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12/11/2024 | FRANCE | N°24NT00449

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 12 novembre 2024, 24NT00449


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus et de contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2016 et 2017, ainsi que des intérêts de retard correspondants.



Par un jugement n°2011660 du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.



Procédure devant la cour :



Par une

requête enregistrée le 15 février 2024, M. A... C..., représenté par

Me De Larminat demande à la cour :



1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus et de contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2016 et 2017, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n°2011660 du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2024, M. A... C..., représenté par

Me De Larminat demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 décembre 2023 ;

2°) de prononcer la décharge totale des impositions et intérêts de retard contestés ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les redressements procèdent de la vérification de comptabilité de la SASU Kap et de rehaussements évalués d'office du fait d'une prétendue opposition à contrôle fiscal alors qu'il n'était plus le dirigeant de cette société au moment du contrôle ; l'opposition à contrôle fiscal n'était pas caractérisée ;

- il appartient à l'administration de justifier de l'envoi de l'avis de vérification, des mises en gardes et du procès-verbal d'opposition à la SASU Kap ; ces courriers ont été envoyés durant la période estivale et sur une durée n'excédant pas deux mois alors que le contrôle aurait pu être diligenté à compter du mois de septembre 2018 ;

- l'opposition à contrôle a le caractère d'une sanction ;

- il ne pouvait pas être informé qu'une procédure de contrôle était en cours dès lors qu'il n'était plus le gérant de la société ; il n'a eu aucune volonté de se soustraire à un contrôle fiscal ;

- l'article 109-1-1° du code général des impôts ne dispense pas l'administration de justifier que les revenus réputés distribués ont bien été distribués au maître de l'affaire si celui-ci le conteste ;

- l'article 110 du code général des impôts n'implique pas une équivalence automatique entre le redressement de la société et celui du contribuable ;

- il conteste l'existence d'un quelconque revenu distribué ; le principe d'indépendance des procédures impose à l'administration d'établir devant le juge de l'impôt l'existence et le montant des bénéfices sociaux distribués et appréhendés par l'associé ;

- dans l'hypothèse où l'opposition à contrôle fiscal serait retenue et que toutes les sommes réintégrées au résultat de la SASU Kap seraient réputées distribuées, cette situation ne résulte pas de son fait mais de celui de M. B... Asenov, qui n'a pas satisfait à sa responsabilité de dirigeant ; cette situation engendre une inégalité devant l'impôt ; l'imposition est contraire à l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 juillet 2024, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a été jusqu'au 17 janvier 2018 président de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Kap, immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 25 mars 2016 et radiée d'office après une clôture pour insuffisance d'actif par un jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 mars 2021. A la suite de la vérification de comptabilité portant sur la période du 25 mars 2016 au 31 décembre 2017, l'administration a, par une proposition de rectification du 6 novembre 2018, mis à la charge de M. C... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales pour les années 2016 et 2017, en raison de l'intégration dans son revenu imposable de revenus distribués par la SASU Kap. Ces impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2019. M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge de l'intégralité de ces impositions supplémentaires. Par un jugement du 22 décembre 2023, le tribunal a rejeté la requête. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, en raison du principe d'indépendance des procédures de rectification menées à l'encontre, d'une part, d'une société par actions simplifiée, fût-elle unipersonnelle, et, d'autre part, de son associé, les irrégularités de la procédure de redressement suivie à l'encontre de la société, à les supposer même établies, sont sans incidence sur l'imposition personnelle de l'associé au titre des revenus distribués entre ses mains en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, alors même que l'article 110 de ce code dispose que, pour la détermination de la base assujettie à l'impôt sur le revenu, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés.

3. Il suit de là que M. C... ne saurait utilement soutenir pour contester les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales pour les années 2016 et 2017 que les conditions dans lesquelles s'est déroulée la vérification de comptabilité de la SASU Kap ne caractérisaient pas une situation d'opposition à contrôle fiscal.

