La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/11/2024 | FRANCE | N°23NT02594

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 12 novembre 2024, 23NT02594


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu qui leur a été réclamée au titre de l'année 2016.



Par un jugement n° 2104585 du 28 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 août et 6 novembre 2023,

M. et

Mme. B..., représentés par Me Nicolaou, demandent à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) de prononcer...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu qui leur a été réclamée au titre de l'année 2016.

Par un jugement n° 2104585 du 28 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 août et 6 novembre 2023,

M. et Mme. B..., représentés par Me Nicolaou, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les comptes rendus des conseils d'administration et les rapports des commissaires aux comptes de la SAS Crédits Voyages ne font aucune référence directe ou indirecte à une politique du groupe au niveau de la holding Crédits Voyage ; l'administration n'apporte pas de preuves de ce que la SAS aurait une activité animatrice de son groupe ;

- s'agissant des autres participations dans quatre sociétés en nom collectif, il s'agit des investissements instaurés par la " loi Girardin " ; l'objectif est d'accorder aux contribuables une aide fiscale aux titres des investissements réalisés dans les secteurs considérés comme prioritaires pour le développement économique, énergétique et social des départements d'Outre-mer ; pour ces investissements, ils ne détiennent qu'une faible participation entre 8 et 12% et à l'issue de la construction de ces programmes ; dans ce contexte, que la SAS Crédits Voyage n'est pas une

" holding pure " dont l'objectif prioritaire serait de détenir des participations financières ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause l'abattement renforcé de 80% prévu par les dispositions de l'article 150-0 D du code général des impôts et appliqué celui de 65% prévu par cet article.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 novembre et 14 novembre 2023, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont cédé le 8 novembre 2016 les 500 actions de la SAS Crédits Voyages détenues depuis le 28 avril 2006, pour un montant de 6 millions d'euros à la société Financière FRSKL. La plus-value d'un montant de 5 717 500 euros résultant de cette cession a été reportée sur la déclaration des revenus n° 2042 au titre de l'année 2016 avec l'application de l'abattement renforcé de 85 % prévu au A du 1 quater de l'article 150-0-D du code général des impôts, soit un montant de plus-value imposée de 857 625 euros après application de cet abattement. L'administration, qui a procédé à un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme B..., a remis en cause l'application de l'abattement renforcé. Elle a en revanche appliqué lors de la détermination de la plus-value imposable rectifiée l'abattement de droit commun de 65 % prévu au b du 1 ter de l'article 150-0 D. Elle leur a adressé une proposition de rectification en date du 12 décembre 2019 suivant la procédure de rectification contradictoire prévue aux articles L 55 et suivants du livre des procédures fiscales, par laquelle elle a rehaussé la plus-value sur cession de titres de la SAS Crédits Voyages. Par un jugement du 28 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu qui leur a été réclamée au titre de l'année 2016.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 150-0 D du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci (...). / Les gains nets résultant de la cession à titre onéreux ou retirés du rachat d'actions, de parts de sociétés, de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, (...) sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article. / (...) 1 ter. L'abattement mentionné au 1 est égal à : (...) / b) 65 % du montant des gains nets ou des distributions lorsque les actions, droits ou titres sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession ou de la distribution. (...) / 1 quater. A.- Par dérogation au 1 ter, lorsque les conditions prévues au B sont remplies, les gains nets sont réduits d'un abattement égal à : / (...) 3° 85 % de leur montant lorsque les actions, parts ou droits sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession. / B.- L'abattement mentionné au A s'applique : / 1° Lorsque la société émettrice des droits cédés respecte l'ensemble des conditions suivantes : / a) Elle est créée depuis moins de dix ans et n'est pas issue d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension ou d'une reprise d'activités préexistantes. Cette condition s'apprécie à la date de souscription ou d'acquisition des droits cédés ; / (...) Lorsque la société émettrice des droits cédés est une société holding animatrice, au sens du troisième alinéa du V de l'article 885-0 V bis, le respect des conditions mentionnées au présent 1° s'apprécie au niveau de la société émettrice et de chacune des sociétés dans laquelle elle détient des participations. (...) ". Aux termes de l'article 885-0 V bis du même code, alors applicable auquel il est ainsi renvoyé : " (...) une société holding animatrice s'entend d'une société qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, participe activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales et rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers (...). ".

