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29/11/2024 | FRANCE | N°23NT01797

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 29 novembre 2024, 23NT01797


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Anjou Bâtiment a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'office public de l'habitat (OPH) Angers Loire Habitat à lui verser les sommes de 82 391,31 euros et 15 000 euros, et de " l'indemniser au titre du préjudice inhérent au gain manqué ", au titre des préjudices subis du fait de la résiliation d'un marché de construction de seize logements à Saint Sylvain d'Anjou (Maine-et-Loire).



Par un jugement n° 2008455 du 19 avril

2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Anjou Bâtiment a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'office public de l'habitat (OPH) Angers Loire Habitat à lui verser les sommes de 82 391,31 euros et 15 000 euros, et de " l'indemniser au titre du préjudice inhérent au gain manqué ", au titre des préjudices subis du fait de la résiliation d'un marché de construction de seize logements à Saint Sylvain d'Anjou (Maine-et-Loire).

Par un jugement n° 2008455 du 19 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juin et 14 décembre 2023, la société Anjou Bâtiment, représentée par Me Hugel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 avril 2023 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de condamner Angers Loire Habitat à lui verser les sommes de 82 391,31 euros et 20 000 euros au titre du gain manqué, avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2020 et capitalisation de ces intérêts ;

3°) de condamner Angers Loire Habitat à lui verser deux fois la somme de 15 000 euros, en indemnisation du préjudice que lui a occasionné la résiliation injustifiée de son marché et au titre des " démarches qu'elle a dû initier " ;

4°) de mettre à la charge de la société Angers Loire Habitat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le contentieux a été lié en cours d'instance par une décision implicite de rejet née le

21 mai 2022 à la suite du courrier de réclamation préalable indemnitaire en date du 16 mars 2022, reçue le 21 mars 2022 par Angers Loire Habitat ;

- le signataire de la décision de résiliation qui lui a été opposée n'était pas compétent pour ce faire ;

- la résiliation litigieuse n'a pas été précédée de la procédure prévue aux articles 46 et

48 du cahier des clauses administratives générales applicable, dès lors que les travaux litigieux n'ont pas fait l'objet d'une constatation contradictoire avant résiliation, que la mise en demeure qui lui a été adressée n'a pas respecté le délai de 15 jours minimum et qu'Angers Loire Habitat ne l'a pas invitée à présenter ses observations ;

- Angers Loire Habitat n'apporte pas la preuve de la réalité et de la gravité des manquements qui ont justifié la résiliation ;

- elle n'a pas commis de faute dans l'exécution du marché ;

- la mesure de résiliation prise à son encontre présente un caractère disproportionné ;

- elle droit à être indemnisée de la somme de 82 391,30 euros au titre des prestations réalisées non réglées ;

- elle a droit à l'indemnisation de son manque à gagner sur les travaux restant à réaliser à hauteur de 20 000 euros ;

- elle a droit à l'indemnisation de son préjudice consécutif à la résiliation injustifiée du marché à hauteur de 15 000 euros ;

- les intérêt au taux légal seront dus à compter du 27 février 2020, date de la résiliation abusive.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2023, Angers Loire Habitat, représenté par Me Boucher, demande à la cour de rejeter la requête de la société Anjou Bâtiment et de mettre à sa charge une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, modifié par arrêté du 3 mars 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Benatsou, substituant Me Hugel, pour la société Anjou Bâtiment, et de Me Boucher, pour Angers Loire Habitat.

Considérant ce qui suit :

