Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse avant cassation :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2010, 2011 et 2012.
La société Aequatio a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2010 à 2012.
Par un jugement n°s 1800363, 1802561 du 12 février 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. et Mme A..., a prononcé, pour un montant en droits et pénalités de 63 987 euros, la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Aequatio afférents à la compensation opérée par le vérificateur, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Aequatio.
Par un arrêt n°s 20NT01346, 20NT01347 du 24 juin 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement d'un montant de 5 399 euros, prononcé en cours d'instance par l'administration, annulé l'article 1er du jugement du 12 février 2020 du tribunal administratif de Rennes, remis à la charge de la société Aequatio la somme de 63 987 euros en droits et pénalités, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle la société a été assujettie au titre des années 2010 à 2012 et rejeté les requêtes de la société Aequatio et de M. et Mme A....
Par une décision n° 466953 du 11 juin 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative de Nantes du 24 juin 2022 en tant qu'il statue sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents au paiement des prestations rendues par la société Aequatio à la société OAA au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012 et a, dans cette mesure renvoyé l'affaire, devant la cour qui porte désormais le n° 24NT01897.
Procédure devant la cour après cassation :
Par un mémoire enregistré le 2 août 2024, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures.
Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a estimé que le service ne pouvait pas procéder à une compensation entre les factures impayées adressées à la société OAA (Ouest Atlantique Audit) et les sommes inscrites sur le compte fournisseur et le compte courant d'associé de cette société.
Par un mémoire enregistré le 27 août 2024, la société Aequatio, représentée par Me Lefeuvre, demande à la cour :
1°) de rejeter les conclusions d'appel incident du ministre tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 février 2020 en tant qu'il a prononcé la décharge des rappels de la taxe sur la valeur ajoutée fondés sur la compensation ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Rennes a prononcé la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Aequatio afférents à la compensation opérée par le vérificateur.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Penhoat,
- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,
- et les observations de Me Lefeuvre, pour la société Aequatio.
Considérant ce qui suit :
1. La société Aequatio, qui exploite un cabinet d'expertise-comptable, a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité qui a porté sur les exercices clos en 2010, 2011 et 2012. Cette société a été destinataire le 19 décembre 2013 d'une première proposition de rectification portant sur l'exercice clos en 2010 puis le 11 avril 2014 d'une seconde proposition de rectification portant sur les exercices clos en 2011 et 2012. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du Morbihan a émis le 5 février 2016 un avis partiellement favorable à la société Aequatio. Par une décision du 27 mars 2018, le service a partiellement fait droit aux réclamations formées par la société les 19 et 20 septembre 2017. A l'issue des vérifications de comptabilité des sociétés Aequatio et Ouest Atlantique Audit (OAA), dont M. A... est le gérant, M. et Mme A... ont fait l'objet de rehaussements de leur base imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à raison des sommes réputées distribuées au sens des 1° et 2° de l'article 109-1 du code général des impôts. M. et Mme A... ont formé une réclamation concernant les rehaussements supplémentaires d'impôts sur le revenu et de prélèvements sociaux, qui a été partiellement rejetée le 29 novembre 2017. Ils ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012. La société Aequatio a également demandé au tribunal de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période correspondant à ces années. Par un jugement commun n° 1800363, 1802561 du 12 février 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. et Mme A..., a prononcé, pour un montant en droits et pénalités de 63 987 euros, la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Aequatio afférents à la compensation opérée par le vérificateur et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de cette société. M. et Mme A... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande. Par un arrêt du 24 juin 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement d'un montant de 5 399 euros, prononcé en cours d'instance par l'administration, annulé l'article 1er du jugement du 12 février 2020 du tribunal administratif de Rennes, remis à la charge de la société Aequatio la somme de 63 987 euros en droit et pénalités , au titre de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle la société a été assujettie au titre des années 2010 à 2012 et rejeté les requêtes de la société Aequatio et de M. et Mme A....
2. Par une décision n° 466953 du 11 juin 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative de Nantes du 24 juin 2022 en tant qu'il statue sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents au paiement des prestations rendues par la société Aequatio à la société OAA au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012 et a, dans cette mesure, renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n° 24NT01897.
