Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération du 5 avril 2019 par laquelle le conseil métropolitain de Nantes Métropole a approuvé le plan local d'urbanisme métropolitain de Nantes Métropole ou, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle institue un emplacement réservé n° 6-13.
Par un jugement n° 1906124 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er décembre 2022, 27 mars 2023 et 19 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Plateaux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la délibération du conseil métropolitain du 5 avril 2019 en tant qu'elle institue un emplacement réservé n° 6-13 ;
3°) d'enjoindre au président de Nantes Métropole de mettre à l'ordre du jour du conseil métropolitain, dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, la question de la modification du plan local d'urbanisme en ce qui concerne l'identification d'un emplacement réservé n° 6-13 ;
4°) de mettre à la charge de Nantes Métropole le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'emplacement réservé n° 6-13 est illégal dès lors que le périmètre identifié est déjà affecté à l'usage pour lequel il est réservé ; cette affectation est garantie par une servitude légale ;
- l'institution de cet emplacement réservé est entachée d'un détournement de procédure ;
- la commune de Nantes n'a pas l'intention de réaliser le projet d'aménagement en vue duquel est institué cet emplacement réservé, ainsi que le démontrent la durée excessive de la réservation et la délivrance d'un permis de construire incompatible avec la réalisation de cet aménagement ;
- l'institution de cet emplacement réservé est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle viole son droit au respect de ses biens, garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2023, Nantes Métropole, représentée par Me Vic, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le protocole additionnel n° 1 à cette convention ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mas,
- les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public,
- et les observations de Me Plateaux, représentant M. B..., et de Me Vic, représentant Nantes Métropole.
Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 6 novembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 5 avril 2019, le conseil métropolitain de Nantes Métropole a approuvé le plan local d'urbanisme métropolitain, couvrant l'ensemble du territoire communautaire, lequel institue dans son règlement graphique, au profit de la commune de Nantes, un emplacement réservé n° 6-13 couvrant, sur une superficie de près de 8 000 m², tout ou partie des parcelles cadastrées à la section NY sous les n°s 563, 621 et 620, en vue de l'aménagement, assorti d'une végétalisation et d'une requalification paysagère, d'un cheminement piétonnier existant et de la création d'un espace vert en bordure de l'Erdre. M. B..., qui est propriétaire de la parcelle cadastrée à la section NY sous le n° 620, relève appel du jugement du 4 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de la délibération du conseil métropolitain de Nantes Métropole du 5 avril 2019 et, à titre subsidiaire, à l'annulation de cette délibération en tant qu'elle a institué l'emplacement réservé n° 6-13.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, d'une part, l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme dispose : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : / (...) 1° Des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics dont il précise la localisation et les caractéristiques ; / (...) 3° Des emplacements réservés aux espaces verts à créer ou à modifier ou aux espaces nécessaires aux continuités écologiques (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les propriétaires riverains d'un cours d'eau ou d'un lac domanial ne peuvent planter d'arbres ni se clore par haies ou autrement qu'à une distance de 3,25 mètres. Leurs propriétés sont grevées sur chaque rive de cette dernière servitude de 3,25 mètres, dite servitude de marchepied. / Tout propriétaire, locataire, fermier ou titulaire d'un droit réel, riverain d'un cours d'eau ou d'un lac domanial est tenu de laisser les terrains grevés de cette servitude de marchepied à l'usage du gestionnaire de ce cours d'eau ou de ce lac, des pêcheurs et des piétons. / (...) Les propriétaires riverains des cours d'eau domaniaux sont tenus, dans l'intérêt du service de la navigation et partout où il existe un chemin de halage ou d'exploitation, de laisser le long des bords desdits cours d'eau domaniaux, ainsi que sur les îles où il en est besoin, un espace de 7,80 mètres de largeur. La servitude dont est ainsi grevée leur propriété est dite servitude de halage. / Ils ne peuvent planter d'arbres ni se clore par haies ou autrement qu'à une distance de 9,75 mètres sur les bords où il existe un chemin de halage ou d'exploitation. / Le long des canaux de navigation, les pêcheurs et les piétons peuvent user du chemin de halage et de la portion de berge faisant partie du domaine public, dans la mesure où le permet l'exploitation de la navigation. ".
