies à double sens. Toutefois, cette largeur peut être réduite si les conditions techniques, urbanistiques et de sécurité le permettent ".

23. Il ressort des pièces du dossier, notamment du constat d'huissier du 29 août 2023, que l'opération contestée, qui consiste en la création d'une maison d'habitation, sera desservie par l'avenue de la Pointe qui est une impasse permettant l'accès à une dizaine de maisons d'habitation. Par ailleurs, cette impasse est d'une largeur de 5,05 mètres à son débouché et elle présente ensuite une largeur supérieure permettant aisément la circulation des véhicules, alors même que des véhicules y sont stationnés. Dans ces conditions, il n'est pas démontré que la voie d'accès au terrain de l'opération ne serait pas adaptée à la desserte de l'opération projetée ni qu'elle ne satisferait pas aux conditions prescrites pour satisfaire aux exigences de la sécurité, de la défense contre l'incendie et de la protection civile, de sorte que le moyen tiré de ce que l'arrêté méconnaitrait les dispositions citées au point 22 doit être écarté.

24. En deuxième lieu, en vertu de l'article Ub 4 du règlement du PLU, le coefficient d'imperméabilisation maximum autorisé pour les constructions à usage d'habitation est de 30 % au sein du secteur Ubd1, au sein duquel est située l'opération projetée. Par ailleurs, le coefficient d'imperméabilisation est défini par le PLU comme le rapport entre la surface totale imperméabilisée et la surface de la parcelle considérée. Les surfaces imperméabilisées à prendre en compte à ce titre comprennent les toitures, les terrasses et les voiries en enrobés ou béton.

25. Il ressort de la demande de permis de construire que la surface imperméabilisée qui comprend la maison existante ainsi que ses marches, les escaliers du jardin et la construction projetée est de 309 m². D'abord, si les requérants font valoir que le puisard d'eaux pluviales n'a pas été pris en compte au titre de cette surface, toutefois, un tel ouvrage, dont la fonction est de recueillir l'eau de pluie, ne peut être regardé comme constituant une surface imperméabilisée à prendre en compte au sens et pour l'application des dispositions citées au point 24. Ensuite, si les requérants soutiennent qu'une tourelle et un blockhaus sont implantés sur le terrain du projet et doivent être pris en compte en tant que surface imperméabilisée, le seul relevé établi par un géomètre expert le 9 octobre 1958 qui fait mention de l'existence de ces constructions, ne permet pas d'établir, à la date de la décision contestée, leur présence sur le terrain de l'opération en cause, alors qu'un constat d'huissier réalisé le 14 décembre 2023 n'identifie pas de blockhaus sur le terrain, ni de béton hors sol. Enfin, il ressort des pièces du dossier que les surfaces de la courette et de la terrasse existantes, qui ne sont pas réalisées en béton ni en enrobé et permettent l'infiltration de l'eau dans le sol, n'avaient pas à être prises en compte dans le calcul des surfaces imperméabilisées. Ainsi, alors que le terrain de l'opération contestée est d'une surface de 1 052 m², la surface imperméabilisée de 309 m² prévue par le projet est inférieure à celle de 315,6 m² autorisée au titre des dispositions citées au point 24. Le moyen doit par suite être écarté.

26. En troisième lieu, en vertu de l'article Ub 9 du règlement du PLU, en zone Ubd1, l'emprise au sol des constructions par rapport à la surface totale du terrain intéressé par le projet ne peut excéder, pour les constructions à usage d'habitation, une proportion de 25 %. En secteur Ubd, un dépassement de ce coefficient est autorisé pour les constructions existantes à la date d'approbation du PLU, " dans le cadre d'une extension ou construction de dépendance ", dans la limite de 30 m² d'emprise au sol. Le lexique du PLU définit la dépendance comme " une construction détachée de la construction principale (garage, remise, etc.) ".

27. En application des dispositions citées au point précédent, le terrain de l'opération projetée étant d'une superficie de 1 052 m², l'emprise au sol maximale des constructions s'établit à 263 m². Il ressort de la demande de permis de construire que l'emprise au sol déclarée de la construction existante est de 197 m² et celle du projet de 65,95 m² soit une emprise au sol totale de 262,95 m², donc inférieure à l'emprise maximale de 263 m² autorisée. Toutefois, M. et Mme E... soutiennent que la construction existante est d'une emprise au sol de 215 m², supérieure à celle de 197 m² mentionnée dans la demande de permis de construire. A cet égard, d'abord, alors qu'il ressort de cette demande que la surface imperméabilisée correspondant à la seule " maison existante compris marches " est d'une surface de 225 m², cette dernière superficie n'apparait pas cohérente avec l'emprise au sol de 197 m² mentionnée. En outre, il ressort du rapport d'analyse du géomètre AG2M que la maison existante à la date de la décision contestée est d'une emprise au sol identique à celle de la maison d'habitation telle que relevée par un géomètre le 9 octobre 1958, qui avait évalué celle-ci à 215 m². Par ailleurs, il ressort du plan de masse de l'existant, qui est côté, que l'emprise au sol de la construction existante est supérieure à 197 m² et conduit donc à une emprise au sol des constructions sur le terrain de l'opération supérieure à 263 m². Au demeurant, Mme G... a produit un plan annoté mentionnant, s'agissant des constructions existantes, une emprise au sol de 226,74 m², supérieure à celle de 197 m² mentionnée dans la demande de permis de construire. Si Mme G... se prévaut des dispositions du PLU relatives aux dépendances qui permettent une majoration de 30 m² du coefficient d'emprise au sol, toutefois, le projet en cause, qui porte sur une maison d'habitation, ne peut être regardé comme constituant une dépendance de la maison existante et ce, alors que le PLU de Carnac prévoit des règles de constructibilité particulières à leur égard notamment s'agissant de leur hauteur. Dans ces conditions, l'arrêté contesté méconnait les dispositions de l'article Ub 9 du règlement du PLU citées au point 26, en tant que l'emprise au sol des constructions existante et projetée est supérieure à 263 m².

