Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une demande, enregistrée sous le n°2208435, M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 28 avril 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 6 janvier 2022 des autorités consulaires françaises à Conakry refusant de délivrer à la jeune F... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.
Par une demande, enregistrée sous le n°2208536, M. A... et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 28 avril 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 6 janvier 2022 des autorités consulaires refusant de délivrer à Mme D... un visa d'entrée et de long séjour au même titre.
Par un jugement nos 2208435 et 2208536 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 23NT01785, les 12 juin 2023, 19 juillet 2024 et 20 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Guillerot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 mars 2023 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite née le 28 avril 2022 par laquelle la commission de recours a rejeté son recours formé contre le refus de visa opposé à Mme D... ;
2°) d'annuler cette décision implicite de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme D... le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- c'est à tort que la commission de recours a estimé que les actes d'état civil produits étaient inauthentiques ;
- la décision contestée méconnaît l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa relation avec Mme D... était suffisamment ancienne et stable à la date de sa demande d'asile ;
- elle méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
II. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 23NT01786, les 12 juin 2023, 19 juillet 2024 et 20 septembre 2024 (non communiqué), M. A..., représenté par Me Guillerot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 mars 2023 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite née le 28 avril 2022 par laquelle la commission de recours a rejeté son recours formé contre le refus de visa opposé à l'enfant F... ;
2°) d'annuler cette décision implicite de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à l'enfant F... le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- c'est à tort que la commission de recours a estimé que les actes d'état civil produits étaient inauthentiques ;
- la décision contestée méconnaît l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa relation avec Mme D... était suffisamment ancienne et stable à la date de sa demande d'asile ;
- elle méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dias,
- et les observations de Me Guillerot, représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté, d'une part, la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision implicite née le 28 avril 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 6 janvier 2022 des autorités consulaires françaises à Conakry rejetant la demande de visa de long séjour présentée pour l'enfant F..., au titre de la réunification familiale, d'autre part, la demande de M. A... et de Mme D... tendant à l'annulation de la décision implicite née le 28 avril 2022 par laquelle cette commission a rejeté le recours formé contre la décision du 6 janvier 2022 des autorités consulaires françaises à Conakry rejetant la demande de visa de long séjour présentée par Mme D..., au même titre. Par sa requête n°23NT01785, M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision de la commission rejetant son recours dirigé contre le refus de visa opposé à Mme D.... Par la requête n°23NT01786, il relève appel du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision de la commission rejetant son recours dirigé contre le refus de visa opposé à l'enfant F....
2. Les requêtes de M. A... sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire (...) ".
4. Aux termes de l'article L.811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
6. Les accusés de réception des recours formés devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, opposées respectivement à Mme D... et à l'enfant F..., indiquent qu'en l'absence d'une réponse expresse de la commission dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du recours,
celui-ci est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision consulaire. La décision consulaire refusant de délivrer un visa à Mme D... comporte une case cochée portant la mention suivante : " Les documents d'état civil présentés présentent les caractéristiques d'un document frauduleux " et celle opposée à l'enfant F..., une autre case comportant la mention " Vos déclarations conduisent à conclure à une tentative frauduleuse pour obtenir un visa au titre de la réunification familiale ".
7. Le ministre de l'intérieur, sur lequel repose la charge d'établir que l'acte de Mme D... en cause est irrégulier, falsifié ou inexact n'a apporté aucun élément de nature à l'établir. Le ministre de l'intérieur ne démontre pas davantage le caractère frauduleux de la demande de visa déposée pour l'enfant F.... Par suite, c'est par une inexacte application des dispositions précitées que la commission de recours s'est fondée sur les motifs énoncés au point 6 pour rejeter les recours formés contre les refus de visas litigieux.
8. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
9. Pour établir que les décisions contestées sont légales, le ministre de l'intérieur invoque, dans ses mémoires en défense communiqués en première instance à M. A..., un autre motif, tiré de ce que l'ancienneté et la stabilité de la relation de concubinage entre Mme D... et ce dernier ne sont pas établies.
10. Il n'est pas contesté qu'au moment du dépôt de sa demande d'asile, M. A... a déclaré que Mme D... était sa concubine et la mère de leur enfant F..., née le 25 décembre 2012. Pour justifier de l'ancienneté et de la stabilité de cette relation, M. A... a produit, d'une part, une attestation de mariage religieux avec Mme D..., établie le 23 octobre 2005 par le président du quartier de Gbanakoly (Guinée), d'autre part, un jugement supplétif d'acte de naissance de cet enfant, rendu le 9 août 2019, par le tribunal de première instance de Conakry III - Mafanco. Ces documents, dont l'authenticité n'est pas contestée par le ministre de l'intérieur, établissent, d'une part, que l'enfant Sogbe est la fille de M. A... et de Mme D... et, d'autre part, qu'à la date de la demande d'asile de M. A..., sa vie commune avec cette dernière était suffisamment stable et continue. Par suite, en estimant que le caractère stable et continu de cette relation maritale n'était pas établi et en refusant, pour ce motif, de délivrer à Mme D... et à l'enfant Sogbe des visas de long séjour, la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que des visas de long séjour soient délivrés à Mme D... et à l'enfant F.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E:
Article 1er : Le jugement du 24 mars 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : Les décisions implicites nées le 28 avril 2022, par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté les recours formés contre les décisions du 6 janvier 2022 des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à Mme D... et à l'enfant F... des visas d'entrée et de long séjour au titre de la procédure de réunification familiale, sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme D... et à l'enfant F... des visas d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à Mme G... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Montes-Derouet, présidente,
- M. Dias, premier conseiller,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2024.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
I. MONTES-DEROUETLa greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01785, 23NT01786