Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A..., agissant en qualité de représentant légal de son fils mineur M. C... A..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant son recours formé le 20 juillet 2021 contre la décision du 29 juin 2021 des autorités consulaires françaises à Ouagadougou (Burkina Faso) refusant de délivrer à M. C... A... un visa de long séjour au titre de la réunification familiale.
Par un jugement n° 2200050 du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. C... A... le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 juillet 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que M. C... A..., fils de M. B... A... qui s'est vu reconnaitre le bénéfice de la protection subsidiaire, ne peut bénéficier d'un visa de long séjour au titre de la réunification familiale sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il était âgé de plus de 18 ans à la date de sa demande visa et que sa mère n'est pas partie à la réunification familiale ; il n'est pas établi que M. C... A... serait isolé au Burkina-Faso.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2022, M. B... A... et M. C... A..., représentés par Me Le Floch, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer la demande de visa dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à leur conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne sont pas fondés et que la décision de la commission méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le 23 novembre 2022, le ministre de l'intérieur a communiqué à la cour un document établissant la délivrance d'un visa de long séjour à M. C... A... en exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 juillet 2022.
M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 août 2022.
Par un arrêt n° 22NT02389 du 20 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, rejeté la requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer, d'autre part, déclaré qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par M. B... A..., enfin a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Le Floch au titre des frais d'instance.
Par une décision n° 471525 du 27 novembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 20 décembre 2022 et a renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n° 23NT03458.
Procédure devant la cour après cassation :
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2024, M. B... A... et M. C... A..., représentés par Me Le Floch, concluent, dans le dernier état de leurs écritures, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés ;
- la procédure est irrégulière dès lors que l'autorité administrative n'a pas sollicité la communication de documents complémentaires.
M. B... A... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dubost,
- et les observations de Me Le Floch, représentant MM. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant burkinabé né le 2 avril 1976, a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 9 janvier 2020. M. C... A..., son fils, de nationalité burkinabé, né d'une première union le 14 novembre 2002, a présenté une demande de visa de long séjour au titre de la réunification familiale auprès des autorités consulaires françaises à Ouagadougou (Burkina Faso). Ces autorités ont refusé de lui délivrer le visa sollicité par une décision du 29 juin 2021. Par une décision implicite née le 20 septembre 2021, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. Par un jugement du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision du 20 septembre 2021 et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. C... A... le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement. Par un arrêt n° 22NT02389 du 20 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel du ministre de l'intérieur et des outre-mer, formé à l'encontre de ce jugement. Par une décision n° 471525 du 27 novembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative de Nantes et a renvoyé l'affaire à la cour.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Ouagadougou (Burkina Faso), sur la circonstance que le demandeur de visa était âgé de plus de dix-huit ans.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. (...) / L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite ". Aux termes de l'article R. 561-1 du même code : " La demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa des membres de la famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 561-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les articles (...) L. 434-3 à L. 434-5 (..) sont applicables. / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement ". Aux termes de l'article L. 434-3 du même code : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande : / 1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ; / 2° Ou lorsque l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux " et aux termes de l'article L. 434-4 de ce code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France ".
5. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles des articles L. 434-3 et L. 434-4 du même code, auxquelles l'article L. 561-4 renvoie, que le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaitre la qualité de réfugié ou a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale, par ses enfants non mariés, y compris par ceux qui sont issus d'une autre union, à la condition que ceux-ci n'aient pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été présentée. Les demandes présentées pour les enfants issus d'une autre union doivent en outre satisfaire aux autres conditions prévues par les articles L. 434-3 ou L. 434-4, le respect de celles d'entre elles qui reposent sur l'existence de l'autorité parentale devant s'apprécier, le cas échéant, à la date à laquelle l'enfant était encore mineur.
6. Il ressort des pièces du dossier que le fils de M. B... A..., à qui la protection subsidiaire a été accordée le 9 janvier 2020, est né le 14 novembre 2002 d'une relation précédente avec une ressortissante étrangère non partie à la demande de réunification familiale. Âgé de dix-huit ans et un mois à la date à laquelle sa demande de visa a été enregistrée au consulat français à Ouagadougou, M. C... A... n'avait donc alors pas dépassé son dix-neuvième anniversaire. En outre, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Ouaga I, le 23 novembre 2020, que M. A... exerçait seul l'autorité parentale sur son fils mineur, la mère de ce dernier, vivant en dehors du Burkina-Faso, n'ayant plus aucun contact avec lui. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'erreur de droit en refusant le visa de long séjour sollicité par M. C... A... en qualité d'enfant d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire au motif qu'il était âgé de plus de dix-huit ans à la date de dépôt de sa demande de visa, alors qu'il remplissait les conditions définies par les dispositions citées au point 4.
7. Enfin, si le ministre de l'intérieur soutient que M. C... A... ne serait pas isolé au Burkina-Faso, cette circonstance ne saurait faire obstacle à la délivrance d'un visa au titre de la réunification familiale à l'intéressé dès lors qu'il remplit les conditions fixées par les dispositions précitées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France sur le recours dirigé contre la décision des autorités consulaires de France à Ouagadougou du 29 juin 2021 et lui a enjoint de délivrer le visa de long séjour sollicité.
Sur les frais liés au litige :
9. M. B... A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros hors taxe à Me Le Floch, dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Le Floch une somme de 1 200 euros hors taxe dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à M. C... A....
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- Mme Ody, première conseillère,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
La rapporteure,
A.-M. DUBOSTLe président,
S. DEGOMMIERLa présidente,
C. BUFFET
Le greffier,
C. GOY
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT03458