28. En quatrième lieu, aux termes de l'article Ub 13 du règlement du PLU : " Les surfaces libres de toute construction doivent être plantées à raison d'un arbre de haute tige par 200 m² de terrain non construit. (...) "

29. Alors que le terrain de l'opération projetée est d'une superficie de 1 052 m², le projet litigieux prévoit le maintien ou la plantation d'un total de huit arbres de haute tige, satisfaisant ainsi en tout état de cause aux dispositions citées au point précédent. Par ailleurs, si les requérants font valoir que les arbres dont l'abattage est nécessité par le projet sont désormais protégés au titre du site patrimonial de Carnac, ce dernier a été approuvé par une délibération du conseil municipal de Carnac du 14 février 2020, postérieure à la décision contestée et ne peut donc trouver à s'appliquer en l'espèce. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article Ub 13 du règlement du PLU doit être écarté.

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme :

30. Aux termes de l'article l. 121-23 du code de l'urbanisme : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. (...) ".

31. Le schéma de cohérence territoriale (SCOT) du pays d'Auray, couvrant le territoire de la commune de Carnac, n'identifie pas les parcelles d'assiette du projet comme appartenant à des espaces remarquables du littoral. Le projet d'aménagement durable de ce document, ou l'annexe cartographique du document d'orientations et d'objectifs mentionnent précisément d'autres sites participant à l'identité territoriale et la valeur du Pays d'Auray, et constituant de tels espaces. Par ailleurs, les auteurs de ce document n'ont pas entendu interdire toute urbanisation de cette zone, ou même inciter les auteurs du PLU à les classer en zone naturelle en tant qu'espace remarquable.

32. D'une part, comme il a été au point 29, il ressort des pièces du dossier que le site patrimonial de Carnac a été approuvé par une délibération du conseil municipal de Carnac du 14 février 2020, postérieure à la décision contestée et ne peut donc trouver à s'appliquer en l'espèce. D'autre part, si les requérants se prévalent de la qualité patrimoniale de la construction existante et du site de la pointe Churchill dans lequel elle s'inscrit, toutefois, les requérants ne démontrent pas que la construction projetée, qui n'induit pas de modification de la construction existante dont elle est séparée, leur porterait atteinte. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme doit donc être écarté.

Sur les conséquences du vice entachant le permis de construire :

33. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ".

34. Comme il a été dit au point 27 du présent arrêt, l'arrêté du maire de Carnac du 13 février 2020 est entaché du seul vice tiré de ce que l'emprise au sol des constructions existante et projetée est supérieure à 263 m² et méconnait ainsi les dispositions de l'article Ub 9 du règlement du PLU applicables au projet. Un tel vice peut être régularisé, dès lors que les modifications à envisager, qui concernent l'emprise au sol des constructions, sont limitées à une partie identifiable du projet, et ne lui apportent pas un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Il y a lieu dès lors de limiter à cette partie du projet la portée de l'annulation prononcée.

35. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder à une visite des lieux, que les requérants sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation du permis de construire du 13 février 2020 en tant que l'emprise au sol des constructions existante et projetée est supérieure à 263 m² et méconnait les dispositions de l'article Ub 9 du règlement du PLU.

Sur les frais liés au litige :

36. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme E... qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes demandées par la commune de Carnac et par Mme G... au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Carnac une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 13 février 2020, et la décision implicite de rejet du recours gracieux, sont annulés seulement en tant que l'emprise au sol des constructions existante et projetée est supérieure à 263 m² et méconnait ainsi les dispositions de l'article Ub 9 du règlement du PLU applicables au projet.

Article 2 : Le jugement n° 2003337 du 13 janvier 2023 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : La commune de Carnac versera à M. et Mme E... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par la commune de Carnac et Mme G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à Mme B... E..., à la commune de Carnac et à Mme F... G....

Copie en en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lorient en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIERLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

S. PIERODÉ

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00694


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00694
Date de la décision : 03/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : SARL ANTIGONE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-03;23nt00694 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award