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12/11/2024 | FRANCE | N°24NT01031

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 12 novembre 2024, 24NT01031


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... C... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de procéder à la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre de l'année 2021.



Par un jugement n°2305711 du 9 février 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur requête.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 avril et le 10 octobre 2024,

M. C... et Mme A..., représentés par Me Richard, demandent à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de procéder à la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre de l'année 2021.

Par un jugement n°2305711 du 9 février 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 avril et le 10 octobre 2024, M. C... et Mme A..., représentés par Me Richard, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 février 2024 ;

2°) de procéder à la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2021 ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux entiers frais et dépens de l'instance.

Ils soutiennent que :

- leur demande devant les premiers juge n'était pas tardive ;

- M. C... a été contraint de notifier en juillet 2017 son retrait de la SCP d'avocats Foucher-Galerneau-Lallier dont il détenait 50 parts ; Mme F... s'est opposé au versement du montant des parts sociales et l'affaire est pendante devant la cour d'appel de Poitiers qui a ordonné une expertise judiciaire ; il a déclaré le 1er décembre 2022 une moins-value sur son bénéfice non commercial pour son activité d'avocat, d'un montant de 148 515 euros, ramenant ainsi le bénéfice non commercial réalisé à zéro ;

- la décision de rejet de la réclamation contentieuse est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors que l'administration avait dans un premier temps accepté la déduction de la moins-value mais que Mme F... a demandé qu'un contrôle fiscal soit diligenté; l'administration a agi en collusion avec Mme F... fille d'un ancien conservateur des hypothèques ;

Mme F... et Mme D..., ses anciennes associées, ont détourné l'actif de la SCP dissoute sans payer de droits d'enregistrements ;

- la moins-value résultant de son retrait de la SCP d'avocats Foucher-Galerneau-Lallier en juillet 2017 doit être déclarée dans les cinq années ; les associés se sont accordés sur une somme de 288 477 euros de valeur des parts sociales de la SCP ; cette plus-value doit dès lors s'imputer sur les revenus.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 septembre 2024, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient :

- la requête est recevable ;

- le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

- la moins-value ne peut pas encore constatée ; cette moins-value à long terme ne pourra éventuellement être imputée que dans la limite du bénéfice imposable de l'exercice de cession ou de cessation mais ne peuvent s'imputer que le revenu global ;

- les conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'administration du 2 février 203 sont irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... exerce la profession d'avocat à titre individuel. Il est inscrit depuis 2013 au barreau des Sables d'Olonne et exerce son activité sur plusieurs sites. Le 14 janvier 2014,

Mme F... a acquis 30 % de la clientèle de M. C... et une société civile professionnelle a été constituée entre eux. Mme D... a acquis 20 % du capital social de la société le 21 décembre 2016. Par courrier du 6 juillet 2017, M. C... a notifié à ses associés son retrait de la SCP. Dans le cadre du litige opposant M. C... à Mmes F... et Laillier, la cour d'appel de Poitiers par un arrêt avant dire droit du 4 juin 2019 a ordonné une expertise comptable et financière de la SCP au 10 juillet 2017 aux fins de déterminer la valeur des parts à la date du retrait de M. C.... M. C... et Mme A... ont présenté le 1er décembre 2022 une réclamation concernant l'imposition de leurs revenus au titre de l'année 2021, sollicitant l'imputation d'une moins-value sur le bénéfice non commercial déclaré par M. C... pour son activité d'avocat, d'un montant de 148 515 euros. Cette réclamation a été rejetée par décision du 8 février 2023. Par un jugement du 9 février 2024 dont ils relèvent appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur requête tendant à la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2021.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, telles les dispositions relatives à la contestation des élections politiques ou celles prévoyant des délais exprimés en heures ou expirant à un horaire qu'elles précisent, la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l'expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi.

3. Le tribunal administratif de Nantes a rejeté comme irrecevable la demande présentée par M. C... et Mme A... au motif que la requête a été enregistrée au greffe au-delà du délai de recours prévu par les dispositions de l'article R-199-1 du livre des procédures fiscales. Cependant, il résulte de l'instruction que la décision de rejet contestée a été réceptionnée par les intéressés le 8 février 2023 et que leur recours auprès du tribunal administratif de Nantes a été adressé au greffe par voie postale le 8 avril 2023. Par suite, c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. Son jugement en date du 9 février 2024 doit, dès lors, être annulé.

4. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. C... et Mme A... présentées devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. M. C... et Mme A... estiment que l'administration fiscale a méconnu le principe d'impartialité au motif que l'ex-associée de M. C..., Mme F..., en qualité de fille d'un ancien conservateur des hypothèques, aurait sollicité un contrôle fiscal à leur encontre afin de leur nuire. Cette circonstance expliquerait selon eux le rejet de leur réclamation. Cependant, les requérants n'établissent par aucun élément l'impartialité dont ils font état. A cet égard, ni les termes de la lettre de rejet de leur réclamation, ni le fait qu'un agent aurait indiqué les coordonnées du service compétent pour instruire la déclaration rectificative adressée par M. C... fin 2022, ni même les termes de la proposition de rectification qui a pu leur être adressée le 25 mai 2022 ne sont de nature à établir la réalité du comportement qu'ils imputent à l'administration. Par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas de l'instruction que la position du service repose sur des motifs ou des considérations extérieures à l'affaire, en méconnaissance du principe d'impartialité.

Sur le bien-fondé des impositions :

6. D'une part, aux termes de l'article 151 octies du code général des impôts : " I. Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées par une personne physique à l'occasion de l'apport à une société soumise à un régime réel d'imposition d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité peuvent bénéficier des dispositions suivantes : a. L'imposition des plus-values afférentes aux immobilisations non amortissables fait l'objet d'un report jusqu'à la date de la cession, du rachat ou de l'annulation des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport de l'entreprise ou jusqu'à la cession de ces immobilisations par la société si elle est antérieure. (...) Lorsque l'apport a été consenti à une société civile professionnelle ou à une société civile agricole, le report d'imposition prévu au premier alinéa du présent a est maintenu, en cas d'opérations soumises aux dispositions du I de l'article 151 octies A ou de transformation de la société civile professionnelle en société d'exercice libéral. Il est mis fin à ce report lorsqu'intervient l'un des événements mentionnés à ce même I ;(...) ". Aux termes de l'article 151octies A du même code : " I. Les personnes physiques associées d'une société civile professionnelle peuvent bénéficier des dispositions prévues à l'article 151 octies pour les plus-values nettes d'apport, sur lesquelles elles sont personnellement imposables en application de l'article 8 ter, réalisées par cette société à l'occasion d'une fusion, d'un apport partiel d'actif portant sur une branche complète d'activité ou d'une scission, lorsque chacune des sociétés bénéficiaires de la scission reçoit une ou plusieurs branches complètes d'activité et que les titres rémunérant la scission sont répartis proportionnellement aux droits de chaque associé dans le capital de la société scindée. (...) Il est mis fin au report d'imposition de la plus-value nette afférente aux immobilisations non amortissables : 1° Pour sa totalité, en cas de perte totale de la propriété de ces immobilisations, des titres reçus en rémunération de la fusion, de la scission ou de l'apport partiel d'actif ou des titres de la société ayant réalisé un tel apport ; 2° A hauteur de la plus-value afférente à l'immobilisation cédée, en cas de perte partielle de la propriété des immobilisations non amortissables ; en cas de moins-value, celle-ci vient augmenter le montant de la plus-value nette encore en report ; 3° Dans la proportion des titres cédés, en cas de perte partielle de la propriété des titres reçus en rémunération de la fusion, de la scission ou de l'apport partiel d'actif ou des titres de la société ayant réalisé un tel apport ; dans ce cas, la fraction ainsi imposée est répartie sur chaque immobilisation non amortissable dans la proportion entre la valeur de cette immobilisation à la date de la fusion, de la scission ou de l'apport partiel d'actif et la valeur, déterminée à cette même date, de toutes les immobilisations non amortissables conservées. II. En cas d'option pour le dispositif prévu au I, l'imposition de la plus-value d'échange de titres constatée par l'associé de la société civile absorbée ou scindée est reportée jusqu'à la perte de la propriété des titres reçus en rémunération de la fusion ou de la scission. ".

7. D'autre part, aux termes de l'article 93 quater du code général des impôts (CGI) : " I. Les plus-values à caractère professionnel réalisées sur des immobilisations sont soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 novodecies ". Aux termes de l'article 39 quindecies : " I. (...) 2. L'excédent éventuel des moins-values à long terme ne peut être imputé que sur les plus-values à long terme réalisées au cours des dix exercices suivants. / En cas de liquidation d'entreprise, l'excédent des moins-values à long terme sur les plus-values à long terme peut être déduit du bénéfice de l'exercice de liquidation dans la limite du rapport existant entre le taux d'imposition des plus-values à long terme applicable à l'exercice de réalisation des moins-values et le taux normal prévu au deuxième alinéa du I de l'article 219 applicable à l'exercice de liquidation. ".

