Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2022 par lequel le maire de la commune de Bénodet a délivré à la société Tubatis un permis de construire quatre maisons individuelles et une piscine sur un terrain situé 16 route de Trévourda.
Par un jugement n° 2204574 du 19 mai 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juillet 2023 et 25 juin 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A... C... et Mme B... D..., représentés par Me Blanquet, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 mai 2023 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2022 par lequel le maire de la commune de Bénodet (Finistère) a délivré à la société Tubatis un permis de construire portant notamment sur quatre maisons individuelles sur un terrain situé 16 route de Trévourda ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bénodet la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier en raison de l'insuffisance de sa motivation en réponse à l'un de leurs arguments ;
- leur demande de première instance n'était pas tardive au regard des éléments présentés pour établir l'affichage à compter au plus tard du 31 mai 2022 ; le positionnement du panneau a été de nature à induire en erreur les tiers ; le panneau comprend des erreurs ou omissions substantielles ;
- l'arrêté est irrégulier pour les motifs exposés en première instance.
Par un mémoire enregistré le 20 septembre 2023, la société Tubatis, représentée par Mes Mialot et Ehrenfeld, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. C... et de Mme D... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par M. C... et de Mme D... ne sont pas fondés ;
- les appelants n'ont pas intérêt à agir eu égard à la localisation de leur maison.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2024, la commune de Bénodet, représentée par Me Le Derf-Daniel, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. C... et de Mme D... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... et de Mme D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- les observations de Me Le Baron, substituant Me Blanquet, représentant M. C... et Mme D..., de Me Cadic, substituant Me Le Derf-Daniel, représentant la commune de Bénodet, et de Me Garrigue, représentant la société Tubatis.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 24 janvier 2022, le maire de Bénodet (Finistère) a délivré à la société Tubatis un permis de construire pour la construction de quatre maisons individuelles et d'une piscine, sur un terrain situé 16 route de Trévourda. M. C... et Mme D... ont saisi le tribunal administratif de Rennes d'un recours en annulation de cet arrêté. Par un jugement du 19 mai 2023 ce tribunal a rejeté comme irrecevable leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté, au motif de sa tardiveté. M. C... et Mme D... relèvent appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés à l'appui des moyens soulevés par M. C... et Mme D..., ont indiqué de manière suffisamment précise les motifs pour lesquels ils ont jugé que leur demande était irrecevable en raison de sa tardiveté, notamment au point 6 du jugement attaqué au regard de leur critique de l'emplacement du panneau d'affichage du permis contesté sur le terrain. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) et pendant toute la durée du chantier. (...) / Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage. ". Aux termes de l'article A 424-16 de ce code : " Le panneau prévu à l'article A. 424-15 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, le nom de l'architecte auteur du projet architectural, la date de délivrance, le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. / Il indique également, en fonction de la nature du projet : / a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ; (...). ". Et aux termes de l'article A. 424-18 de ce code : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier. ".
5. Il résulte des dispositions précitées que le délai de recours à l'égard des tiers court à compter de l'affichage d'un permis de construire sur le terrain, dès lors que cette formalité a été accomplie de manière complète et régulière. À cet égard, les dispositions imposant que figurent sur le panneau d'affichage du permis de construire diverses informations sur les caractéristiques de la construction projetée ont pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture de ce panneau, d'apprécier l'importance et la consistance du projet, le délai de recours contentieux ne commençant à courir qu'à la date d'un affichage complet et régulier. Il s'ensuit que si les mentions prévues par l'article A. 424-16 doivent, en principe, obligatoirement figurer sur le panneau d'affichage, une erreur affectant l'une d'entre elles ne conduit à faire obstacle au déclenchement du délai de recours que dans le cas où cette erreur est de nature à empêcher les tiers d'apprécier l'importance et la consistance du projet. La circonstance qu'une telle erreur puisse affecter l'appréciation par les tiers de la légalité du permis est, en revanche, dépourvue d'incidence à cet égard, dans la mesure où l'objet de l'affichage n'est pas de permettre par lui-même d'apprécier la légalité de l'autorisation de construire.
6. Par ailleurs, la preuve de la réalité, de la régularité et de la continuité de l'affichage du permis de construire sur le terrain peut être apportée par le bénéficiaire du permis de construire par tout moyen.