4. Aucune disposition ne fait obstacle à ce que les auteurs d'un document d'urbanisme instituent un emplacement réservé pour fixer une destination qui correspond déjà à l'usage actuel du terrain concerné, le propriétaire restant libre de l'utilisation de son terrain sous réserve qu'elle n'ait pas pour effet de rendre ce dernier incompatible avec la destination prévue par la réservation. Il ressort des pièces du dossier que l'emplacement réservé n° 6-13 contesté a pour objet la réalisation d'un projet consistant, d'une part, en l'aménagement d'un chemin piétonnier existant le long de l'Erdre et de ses accès et, d'autre part, en la création d'un espace vert. La réalisation de cet espace vert doit prendre place sur une emprise, empiétant notamment sur la parcelle cadastrée à la section NY sous le n° 620 appartenant à M. B..., qui n'est pas affectée à une destination d'espace vert et dont il ne ressort pas des pièces du dossier que, distante de près de 20 m des rives de l'Erdre, elle serait grevée par l'une des servitudes de marchepied ou de halage mentionnées à l'article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques. Le moyen tiré de ce que le plan local d'urbanisme métropolitain ne pouvait légalement instituer un emplacement réservé dédié à une destination identique à celle qui serait garantie par une servitude légale grevant d'ores et déjà les mêmes terrains ne peut, dès lors, qu'être écarté comme manquant en fait.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2131-6 du code général de la propriété des personnes publiques : " Dans le cas où l'autorité administrative compétente juge que la servitude de halage est insuffisante et veut établir, le long du cours d'eau, un chemin dans des conditions constantes de viabilité, elle doit, à défaut de consentement exprès des riverains, acquérir le terrain nécessaire à l'établissement du chemin en se conformant aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. ". L'emplacement réservé n° 6-13, qui grève des terrains dont la majeure partie n'est pas, au demeurant, située dans le périmètre d'une des servitudes mentionnées à l'article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques, n'a pas seulement pour objet d'assurer la viabilité du chemin existant le long de l'Erdre, mais tend également à la création d'un espace vert. L'aménagement ainsi projeté par la commune de Nantes n'entre dès lors pas dans le champ des dispositions précitées de l'article L. 2131-6 du code général de la propriété des personnes publiques. Le moyen tiré de ce que l'institution de l'emplacement réservé litigieux pour réaliser cet espace vert serait entaché d'un détournement de procédure visant à soustraire la commune à l'obligation de recourir à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique mentionnée à cet article ne peut, par suite, qu'être écarté.
6. En troisième lieu, l'intention d'une commune de réaliser un aménagement sur une parcelle suffit à justifier légalement son classement en tant qu'emplacement réservé, en application de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme, sans qu'il soit besoin pour la commune de faire état d'un projet précisément défini. Toutefois, le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur le caractère réel de l'intention de la commune.
7. D'une part, la circonstance que l'emplacement réservé concerne un cheminement piétonnier qui existe depuis plusieurs décennies le long de l'Erdre ne saurait suffire à révéler l'absence d'intention de la commune de Nantes de réaliser un projet d'aménagement, lequel tend, notamment, à la végétalisation et à la requalification paysagère de ce cheminement. D'autre part, si le plan d'occupation des sols adopté par la commune de Nantes en 1993 comportait déjà un emplacement réservé n° 173 pour l'aménagement de ce cheminement piétonnier resté depuis en l'état, il ressort des pièces du dossier que le périmètre de cette servitude a été substantiellement étendu, lors d'une modification du plan local d'urbanisme adoptée par une délibération du 28 juin 2016 du conseil métropolitain de Nantes Métropole, l'emprise de l'emplacement réservé sur la parcelle du requérant étant ainsi portée de 12 % à 92 %. Il en résulte que le projet d'aménagement actuellement poursuivi par la commune de Nantes n'a été défini, dans sa configuration contestée par le requérant, qu'en 2016 et reconduit dans le plan local d'urbanisme métropolitain adopté par la délibération du 5 avril 2019 via l'emplacement réservé n° 6-13. Par ailleurs, le requérant ne saurait se prévaloir de ce que Nantes Métropole n'a pas fait usage de son droit de préemption lors de la cession de la parcelle cadastrée à la section NY sous le n° 562 en 2012 et 2015 dès lors que cette circonstance n'est pas le fait de la commune de Nantes qui porte seule le projet d'aménagement ayant justifié l'emplacement réservé litigieux et qu'elle est antérieure à l'inclusion de cette parcelle dans le périmètre de l'emplacement réservé par la délibération du 28 juin 2016. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune de Nantes aurait délivré un permis de construire pour un ensemble immobilier qui empièterait sur l'assiette de la servitude d'emplacement réservé et serait incompatible avec la destination prévue pour cet emplacement. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le conseil métropolitain de Nantes Métropole a pu, sans entacher sa délibération d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'intention de la commune de Nantes de réaliser l'aménagement en cause, instituer au profit de cette dernière l'emplacement réservé n° 6-13 en litige.
8. En quatrième lieu, si la servitude d'emplacement réservé en litige emporte des inconvénients pour M. B..., notamment en ce qu'elle restreint les possibilités d'usage de son bien, son institution n'est, eu égard aux objectifs d'intérêt général qu'elle poursuit, pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il s'ensuit que le moyen, à le supposer invoqué, tiré de ce que la délibération contestée serait entachée d'une telle erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
9. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Les contraintes liées à l'existence d'un emplacement réservé sont prévues par la loi et répondent à un but d'intérêt général. En outre, les propriétaires concernés ont toujours la possibilité d'exercer le droit de délaissement prévu par les dispositions de l'article L. 152-2 du code de l'urbanisme, en exigeant de la collectivité publique, au bénéfice de laquelle le terrain a été réservé, qu'elle procède à l'acquisition de ce bien dans les conditions et délais mentionnés aux articles L. 230-1 et suivants de ce code. Dans ces conditions, la délibération contestée n'a pas porté au droit de M. B... au respect de ses biens une atteinte prohibée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par ce dernier ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Nantes Métropole, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Nantes Métropole et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à Nantes Métropole une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à Nantes Métropole.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Montes-Derouet, présidente,
- M. Dias, premier conseiller,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2024.
Le rapporteur,
B. MASLa présidente,
I. MONTES-DEROUET
La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03714