1. L'office public de l'habitat (OPH) Angers Loire Habitat a décidé de passer un marché de travaux pour construire seize logements à Saint Sylvain d'Anjou (Maine-et-Loire). Le lot

n°2 " Terrassement-Gros Œuvre-Ravalement " de ce marché a été confié à la société Anjou Bâtiment, par un acte d'engagement du 5 décembre 2018. Le maître d'œuvre a constaté des vices dans l'exécution de ce lot. Par courrier du 7 février 2020, Angers Loire Habitat a mis la société Anjou Bâtiment en demeure de respecter ses obligations et de mettre fin aux désordres qui lui étaient reprochés, puis par décision du 27 février 2020, a décidé de résilier le marché aux frais et risques du titulaire. La société Anjou Bâtiment a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner Angers Loire Habitat à lui verser le montant des prestations qu'elle a réalisées dans le cadre du marché et de l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subi du fait de cette mesure de résiliation. Elle fait appel du jugement du 19 avril 2023 par lequel le tribunal a rejeté sa demande comme irrecevable faute de demande préalable.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. (...) ". Lorsqu'un requérant a introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration et qu'il forme, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, cette décision lie le contentieux. La demande indemnitaire est recevable, que le requérant ait ou non présenté des conclusions additionnelles explicites contre cette décision, et alors même que le mémoire en défense de l'administration aurait opposé à titre principal l'irrecevabilité faute de décision préalable, cette dernière circonstance faisant seulement obstacle à ce que la décision liant le contentieux naisse de ce mémoire lui-même. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : (...) 2° Lorsque la demande (...) présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ; 3° Si la demande présente un caractère financier (...) ".

3. En l'espèce, la société Anjou Bâtiment a adressé à l'OPH Angers Loire Habitat, établissement public, une lettre du 16 mars 2022, reçue le 21 mars 2022 comme en justifient le courrier et l'attestation de La Poste produits par la requérante, et en l'absence de réponse une décision implicite de rejet de sa réclamation est donc née le 21 mai 2022. Par suite, la société Anjou Bâtiment est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande comme irrecevable pour défaut de liaison du contentieux.

4. L'OPH Angers Loire Habitat soutient également que la demande de première instance n'était pas recevable dès lors qu'il a transmis le décompte de résiliation du marché à la société le 10 mai 2022, que celle-ci n'a pas ensuite présenté de mémoire de réclamation en application de l'article 50.1.1. du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, selon lesquelles : " (...) Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif. ", et qu'en conséquence le décompte de liquidation transmis le 10 mai 2022 serait devenu définitif.

5. Toutefois ces stipulations du CCAG travaux, applicables lorsque le marché a été régulièrement résilié, ne font pas obstacle à ce que, sous réserve que le contentieux soit lié, le cocontractant dont le marché a été résilié à ses frais et risques saisisse le juge du contrat afin de faire constater l'irrégularité ou le caractère infondé de cette résiliation et demander, de ce fait, le règlement des sommes qui lui sont dues, sans attendre le règlement définitif du nouveau marché. La circonstance qu'un décompte général tenant compte du règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux soit notifié par l'administration avant que le juge statue sur le litige qui lui a été soumis par l'entreprise dont le marché a été résilié ne prive pas ce litige de son objet. Ce décompte général ne peut acquérir un caractère définitif et faire obstacle à ce qu'il soit statué sur les conclusions du cocontractant dont le marché a été résilié dès lors que le juge du contrat est précisément saisi d'une demande contestant la régularité ou le bien-fondé de la résiliation et tendant au règlement des sommes dues.

6. Les fins de non-recevoir opposées par Angers Loire Habitat à la demande de première instance devant ainsi être écartées, le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 avril 2023 est irrégulier et doit, pour ce motif, être annulé.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Anjou Bâtiment devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur les conclusions indemnitaires de la société Anjou Bâtiment :

