Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme Q... E... F..., agissant en son nom et en qualité de représentante légale de son fils mineur, M... C... H..., Mme L... C... H... et M. A... C... H... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 19 mars 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 10 décembre 2021 des autorités consulaires françaises à Kampala (Ouganda) refusant de délivrer au jeune M... C... H..., à Mme L... C... H... et à M. A... C... H... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.
Par un jugement n° 2206574 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 avril 2023, Mme Q... E... F..., agissant en son nom et en qualité de représentante légale de son fils mineur, M... C... H..., Mme L... C... H... et M. A... C... H..., représentés par Me Grenier, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 février 2023 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite née le 19 mars 2022 de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer au jeune M... C... H..., à Mme L... C... H... et à M. A... C... H..., les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme E... F... et autres soutiennent que :
- le regroupement familial partiel est justifié ; M. P... E... H... est incarcéré ; deux de leurs enfants sont bloqués à Dac, sur le sol somalien ;
- M. A... était éligible à la procédure de réunification ; il était âgé de moins de 19 ans lorsqu'il a accompli ses premières démarches auprès des autorités consulaires françaises ;
- l'identité des demandeurs et les liens de filiation qui les unissent à Mme Q... E... F... sont établis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... F... et autres ne sont pas fondés.
Mme E... F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dias,
- et les observations de Me Régent, substituant Me Grenier, représentant Mme E... F... et autres.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 10 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme E... F..., agissant en son nom et en qualité de représentante légale de son fils mineur, M... C... H..., de Mme L... C... H... et de M. A... C... H... tendant à l'annulation de la décision implicite née le 19 mars 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 10 décembre 2021 des autorités consulaires françaises à Kampala (Ouganda) refusant de délivrer au jeune M... C... H..., à Mme L... C... H... et à M. A... C... H... des visas d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale. Mme E... F... et autres relèvent appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'accusé de réception du recours formé par Mme E... F... devant la commission de recours à l'encontre des refus de visas opposés au jeune M... C... H..., à M. A... C... H... et à Mme L... C... H... indique qu'en l'absence d'une réponse expresse de la commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du recours, celui-ci est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision consulaire. Les décisions du 10 décembre 2021 par lesquelles les autorités consulaires françaises à Conakry ont refusé de délivrer un visa de long séjour aux intéressés comportent chacune la même case cochée portant la mention suivante : " Votre demande de visa a été déposée dans le cadre d'une réunification familiale partielle qui porte atteinte à l'intérêt des enfants de la personne placée sous la protection de l'OFPRA ou de son conjoint ". La décision concernant M. A... C... H... comporte en outre une autre case cochée portant la mention suivante " Vous étiez âgé de plus de 18 ans le jour où vous avez déposé votre demande de visa ".
3. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 561-4 du même code : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables (...) ". Aux termes de l'article L. 434-1 de ce code : " Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 434-2 à L. 434-4. Un regroupement partiel peut toutefois être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la réunification familiale doit concerner, en principe, l'ensemble de la famille du ressortissant étranger qui demande à en bénéficier et qu'une réunification familiale partielle ne peut être autorisée à titre dérogatoire que si l'intérêt des enfants le justifie. L'intérêt des enfants doit s'apprécier au regard de l'ensemble des enfants mineurs du couple, qu'ils soient ou non concernés par la demande de regroupement. C'est au ressortissant étranger qu'il incombe d'établir que sa demande de réunification familiale partielle est faite dans l'intérêt des enfants.
5. Il est constant qu'alors que Mme E... F... a déclaré, dans le cadre de sa demande d'asile, être mariée avec M. O... C... H..., père de ses cinq enfants, dont les jeunes B... et D... C... H..., nés respectivement en 2005 et 2006, aucune demande de visa n'a été présentée pour ces derniers, ni pour leur père, M. C... H.... Pour expliquer le caractère partiel de la réunification familiale, Mme E... F... a indiqué, dans un courrier adressé le 6 septembre 2021 au bureau des familles de réfugiés (BFR), que ses deux enfants étaient " bloqués " dans la région de Dac, en Somalie et que son époux y était incarcéré. Mme E... F... et autres soutiennent en effet que lors d'un voyage entrepris dans cette région, en 2019, pour rendre visite à sa mère, en compagnie des jeunes B... et D..., son époux a été enlevé par la milice Al-Shabaab, puis incarcéré et que, depuis lors, elle n'a plus de contact ni avec ce dernier, ni avec leurs deux enfants qui l'accompagnaient. A l'appui de ses allégations, Mme E... F... a produit une attestation du 28 juin 2022, par laquelle la division des enquêtes criminelles des forces de Somalie indique avoir été informée de l'enlèvement des intéressés en 2019. Toutefois, compte tenu de la date à laquelle elle a été établie et des mentions peu circonstanciées qu'elle comporte, cette attestation est dépourvue de caractère probant. Par ailleurs, si Mme E... F... s'est vue accorder le bénéfice de la protection subsidiaire, en raison de la situation de conflit généralisé existant dans sa région d'origine, la Cour nationale du droit d'asile a expressément relevé, dans la décision accordant à la requérante cette protection, que les propos de cette dernière concernant " ses démêlés avec la milice Al-Shabaab pendant plus de trois ans " s'étaient avérés sommaires et peu convaincants. En l'absence d'élément probant de nature à étayer le récit de Mme E... F... et autres quant à l'incarcération de M. C... H... et à la situation des enfants B... et D..., il ne ressort pas des pièces du dossier que la réunification familiale partielle a été faite dans l'intérêt des enfants mineurs de cette dernière, et notamment des jeunes B... et D..., demeurés en Somalie. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées que, pour ce motif, la commission a rejeté le recours formé contre les refus de visas opposés au jeune M... C... H..., à Mme L... C... H... et à M. A... C... H.... Il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision concernant M. A... C... H... si elle s'était fondée sur ce seul motif.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... F... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme E... F... et autres n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par ces derniers doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par le conseil de Mme E... F... et autres au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... F... et autres est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme K..., à Mme I... H..., à M. J... H... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Montes-Derouet, présidente,
- M. Dias, premier conseiller,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2024.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
I. MONTES-DEROUETLa greffière,
M. LE REOUR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01017