Sur l'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de la relance :
3. D'une part, aux termes de l'article 1289 du code civil, alors en vigueur : " Lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes, de la manière et dans les cas ci-après exprimés ". Selon l'article 1290 du même code, alors en vigueur : " La compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives ". Aux termes, enfin, du premier alinéa de l'article 1291 du même code, alors en vigueur : " La compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent (...) et qui sont également liquides et exigibles ". Il résulte de ces dispositions que la compensation s'opère de plein droit dès lors qu'elle est invoquée par une des deux personnes débitrices l'une envers l'autre, lorsque les dettes réciproques sont certaines, liquides et exigibles.
4. D'autre part, aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (...) les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Selon le a du 1 de l'article 269 du code général des impôts, le fait générateur de la taxe se produit au moment où la prestation de services est effectuée et, aux termes du c du 2 de ce même article, la taxe devient exigible " pour les prestations de services (...) lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits ".
5. Alors même qu'elle constaterait l'existence de dettes réciproques certaines, liquides et exigibles entre deux contribuables, l'administration fiscale ne saurait d'elle-même procéder à la compensation légale prévue par les dispositions citées au point 3. En l'absence d'invocation de la compensation légale par l'un des débiteurs réciproques, l'administration fiscale n'est pas davantage fondée, lorsque des prestations de services soumises à la taxe sur la valeur ajoutée demeurent impayées, à regarder la circonstance que les autres conditions pour opérer cette compensation sont réunies entre le prestataire et son client comme assimilable à un encaissement au sens du c du 2 de l'article 269 du code général des impôts cité au point 3.
6. La société Aequatio, spécialisée dans l'expertise comptable et basée à Baud dans le Morbihan, est une filiale à 99,99% de la société OAA, société spécialisée dans le commissariat aux comptes et basée à Nantes. La société OAA est elle-même détenue par M. A..., gérant des deux sociétés.
7. Il résulte de l'instruction, d'une part, qu'au cours des années correspondant à la période d'imposition en litige, la société Aequatio ne s'est pas acquittée de l'intégralité des factures émises à son encontre par la société OAA, de sorte que le compte fournisseur de la société OAA dans les écritures de la société Aequatio présentait un solde créditeur, d'autre part, que la société Aequatio avait en outre bénéficié d'avances de trésorerie de la part de la société OAA, par le biais d'inscriptions au crédit du compte courant d'associé de la société OAA ouvert dans les écritures de la société Aequatio. Compte tenu des liens unissant les deux sociétés, qui partagent le même gérant, le service a considéré que la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux prestations de services comptabilisées dans les écritures de la société requérante au compte client OAA et demeurant impayés au 31 décembre 2012 devait être considérée comme exigible au sens de l'article 269 du code général des impôts dès lors que les sommes correspondantes ont été inscrites dans le compte fournisseur OAA. Ainsi, les sociétés Aequatio et Ouest Atlantique Audit étaient titulaires au titre de la période en litige de dettes réciproques certaines, liquides et exigibles. Toutefois, la taxe sur la valeur ajoutée ne peut être assise que sur des sommes réellement encaissées et l'administration ne peut pas opérer d'elle-même la compensation légale prévue par les dispositions des articles 1289 et 1291 du code civil entre ce compte client débiteur et ce compte fournisseur créditeur. Il suit de là que c'est à tort que l'administration a mis à la charge de la société Aequatio les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents au paiement des prestations rendues à la société OAA au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012.
8. Il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a réduit les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Aequatio afférents à la compensation opérée par le vérificateur.
Sur les frais liés au litige :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Aequatio une somme de 1 500 euros hors taxe en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Aequatio à concurrence de la somme de 5 399 euros.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident du ministre tendant à mettre à la charge de la société Aequatio les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents au paiement des prestations rendues à la société OAA au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012 sont rejetées.
Article 3 : L'État versera à la société Aequatio une somme de 1 500 euros hors taxe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 20NT01346 de la société Aequatio est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aequatio et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 24NT018972