8. Aux termes de l'article 46.3.1. du CCAG travaux, d'une part, " Le représentant du pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : / (...) c) Le titulaire, dans les conditions prévues à l'article 48, ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels, après que le manquement a fait l'objet d'une constatation contradictoire et d'un avis du maître d'œuvre, et si le titulaire n'a pas été autorisé par ordre de service à reprendre l'exécution des travaux ; dans ce cas, la résiliation du marché décidée peut être soit simple, soit aux frais et risques du titulaire et, dans ce dernier cas, les dispositions des articles 48.4 à 48.7 s'appliquent / (...) Par ailleurs, même si le marché ne contient aucune clause à cet effet et, s'il contient de telles clauses, quelles que soient les hypothèses dans lesquelles elle prévoient qu'une résiliation aux torts exclusifs du titulaire est possible, il est toujours possible, pour le pouvoir adjudicateur, de prononcer une telle résiliation lorsque le titulaire du marché a commis une faute d'une gravité suffisante. ". D'autre part, même si le marché ne contient aucune clause à cet effet et, s'il contient de telles clauses, quelles que soient les hypothèses dans lesquelles elles prévoient qu'une résiliation aux torts exclusifs du titulaire est possible, il est toujours possible, pour le pouvoir adjudicateur, de prononcer une telle résiliation lorsque le titulaire du marché a commis une faute d'une gravité suffisante. Enfin, aux termes de l'article 48 du CCAG Travaux : " 48.1. A l'exception des cas prévus aux articles 15.2.2, 15.4 et 47.2, lorsque le titulaire ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, le représentant du pouvoir adjudicateur le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit. / Ce délai, sauf pour les marchés intéressant la défense ou en cas d'urgence, n'est pas inférieur à quinze jours à compter de la date de notification de la mise en demeure. / 48.2. Si le titulaire n'a pas déféré à la mise en demeure, la poursuite des travaux peut être ordonnée, à ses frais et risques, ou la résiliation du marché peut être décidée. (...) ".

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. A..., signataire de la lettre portant résiliation, a été nommé directeur général par intérim de l'office Angers Loire Habitat à compter du 1er janvier 2020, en raison du départ à la retraite du précédent directeur général, par une délibération du conseil d'administration de l'OPH du 22 octobre 2019 et qu'à ce titre il avait qualité pour prendre la décision de résiliation contestée. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que les griefs formulés à l'encontre de la société Anjou Bâtiment ont fait l'objet d'une constatation pour laquelle elle a été mise à même de présenter ses observations, notamment à l'occasion de la convocation de l'entreprise à une réunion contradictoire sur ses divers manquements le 21 octobre 2019, et contrairement à ce que prétend la requérante, elle a bien bénéficié d'un délai minimum de 15 jours pour remédier à ses manquements puisqu'il est constant qu'elle a reçu le 11 février 2020 la mise en demeure du 7 février 2020 et que la décision de résiliation est intervenue le 27 février suivant, à l'issue d'un délai de 16 jours dont la société Anjou Bâtiment n'établit pas qu'il aurait été insuffisant. La décision de résiliation contestée n'est ainsi, en tout état de cause, entachée d'aucun des vices de forme ou de procédure allégués.

10. En second lieu, il résulte de l'instruction, notamment des écritures d'Angers Loire Habitat et de l'annexe à son courrier du 7 février 2020 que la résiliation du marché aux frais et risques du titulaire est motivée par de nombreux manquements et carences reprochés à la société Anjou Bâtiment dans l'exécution de ses obligations contractuelles, malgré des relances et mises en demeure.

En ce qui concerne l'organisation défaillante du chantier :

11. Il résulte de l'instruction, notamment du compte-rendu du 8 juillet 2019, annexé au courrier de mise en demeure du 9 juillet 2019 et de l'annexe au courrier d'Angers Loire Habitat du 7 février 2020, que le coordinateur sécurité et de protection de la santé (SPS) et le maître d'œuvre ont demandé à plusieurs reprises à la société Anjou Bâtiment de remédier à un certain nombre de désordres dans l'organisation du chantier portant en particulier sur l'évacuation des déchets et matériaux inutiles, la remise en place et en état de clôtures, l'empierrement d'accès et périphériques aux pavillons, depuis les bâtiments et dans les zones de croisement, la création d'une zone de stockage et le panneau de chantier à remplacer à la suite de dégradations. La lettre du

9 juillet 2019 fait également part de " remarques récurrentes du coordonnateur SPS sur la sécurité du chantier ". Par ailleurs, par un courrier du 19 septembre 2019 le maître d'œuvre stigmatise le " manque de professionnalisme " de l'entreprise et le fait que ses préposés ne respectent pas les plans d'exécution " ... ce qui provoque depuis le début du chantier trop d'anomalies : - Tous les ferraillages sont contestés par le bureau de contrôle, - le coulage des bétons n'est pas conforme sur certains pavillons, - les sommiers pour le charpentier ne sont pas réalisés, - la dalle haute du logement n° 5 ilot B31 n'est pas réalisée malgré plusieurs relances,... ", d'où le constat général " de grandes difficultés à gérer et réaliser vos travaux sur cette opération " et une mise en demeure " de remédier de toute urgence, à l'ensemble de ces dysfonctionnements et de mettre en place toutes solutions nécessaires afin de retrouver un fonctionnement de chantier satisfaisant ".

