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26/11/2024 | FRANCE | N°24NT00905

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 26 novembre 2024, 24NT00905


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 mars 2022 par laquelle le préfet de la Vendée a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'arrêté du 29 mars 2023 par lequel le même préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourra être reconduit d'office.



Par un jugement n° 220

5229 et 2305736 du 18 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.



Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 mars 2022 par laquelle le préfet de la Vendée a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'arrêté du 29 mars 2023 par lequel le même préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2205229 et 2305736 du 18 octobre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 mars 2024, M. B..., représenté par Me Guilbaud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions et arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vendée, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer dans l'attente une autorisation de séjour dans un délai de huit jours suivant la même notification ou de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour du 24 mars 2022 :

- la décision est entachée d'un défaut d'examen ; le préfet a considéré à tort qu'il ne pouvait pas présenter une demande d'admission exceptionnelle au séjour dès lors qu'il était déjà en situation régulière sur le territoire français ;

S'agissant de la décision portant refus de séjour du 27 mars 2023 :

- la décision est insuffisamment motivée en fait ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code e l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire du 27 mars 2023 :

- la décision doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision d'éloignement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination du 27 mars 2023 :

- la décision doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 août 2024, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain, né le 8 avril 1989, est entré en France le 16 juin 2019, sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de travailleur saisonnier valable du 11 juin 2019 au 9 septembre 2019 puis a bénéficié d'un titre de séjour pluriannuel en qualité de travailleur saisonnier valable au 23 août 2019 au 22 août 2022. Le 2 mars 2022, il a sollicité un changement de statut et a demandé à bénéficier d'un titre de séjour portant la mention " salarié " en invoquant les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le 24 mars 2022, le préfet de la Vendée a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant une telle mention. Le 23 août 2022, M. B... a déposé une nouvelle demande de titre de séjour sur le même fondement. Par un arrêté du 27 mars 2023 portant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination, le préfet a rejeté sa demande. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 mars 2022 et l'arrêté du 27 mars 2023. Par un jugement du 2 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de la décision du 24 mars 2022 :

2. Aux termes de l'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... ". L'accord franco-marocain renvoie ainsi, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en œuvre.

3. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : / 1° Un visa de long séjour ; / 2° Un visa de long séjour conférant à son titulaire, en application du second alinéa de l'article L. 312-2, les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 ou L. 421-13 à L. 421-24, ou aux articles L. 421-26 et L. 421-28 lorsque le séjour envisagé sur ce fondement est d'une durée inférieure ou égale à un an (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".

5. D'une part, Les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne font d'ailleurs et en tout état de cause nullement obstacle à l'exercice par le préfet du pouvoir discrétionnaire qui lui permet de régulariser la situation d'un étranger compte tenu de l'ensemble des éléments caractérisant sa situation personnelle, peuvent être invoquées, à l'appui d'une demande de renouvellement de titre de séjour, par un étranger pour le cas où il ne remplirait pas les conditions de renouvellement de ce titre. La circonstance que le demandeur soit encore en situation régulière ne fait pas obstacle à ce qu'il sollicite son admission au séjour au titre de l'article L. 435-1.

6. D'autre part, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour pour l'exercice d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour sur ce fondement ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national en qualité de salarié, ce point étant déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié

7. En l'espèce, compte tenu de ce qui précède aux points 5 et 6, le préfet de la Vendée ne pouvait opposer à M. B... le motif tiré de ce qu'il se trouvait en situation irrégulière sur le territoire français dès lors qu'il est constant que l'intéressé était en situation régulière à la date de l'arrêté attaqué.

8. Cependant, il résulte de l'instruction du dossier que le préfet de la Vendée a également retenu dans la décision attaquée le motif pris de ce qu'en raison de la nature du titre de séjour délivré sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartenait à M. B... de regagner le Maroc afin de solliciter une introduction par le travail sur le territoire français dans les conditions de droit commun. Si la première délivrance d'une carte de séjour temporaire est, en principe, sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par la loi subordonnée à la production par l'étranger d'un visa d'une durée supérieure à trois mois, il en va différemment pour l'étranger déjà admis à séjourner en France et qui sollicite le renouvellement, même sur un autre fondement, de la carte de séjour temporaire dont il est titulaire. Toutefois, l'étranger admis à séjourner en France pour l'exercice d'un emploi à caractère saisonnier en application des dispositions de l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, est titulaire à ce titre non pas d'une carte de séjour temporaire mais de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier ", lui donnant le droit de séjourner et de travailler en France pendant la ou les périodes qu'elle fixe et qui ne peut dépasser une durée cumulée de six mois par an, et lui imposant ainsi de regagner, entre ces séjours, son pays d'origine où il s'engage à maintenir sa résidence habituelle. Dans ces conditions, sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée d'un an doit être regardée comme portant sur la délivrance d'une première carte de séjour temporaire. La délivrance de cette carte est en conséquence subordonnée à la production d'un visa d'entrée de long séjour. En l'espèce, le préfet était fondé à refuser la délivrance du titre de séjour demandé en estimant qu'il appartient à M. B... de regagner préalablement le Maroc afin de solliciter une entrée par le travail sur le territoire français dans les conditions de droit commun.

Sur la légalité de l'arrêté du 27 mars 2023 :

En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

9. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de refus de séjour, qui est repris en appel par le requérant sans apporter des éléments nouveaux en fait et en droit.

10. En deuxième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du 28 novembre 2012 que le ministre de l'intérieur a adressé aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation et qui ne sont pas utilement invocables à l'appui d'un recours dirigé contre une décision portant refus de titre de séjour. En outre, si M B... se prévaut d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée en qualité d'employé polyvalent dans une pizzeria, régulièrement renouvelée durant plus d'une année, faisant suite à une embauche en cette qualité durant une période de six mois, ces éléments ne sont pas de nature à établir que le préfet de la Vendée aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation en refusant de lui délivrer un titre de séjour.

11. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

12. Si M. B... se prévaut de son insertion sociale, des liens qu'il a pu créer en France et de la relation sentimentale qu'il a entamée avec une ressortissante française, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Vendée aurait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale alors que ses attaches familiales se situent principalement au Maroc, où résident à la date de l'arrêté contesté son épouse, son enfant et ses parents. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.

14. En second lieu, M B..., pour établir l'atteinte disproportionnée au droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, fait valoir que cette décision présente des conséquences excessives sur sa situation professionnelle dès lors qu'il ne pourrait pas être embauché malgré ses nombreuses démarches et sur sa situation personnelle. Toutefois, pour les mêmes motifs exposés au point 12, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

15. Les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président

J.E. GEFFRAY

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°24NT0090502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00905
Date de la décision : 26/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : GUILBAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-26;24nt00905 ?
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