7. Afin d'établir l'affichage sur le terrain de l'autorisation de construire contestée, la société Tubatis a produit plusieurs attestations émanant notamment de voisins du terrain d'assiette du projet attestant de manière concordante, et pour plusieurs dument circonstanciée, de la présence de cet affichage sur un panneau situé à l'entrée du terrain d'assiette à compter de février 2022. Certaines de ces personnes précisent que cet affichage a débuté le 4 février 2022. Il a également été produit un constat d'huissier du 15-16 septembre 2022, comportant une photographie du même endroit, extraite du site internet Google Maps, et datée par ce site du mois de mai 2022. Sur cette photographie figure ce panneau d'affichage, avec des mentions manuscrites, ainsi que son environnement immédiat. Cette vue est identique aux photographies figurant sur le même constat d'huissier, prises au même endroit, le 16 septembre 2022 ainsi que sur le constat établi à la demande de M. C... et de Mme D... le 21 juillet 2022.
8. Il résulte de ces pièces que ce panneau a été placé à l'entrée même du terrain d'assiette du projet. Si M. C... et Mme D... soutiennent que cet emplacement aurait été source d'ambiguïté pour eux dès lors que cette entrée desservirait d'autres terrains situés à l'arrière du projet, cet endroit n'en constituait pas moins l'endroit le mieux à même, compte-tenu de la configuration des lieux, de permettre un affichage dans les conditions réglementaires imparties, dont celle imposant la lisibilité des renseignements qu'il contient depuis la voie publique ou des espaces ouverts au public.
9. Il est par ailleurs établi que le panneau d'affichage mentionnait notamment au titre de la nature du projet : " construction de 4 maisons individuelles ". La circonstance qu'il ne soit pas fait mention de la nécessaire réalisation d'une voie de desserte interne du projet, de la construction d'une piscine à proximité de l'une des maisons autorisées et du projet de division de la parcelle ne sont pas de nature à établir une insuffisance de cet affichage, qui permettait en l'espèce aux tiers d'apprécier l'importance et la consistance du projet.
10. Le même panneau indique également que la superficie du terrain concerné par l'opération est de 3 403 m². Si M. C... et Mme D... soutiennent que cette superficie ne correspond pas à celle de la parcelle AR 25, d'une superficie d'environ 4 900 m², devant supporter le projet autorisé, il ressort toutefois des pièces du dossier que le terrain d'assiette de ce projet ne couvre qu'une partie de cette parcelle et que le dossier de demande de permis de construire mentionne également une superficie de 3 403 m². Par ailleurs, il ne résulte pas de la réglementation citée au point 4 que les bénéficiaires d'une autorisation de construire seraient tenus d'afficher sur le terrain le fait que leur projet de concerne qu'une partie d'une parcelle. Enfin, à supposer que le terrain d'assiette du projet était auparavant non clôturé et laissé ainsi en libre accès depuis une parcelle voisine cette circonstance est sans incidence sur la régularité de l'affichage de l'autorisation contestée.
11. Dans ces conditions, il résulte des points 7 à 10 que l'affichage sur le terrain du permis de construire contesté a été effectué de manière continue à compter au plus tard du 31 mai 2022 et que celui-ci a été régulier au regard des dispositions citées au point 4. Cet affichage a permis aux tiers, à la seule lecture de ce panneau, d'apprécier l'importance et la consistance du projet de la société Tubatis. En conséquence, le délai de recours contentieux a commencé à courir à l'égard des tiers, au plus tard le 31 mai 2022, de sorte que lorsque M. C... et Mme D..., qui n'ont pas présenté de recours gracieux, ont saisi, le 8 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes de leur demande d'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2022 du maire de Bénodet, celle-ci était tardive et par suite irrecevable.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté comme irrecevable leur demande en raison de sa tardiveté.
Sur les frais d'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. C... et Mme D.... En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 800 euros au titre des frais exposés respectivement par la commune de Bénodet et la société Tubatis.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... et de Mme D... est rejetée.
Article 2 : M. C... et Mme D... verseront ensemble et respectivement à la commune de Bénodet d'une part, et à la société Tubatis de l'autre, la somme de 800 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et Mme B... D..., à la commune de Bénodet et à la société Tubatis.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
S. DEGOMMIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02425