12. La société Anjou Bâtiment, en se bornant à soutenir qu'elle a mené parfaitement le chantier mais que le maître d'œuvre n'a pas mis fin à des désordres dus à des tiers qu'elle a eu à subir ne conteste pas sérieusement ces éléments mettant en cause ses manquements dans de nombreux aspects de la gestion du chantier. Ces insuffisances répétées et manifestes de l'entreprise dans l'organisation des travaux et prestations lui incombant doivent être regardées comme fautives.

En ce qui concerne les fondations séparées par un joint de dilatation :

13. Il est constant que les fondations de six pavillons de l'îlot B3 ont été séparées par un joint de dilatation, alors que les plans d'exécution prévoyaient une semelle commune, sans accord ou consultation du maître d'œuvre et du contrôleur technique. Si la société Anjou Bâtiment soutient que la solution technique qu'elle a mise en œuvre est conforme à l'article 13.1 du document technique unifié (DTU) sur les fondations superficielles, auquel se réfère le cahier des clauses techniques particulières du marché, et a été validé par son bureau d'étude béton, ce document qui indique que " Les joints de dilatation coupant les fondations sont de préférence évités " ne fait sur ce point que des préconisations qui n'impliquaient pas de ne pas respecter les plans d'exécution du marché. En outre, le bureau d'étude béton de la société Anjou Bâtiment n'a fait que présenter cette solution comme n'entraînant pas de problème structurel et comme la plus simple dans le cas où le maître d'ouvrage est le même, alors que l'intention de l'OPH de distinguer les différents pavillons par la suite, sans mitoyenneté avec une séparation complète des bâtiments, nécessitait de le consulter sur sa mise en œuvre.

14. Il en résulte donc que la société Anjou Bâtiment n'a pas respecté les plans d'exécution du marché, sans motif impérieux et sans accord ou consultation du maître d'œuvre et du contrôleur technique. Elle a ainsi commis une faute caractérisée dans l'exécution du marché.

En ce qui concerne la non-conformité des blocs béton creux :

15. Angers Loire Habitat soutient que, sur le chantier de six pavillons de l'îlot B3, les parpaings de fondation en semi-plein prévus sur les documents d'exécution ont été posés en parpaing creux.

16. La société Anjou Bâtiment le conteste en se bornant à soutenir qu'elle a fourni et posé des parpaings de résistance B80, qui seraient forcément des blocs semi-pleins. Toutefois elle ne contredit pas l'argumentation très précise d'Angers Loire Habitat selon laquelle il existe des blocs béton creux avec une résistance mécanique B80 et que la différence entre un bloc creux et un bloc semi-plein est identifiable par leur forme et non pas leur résistance mécanique. Elle ne conteste pas non plus ne pas avoir interrogé ou informé le maître d'œuvre ou le contrôleur technique au sujet du changement des blocs utilisés.

17. Il résulte donc de l'instruction que, sur ce point également, la société Anjou Bâtiment n'a pas respecté les documents d'exécution du marché, sans motif impérieux et sans accord ou consultation du maître d'œuvre et du contrôleur technique. Elle a ainsi commis une faute caractérisée dans l'exécution du marché.

En ce qui concerne la non-conformité des blocs de béton posés couchés :

18. Il est constant que sur le chantier des six pavillons de l'îlot B3, un rang de parpaings a été posé en semi-pleins, mais qu'il a été couché contrairement aux règles de l'art et aux DTU.