4. En tout état de cause, l'administration produit en défense la preuve des envois de l'avis de vérification de comptabilité du 29 juin 2018 ainsi que de deux courriers de mise en garde des 11 juillet 2018 et 9 août 2018, régulièrement adressés à l'adresse du siège social déclaré et connu du service à l'attention du président de la SASU Kap, qui n'ont pas été retirés. L'administration a également produit la preuve de l'envoi des deux mises en garde à M. Asenov, président de la société au moment du contrôle, à son adresse déclarée et qui sont demeurées sans suite.

Le procès-verbal d'opposition à contrôle a également été adressé au siège social de l'entreprise ainsi qu'à l'adresse déclarée de M. Asenov. Enfin, et en tout état de cause, la circonstance que

M. C... ne pouvait savoir qu'une procédure de contrôle était en cours dès lors qu'il n'était pas le gérant de la société est sans influence sur la régularité de la procédure dès lors que l'administration est tenue de procéder aux opérations de contrôle avec le contribuable ou, dans le cas d'une personne morale, avec son représentant légal et qu'il est constant qu'à la date des opérations de contrôle, M. C... n'était plus le représentant légal de la société. Ainsi, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à l'administration d'associer l'ancien gérant au contrôle de la société.

5. En second lieu, la procédure d'évaluation d'office prévue par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ne constituant pas une sanction ayant le caractère d'une punition,

M. C... ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que la procédure d'imposition suivie à son égard est irrégulière au motif qu'elle aurait contrevenu au principe d'individualisation des peines.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

7. M. C... conteste l'existence même d'un revenu distribué et soutient que l'administration n'apporte aucun élément de fait tendant à démontrer l'existence et la distribution des bénéfices.

8. Cependant, et d'une part, alors que l'administration a joint à la proposition de rectification du 6 décembre 2018 adressée à M. et Mme C... copie de la proposition de rectification adressée à la SASU Kap le même jour, il est constant que la SASU Kap n'a souscrit aucune déclaration de résultat et s'est trouvée au cours du contrôle en situation d'opposition à contrôle fiscal. Le chiffre d'affaires de la SASU Kap a donc été déterminé à partir des encaissements constatés sur les deux comptes bancaires appartenant à la SASU, après exercice d'un droit de communication auprès d'établissements bancaires. Les charges admises en déduction ont été fixées forfaitairement à 70 % des encaissements à défaut de présentation de tout document susceptible de justifier du montant des charges réellement supportées par l'entreprise. M. C... n'apporte aucun élément de nature à établir que le montant des encaissements retenus ou que le pourcentage forfaitaire de charges retenu aurait été mal apprécié.

9. D'autre part, M. C... ne conteste pas avoir été actionnaire unique et président de la SASU Kap jusqu'au 17 janvier 2018, date à laquelle des actes indiquant un changement de président et de siège social ont été déposés auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris.

Il ne conteste pas davantage que le service a constaté que lui seul a signé les chèques émis par la SASU Kap au cours de toute la période vérifiée alors même qu'un nouveau président avait été nommé au 1er septembre 2017. Par suite c'est bon droit que le service a estimé que M. A... C... était le seul détenteur du pouvoir d'engager la société auprès des tiers, disposait sans contrôle des fonds sociaux et qu'il pouvait par conséquent être regardé comme seul maître de l'affaire sur la période du 25 mars 2016 au 31 décembre 2017 et comme ayant appréhendé le bénéfice reconstitué de la SASU.

10. En deuxième lieu, le moyen tiré de la rupture d'égalité devant l'impôt est inopérant à l'encontre d'une imposition légalement établie. Par suite, M. C... n'est ni fondé à soutenir qu'il supporte une imposition liée à une procédure de taxation d'office dont il n'est pas responsable et qu'il ne peut contester, ni qu'il aurait été traité différemment s'il était demeuré gérant de la société ou si le nouveau gérant avait répondu aux mises en demeure adressées par l'administration.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande de décharges des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus et de contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2016 et 2017, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Sur les frais de justice :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser la somme que demandent M. C... au titre des frais de justice.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et l'industrie en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT0044902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00449
Date de la décision : 12/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : DE LARMINAT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-12;24nt00449 ?
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