8. Il résulte de l'instruction que M. C... exerçait la profession d'avocat à titre individuel depuis 2006 et disposait d'une clientèle acquise pour 50 000 euros. A l'occasion de la création de la SCP d'avocat Foucher-Galerneau en 2014, il a apporté 70 % de cette clientèle à la SCP et en a cédé 30 % à Mme F..., qui les a elle-même apportés à la SCP. Les parts ont alors été valorisées à 2 827,78 euros chacune. Cet apport a généré pour M. C... une plus-value d'un montant de 162 945 euros placée sous le régime du report d'imposition de l'article 151 octies du code général des impôts rappelé au point 6. M. C... a ensuite cédé 20 parts de la SCP à

Mme D... en 2016. Cette cession a mis fin au sursis d'imposition de la plus-value initiale à hauteur de ces 20 parts pour un montant de 46 556 euros et cette plus-value a été déclarée par

M. C... au titre des revenus perçus en 2016. Le 8 août 2017, M. C... a notifié son retrait de la SCP à ses associées tout en conservant la propriété des 50 parts lui restant. Le 12 juin 2019, Mme F... et D... ont notifié leur retrait volontaire de la SCP. La dissolution de la SCP a été validée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 5 juillet 2019. La dissolution de cette société a mis fin au bénéfice du report d'imposition initial pour les 50 parts restantes de M. C... à hauteur de 116 389 euros. Le service, par proposition de rectification du 25 mai 2022 adressée au terme d'un examen de la situation fiscale personnelle de M. C... et Mme A..., a rehaussé les revenus du foyer de ce dernier montant et l'a soumis au taux proportionnel de 12.8 % au titre de la plus-value professionnelle à long terme.

9. Si M. C... et Mme A... soutiennent qu'une quote-part de moins-value de long terme pouvait être imputée sur le bénéfice commercial de 148 515 euros déclaré par M. C... qui relevait du régime des bénéfices non commerciaux au titre de l'année 2021, le ramenant à zéro dès lors que les associés de la SCP se sont entendus sur une somme de 288 477 euros représentant la valeur des parts sociales de la SCP, soit une valeur unitaire de 2 884.77 euros, il résulte de l'instruction que la cour d'appel de Poitiers saisie d'un litige entre les associés de la SCP relatif à la valorisation des parts sociales, a ordonné le 4 juin 2019 une mesure d'expertise aux fins de déterminer la valeur des parts sociales à la date de la liquidation amiable de la SCP à compter du 17 juin 2019. Ainsi, compte tenu du litige encore pendant en 2022 devant la première chambre civile de la cour d'appel de Poitiers pour l'évaluation de la valeur des parts et alors qu'aucune pièce n'est produite par les intéressés permettant de fixer le prix de cession des parts à la date du retrait de la SCP de M. C..., aucune moins-value ne pouvait être imputée sur le résultat déclaré par M. C... pour son activité d'avocat exercée à titre individuel pour l'année 2021. En outre, il est constant que M. C... n'a perçu aucune somme représentant la valeur des parts sociales qu'il détenait à la date de son retrait ou à la date de la dissolution de la SCP. Enfin, alors même qu'une moins-value à long terme aurait été déterminée au titre de l'année 2021 elle ne pouvait être imputée en application de l'article 39 quindecies I-2-alinéa 2 du code général des impôts rappelé au point 7 que dans la limite du rapport existant entre le taux d'imposition des plus-values et le taux d'impôt sur les sociétés en vigueur lors de l'exercice de cession ou de cessation de la SCP et ne pouvait donc faire naître un résultat déficitaire imputable sur le revenu global de M. C... au titre de l'imposition à l'impôt sur le revenu de l'année 2021. Dans ces conditions, M. C... et Mme A... ne sont pas fondés à demander la décharge partielle des cotisations primitives d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2021.

Sur les frais de justice :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser la somme que demandent M. C... et Mme A... au titre des frais de justice.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 février 2024 est annulé.

Article 2 : La demande de M. C... et de Mme A... présentée devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT0103102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01031
Date de la décision : 12/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-12;24nt01031 ?
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