Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... F... B... et M. D... A... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 25 novembre 2021 de l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée) refusant de délivrer aux enfants D... A... B... et E... C... B... des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié.
Par un jugement n° 2204929 du 23 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2023, M. D... F... B... et M. D... A... B..., représentés par Me Thoumine, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas demandés, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Thoumine, leur avocate, de la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée est entachée d'une erreur dans l'appréciation de la situation de réunification partielle opposée et dans l'appréciation de l'intérêt des enfants ;
- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.
M. D... F... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2023 du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative) du tribunal judiciaire de Nantes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement n° 2204929 du 23 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. D... F... B... et M. D... A... B... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer aux enfants D... A... B... et E... C... B... des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié. M. D... F... B... et M. D... A... B..., ce dernier étant devenu majeur en cours d'instance, relèvent appel de ce jugement.
2. Il ressort des pièces du dossier que l'accusé de réception du recours formé par M. B... devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France indique qu'en l'absence d'une réponse expresse de la commission dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du recours, celui-ci est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision consulaire. L'autorité consulaire française en Guinée a refusé de délivrer les visas sollicités au motif que les demandes de visa avaient été déposées dans le cadre d'une réunification familiale partielle portant atteinte à l'intérêt des enfants de la personne placée sous la protection de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. / (...) ". Aux termes de l'article L. 561-4 du même code : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables. (...) ". Aux termes de l'article L. 434-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 434-2 à L. 434-4. Un regroupement partiel peut toutefois être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. ". Il résulte de ces dispositions que la réunification doit concerner, en principe, l'ensemble de la famille du ressortissant étranger qui demande à en bénéficier et qu'une réunification partielle ne peut être autorisée à titre dérogatoire que si l'intérêt des enfants le justifie.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant guinéen né en 1967, a obtenu le statut de réfugié en France en 2019. Il déclare être le père de cinq enfants, nés de deux unions successives. Il ressort de ses écritures qu'au vu du caractère précaire de sa situation, M. B... a entendu faire venir en France dans un premier temps ses trois aînés issus de sa première union. Il expose ainsi avoir entrepris les démarches pour les faire venir en France mais qu'ayant rencontré des difficultés pour obtenir les passeports des intéressés, il a finalement demandé des visas pour seulement deux des trois enfants. Cependant, ni le caractère précaire de la situation matérielle et financière du réfugié, ni les difficultés pour obtenir des passeports pour les demandeurs de visas ne constituent des motifs tenant à l'intérêt des enfants de nature à autoriser un regroupement familial partiel au sens des dispositions précitées. Par suite, la commission de recours a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 434-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant pour ce motif de délivrer les visas demandés.
5. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point précédent, la demande de réunification familiale présente un caractère partiel et il n'est pas dans l'intérêt supérieur des enfants D... A... B... et E... C... B... de rejoindre leur père en France. En outre, le requérant ne justifie pas, par les pièces jointes à sa requête, du maintien de liens intenses et stables avec ses deux fils E... C... B... et D... A... B..., dont la mère vit toujours en Guinée et qui ont passé toute leur vie dans ce pays. Par suite, la décision de la commission de recours contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de mener une vie privée et familiale normale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas contraire aux stipulations du point 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... F... B... et M. D... A... B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Il suit de là que leurs conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de MM. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... B..., à M. D... A... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
S. DEGOMMIER Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01270