19. La société Anjou Bâtiment soutient qu'elle a proposé de remplacer les blocs de béton semi pleins par des parpaings agglomérés entièrement pleins, un procédé validé par le contrôleur technique le 14 février 2020, mais que cette solution n'a pas été retenue par le maître d'œuvre et le maître d'ouvrage.

20. Toutefois l'avis du contrôleur technique indique seulement : " pas d'observation de notre part par rapport à la problématique du chantier. Toutefois, nous rappelons que cette disposition ne correspond pas à l'emploi habituel du produit. Cet avis ne vaut pas accord de principe. ". En outre, la société Anjou Bâtiment ne conteste pas qu'elle a substitué les blocs en cause après que le maître d'œuvre lui a demandé de suspendre l'exécution du chantier sur ce point, sans l'en aviser, et n'avoir demandé l'avis du contrôleur technique qu'après y avoir procédé.

21. Il en résulte donc que la société Anjou Bâtiment n'a pas respecté les règles de l'art et les DTU en posant ces blocs de béton en position couchée et les a remplacés par une solution technique qui n'avait pas été validée par le maître d'œuvre, commettant ainsi une nouvelle faute dans l'exécution du marché.

En ce qui concerne la non-conformité des planchers bois :

22. Angers Loire Habitat soutient que la société Anjou Bâtiment n'a pas tenu compte des modifications du dossier du marché et a mis en œuvre des poutres béton qui n'étaient pas nécessaires et qui ont dû être démontées.

23. Anjou Bâtiment en se bornant à soutenir que les plans ont été communiqués en retard puis modifiés ne conteste donc pas utilement le bien-fondé de la modification demandée et le fait qu'elle n'a pas correctement mis en œuvre les plans du marché. Ce comportement caractérise également un manquement à ses obligations contractuelles.

En ce qui concerne les autres manquements invoqués :

24. Angers Loire Habitat soutient sans être contesté que, en premier lieu, malgré une surveillance renforcée, il reste un pavillon pour lequel la société Anjou Bâtiment n'a jamais levé la remarque du contrôleur technique sur le ferraillage du plancher bas du lot 5 de l'îlot B31, en deuxième lieu, les sommiers sur l'îlot B30 ont été mal positionnés, le béton n'a pas été réalisé dans les règles de l'art si bien qu'il est friable, ce qui a empêché le charpentier d'y faire des fixations et la société Anjou Bâtiment n'a pas procédé aux tests demandés par le maître d'œuvre sur ce sujet, en troisième lieu, à plusieurs endroits sur des poteaux ou en sous-face de plancher des aciers sont apparents alors que le DTU impose un enrobage minimum, si bien que des reprises ont été nécessaires, en quatrième lieu, le maçon de la société Anjou Bâtiment n'a pas fait au bon endroit une réservation pour passer une chute d'eau, ce qui a nécessité un rebouchage.

25. En l'absence d'explications de sa part et au regard des échanges de courriers et comptes-rendus produits au dossier, il résulte ainsi de l'instruction que la société Anjou Bâtiment doit être regardée comme ayant commis les manquements énumérés ci-dessus dans l'exécution de ses obligations contractuelles.

26. Il résulte des points 11 à 25 que le nombre et la gravité des fautes d'exécution et carences commises par la société Anjou Bâtiment justifiaient qu'Angers Loire Habitat prononce la résiliation à ses torts exclusifs et à ses frais et risques du marché. Par suite, la société Anjou Bâtiment n'est pas fondée à demander l'indemnisation des préjudices qu'elle allègue avoir subi en raison de cette résiliation.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'Angers Loire Habitat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société Anjou Bâtiment la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Anjou Bâtiment une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Angers Loire Habitat et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 19 avril 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la société Anjou Bâtiment devant la cour et sa demande devant le tribunal administratif de Nantes sont rejetés.

Article 3 : La société Anjou Bâtiment versera une somme de 1 500 euros à Angers Loire Habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Anjou Bâtiment et à l'office public de l'habitat (OPH) Angers Loire Habitat.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01797


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01797
Date de la décision : 29/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : LEX PUBLICA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-29;23nt01797 ?
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