Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 11 janvier 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour afin de demander l'asile.
Par un jugement n° 2112731 du 23 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoire enregistrés les 16 septembre 2022, 16 décembre 2022, 27 juin 2024 et 3 juillet 2024, ces deux derniers n'ayant pas été communiqués, Mme A... B..., représentée par Me Pollono, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 mai 2022 ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 11 janvier 2021 refusant de lui délivrer un visa de long séjour ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme B... soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa demande ;
- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle est éligible au statut de réfugié ; il existe des difficultés caractérisées dans son pays d'origine ; sa situation personnelle est spécifique ;
- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2022 le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dubost,
- et les observations de Me Pavy, substituant Me Pollono, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante guinéenne née le 18 avril 1998, a sollicité la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour afin de solliciter l'asile en France, auprès de l'autorité consulaire à Conakry, laquelle a rejeté cette demande. Le recours formé contre ce refus consulaire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née du silence gardé par ladite commission pendant plus deux mois. Par un jugement rendu le 21 décembre 2020 sous le n° 2001836, le tribunal administratif de Nantes saisi par Mme B..., a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la demande de visa. En exécution de ce jugement, le ministre de l'intérieur, par une décision du 11 janvier 2021, a procédé au réexamen de la demande de Mme B... et a refusé de délivrer le visa sollicité. Mme B... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Elle relève appel du jugement de ce tribunal du 23 mai 2022 rejetant sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision contestée :
2. L'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas dans lesquels un visa de long séjour en vue de déposer une demande d'asile en France peut être refusé, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises, saisies d'une telle demande, disposent, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'un large pouvoir d'appréciation et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public, tel que le détournement de l'objet du visa, mais aussi sur toute considération d'intérêt général.
4. Il s'ensuit que lorsqu'une telle décision de refus de visa est fondée sur l'un de ces motifs et permet d'identifier, dans les circonstances de l'espèce, les raisons de ce refus, elle doit être regardée comme étant suffisamment motivée en droit comme en fait.
5. La décision contestée mentionne que les éléments produits par Mme B... " ne peuvent être considérés comme des éléments suffisants pour caractériser la recevabilité de votre demande d'asile au regard de la problématique invoquée, en l'occurrence un risque d'excision pour une jeune femme âgée de 21 ans à la date d'introduction de sa demande de visa ". Ces mentions permettaient à l'intéressée d'identifier les considérations de droit et de fait motivant ce refus, compte-tenu des pièces qu'elle avait produites à l'appui de sa demande de visa, et, en conséquence, de discuter utilement ces motifs, de sorte que cette décision satisfait à l'exigence de motivation qui découle des dispositions mentionnées ci-dessus de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision contestée :
6. Comme il a été dit au point 5, il ressort des termes de la décision contestée que le ministre de l'intérieur s'est fondé, pour rejeter la demande de visa de long séjour formée par Mme B..., sur la circonstance que les éléments qu'elle a produits ne suffisent pas à " caractériser la recevabilité de sa demande d'asile au regard du risque d'excision allégué pour une jeune femme âgée de 21 ans à la date d'introduction de sa demande de visa ".
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour dont la durée de validité ne peut être supérieure à un an. Ce visa peut autoriser un séjour de plus de trois mois à caractère familial, en qualité de visiteur, d'étudiant, de stagiaire ou au titre d'une activité professionnelle, et plus généralement tout type de séjour d'une durée supérieure à trois mois conférant à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421- 9 à L. 421-11 et L. 421-13 à L. 421-24. ".
8. Si le droit constitutionnel d'asile a pour corollaire le droit de solliciter en France la qualité de réfugié, les garanties attachées à ce droit reconnu aux étrangers se trouvant sur le territoire de la République n'emportent aucun droit à la délivrance d'un visa en vue de déposer une demande d'asile en France ou pour y demander le bénéfice de la protection subsidiaire prévue à l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable. De même, l'invocation des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à raison de menaces susceptibles d'être encourues à l'étranger ne saurait impliquer de droit à la délivrance d'un visa d'entrée en France.
9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour afin de demander l'asile en France, en alléguant le risque d'excision auquel elle serait exposée. Si Mme B... produit des éléments tendant à établir le risque d'excision pesant de manière générale sur les femmes en Guinée, toutefois, elle n'apporte pas d'éléments suffisamment précis et circonstanciés caractérisant la réalité et l'actualité du risque à son égard. Par ailleurs, si la mère de la requérante réside en France depuis 2014 et que sa sœur et son frère, nés en 2003 et 2005, se sont vus accorder le bénéfice du regroupement familial au cours de l'année 2022, postérieurement à la décision contestée, ces circonstances ne suffisent pas à établir l'erreur manifeste d'appréciation dont la requérante se prévaut alors qu'un frère et d'autres membres de sa famille, chez qui elle a été hébergée, résident encore en Guinée. Enfin, la requérante n'établit pas sa vulnérabilité ni son isolement en Guinée, pays dans lequel elle a toujours vécu. Dans ces conditions, en rejetant la demande de Mme B..., le ministre de l'intérieur n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de la requérante en refusant de lui délivrer un visa d'entrée en France.
10. En deuxième lieu, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir le défaut d'examen particulier dont la requérante se prévaut.
11. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 8 que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
13. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnait les dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté comme inopérant.
14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
15. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., âgée de 22 ans à la date de la décision contestée a toujours vécu dans son pays d'origine, la Guinée, où réside encore un de ses frères ainsi que des oncles et tantes chez qui elle a par ailleurs été hébergée. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point précédent doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
17. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par la requérante doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par le conseil de Mme B... en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIERLa présidente,
C. BUFFET
Le greffier,
C. GOY
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03026