Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... I..., M. H... E... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 20 octobre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 5 juillet 2021 de l'autorité consulaire française à Bamako (Mali) refusant de délivrer à Mme B... I..., à M. D... E... et aux enfants A..., C..., F... et G... E... des visas de long séjour au titre du regroupement familial.
Par un jugement n° 2206450 et 2206451 du 27 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé, en son article 1er, la décision du 20 octobre 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a refusé de délivrer à Mme B... I... et aux enfants A..., C..., F... et G... E... des visas de long séjour demandés au titre du regroupement familial, a enjoint en son article 2 au ministre de l'intérieur de délivrer ces visas dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et en son article 4 a rejeté le surplus de leur demande tendant à l'annulation de la décision du 20 octobre 2021 de la commission de recours en tant qu'elle a refusé de délivrer à M. D... E... un visa de long séjour au titre du regroupement familial.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mai 2023, M. D... E... et M. H... E..., représentés par Me Maillard, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 20 octobre 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle refuse de délivrer à M. D... E... le visa de long séjour demandé ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé ou de réexaminer la demande, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Maillard, leur avocat, de la somme de 1 500 euros hors taxe au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités ; les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation invoqué à l'encontre de la décision contestée ; le jugement n'est pas suffisamment motivé s'agissant de la réponse apportée au moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée est insuffisamment motivée en fait et n'a pas été précédée d'un examen particulier de la demande de visa ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation quant à leur droit au regroupement familial.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.
M. D... E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative) du tribunal judiciaire de Nantes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. H... E..., ressortissant malien né en 1970, a obtenu du préfet du Nord une autorisation de regroupement familial au profit de son épouse, Mme B... I... et leurs quatre enfants, A..., C..., F... et G... E... nés en 2007, 2012 et 2017. Des demandes de visas de long séjour au titre du regroupement familial ont été présentées pour ces derniers ainsi que pour M. D... E..., né en 1999, autre enfant allégué de M. H... E.... Par un jugement du 27 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé, en son article 1er, la décision du 20 octobre 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a refusé de délivrer à Mme B... I... et aux enfants A..., C..., F... et G... E... des visas de long séjour demandés au titre du regroupement familial, a enjoint en son article 2 au ministre de l'intérieur de délivrer ces visas dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, en son article 4, a rejeté le surplus de leur demande tendant à l'annulation de la décision du 20 octobre 2021 de la commission de recours en tant qu'elle a refusé de délivrer à M. D... E... un visa de long séjour au titre du regroupement familial. M. D... E... et M. H... E... relèvent appel de l'article 4 de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces de la procédure que M. D... E... et M. H... E... ont invoqué devant les premiers juges un moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision du 20 octobre 2021 de la commission de recours sur la situation personnelle du demandeur de visa, eu égard à la réalité et à la sincérité des liens familiaux que ce dernier entretient avec son père. Si le tribunal administratif de Nantes a écarté le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au point 16 du jugement attaqué, il n'a toutefois pas répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, lequel était cependant visé. Dans ces conditions et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, M. D... E... et M. H... E... sont fondés à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de réponse à un moyen qui n'était pas inopérant.
3. Dans ces conditions, le jugement doit être annulé en tant qu'il rejette les conclusions présentées par MM. E... tendant à l'annulation de la décision du 20 octobre 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a refusé de délivrer à M. D... H... un visa de long séjour demandé au titre du regroupement familial.
4. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement et dans cette mesure sur la demande présentée par MM. E... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur la légalité de la décision du 20 octobre 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a refusé de délivrer à M. D... E... un visa de long séjour demandé au titre du regroupement familial :
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision contestée est fondée sur le motif tiré de ce que la procédure de regroupement familial concernant M. D... E... n'ayant pas abouti, celui-ci ne peut utilement solliciter un visa de long séjour à ce titre. Dans ces conditions, la décision contestée comprend l'énoncé des considérations de fait qui la fondent et il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission de recours n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation du demandeur de visa.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : / (...) 2° Et par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Aux termes de l'article L. 434-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Peut être exclu du regroupement familial : / 1° Un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l'ordre public (...) ".
7. Lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public.
8. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que M. H... E... a obtenu, par une décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 5 juillet 2019, une autorisation de regroupement familial pour son épouse et ses quatre enfants mineurs, A..., C..., F... et G... E.... Toutefois cette autorisation n'incluait pas M. D... E.... Si M. H... E... soutient qu'il avait inclus son fils aîné dans sa demande de regroupement familial et qu'une erreur dans son adresse postale ne lui a pas permis de compléter son dossier dans le délai imparti, il n'en demeure pas moins qu'à la date de la décision contestée, M. D... E... ne bénéficiait pas d'une autorisation de regroupement familial. Dans ces conditions, la commission de recours a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. D... E... le visa demandé pour ce motif.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. H... E... est entré en France en 1989 et que M. D... E..., son fils, est né au Mali en 1999. S'il ressort des pièces du dossier que M. H... E... est retourné régulièrement au Mali pour rendre visite à sa famille et qu'il a adressé plusieurs sommes d'argent à son fils aîné entre 2020 et 2022, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, M. D... E..., alors âgé de 23 ans et ayant terminé sa scolarité en 2014, vivait encore avec sa mère et sa fratrie, ni qu'il conservait des liens particulièrement étroits avec M. H... E.... Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des requérants. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté.
10. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle des requérants.
11. Il résulte de tout ce qui précède que MM. E... ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision du 20 octobre 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a refusé de délivrer à M. D... E... un visa de long séjour au titre du regroupement familial.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours en tant qu'elle a refusé de délivrer à M. D... E... le visa de long séjour demandé, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par MM. E... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Me Maillard, le conseil des requérants, de la somme demandée en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 4 du jugement n° 2206450 et 2206451 du tribunal administratif de Nantes du 27 janvier 2023 est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. D... E... et M. H... E... tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant la demande de visa de M. D... E... et le surplus des conclusions présentées par MM. E... en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à M. H... E... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
S. DEGOMMIER Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01530