3. Il résulte des dispositions précitées que le bénéfice des dispositions du A du 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts est subordonné, notamment, à la condition que la société, dont les titres ou droits sont cédés, ait été créée depuis moins de dix ans à la date de leur souscription ou de leur acquisition. Lorsque la société émettrice des titres ou droits cédés est une société holding animatrice, au sens du troisième alinéa du V de l'article 885-0 V bis, cité ci-dessus, le respect de cette condition doit être apprécié non seulement à son niveau, mais également à celui de chacune des sociétés dans laquelle elle détient des participations. Afin d'effectuer cette appréciation, il a lieu de se placer à la date d'acquisition des titres ou droits de la holding quand celle-ci détient, à cette date, des participations dans la société considérée, ou à la date à laquelle la holding acquiert les titres de la société considérée quand cette acquisition intervient postérieurement à l'acquisition des titres ou droits de la holding. Il en va ainsi notamment lorsque les titres de la société holding ont été remis en rémunération d'un apport de titres d'une autre société.

4. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification que, pour remettre en cause l'abattement renforcé de 85 % appliqué sur la plus-value résultant de la cession par M. et Mme B... des titres de la SAS Crédits Voyages, l'administration a considéré que cette dernière devait être qualifiée de société holding animatrice de groupe pour l'application du

1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts au motif que, en détenant des participations dans des sociétés exerçant une activité de gestion de patrimoine immobilier, elle ne remplissait pas les conditions prévues au 1° du B du 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts.

5. En ce qui concerne la SAS Crédits Voyages, celle-ci, qui détenait, à la date de la cession en cause, 89,89 % du capital de la SARL Conseil Social Voyage, 20 % de celui de la SARL Immovista et 20 % de celui de la SCI La Mare aux Ornes. La SARL Conseil Social Voyage détenait elle-même 8,81 % du capital de la SNC de la Madeleine, 8,23 % de celui de la SNC Serenitys 2013, 8,58 % de celui de la SNC Wonche et 12,44 % de celui de la SNC Mangoustan, exerçait une activité opérationnelle propre consistant à domicilier du courrier de personnes issues de la communauté des gens du voyage ayant souscrit des prêts auprès de la banque Crédit coopératif et à diligenter des mesures de recouvrement amiable de ces prêts. Elle exerçait également une activité de prestation de services à destination de sa filiale, la SARL Conseil Social Voyage, à laquelle elle facturait des prestations administratives et de secrétariat. Les revenus perçus par la SAS Crédits Voyages avant la cession du 8 novembre 2016 et les dividendes issus de ses participations et les prestations de services facturées à sa filiale Conseil Social Voyage représentaient une part significative de ses revenus. Ainsi, le caractère de " holding animatrice " de la SAS Crédits Voyages, à savoir détenir des participations dans des sociétés en vue d'y exercer une participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales est établi. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que la SAS Crédits Voyages devait être qualifiée de société holding animatrice, contrairement à ce que les requérants soutiennent.

6. En ce qui concerne chaque société dans laquelle la SAS Crédits Voyages détenait des participations, le vérificateur a relevé que toutes les sociétés dans lesquelles la SAS Crédits Voyages détenait des participations ne remplissaient pas l'ensemble des conditions d'application de l'abattement renforcé mentionnées au 1° du B du 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts, certaines d'entre elles exerçant une activité de gestion de leur propre patrimoine immobilier. Il résulte de l'instruction qu'à la date de la cession, la société Immovista, détenue à hauteur de 20 % par la SAS Crédits Voyages, détenait elle-même à la date de la cession, un immeuble situé au 8 rue du Bois Sauvage à Évry acquis pour 320 000 euros depuis octobre 2008, une maison d'habitation à Plougrescant (Côtes d'Armor) acquis pour 392 500 euros depuis janvier 2012, un appartement situé à Fontainebleau acquis pour 454 200 euros depuis septembre 2012, une propriété à usage commercial et d'habitation à Cavan (Côtes d'Armor) acquis pour

290 000 euros depuis novembre 2015 et un terrain à bâtir à Abondance (Haute-Savoie) acquis pour 328 248 euros depuis décembre 2015. Il résulte aussi de l'instruction que la SCI La Mare aux Ornes, détenue à hauteur de 20 % par la SAS Crédits Voyages, détenait elle-même à la même date de cession un ensemble immobilier à Achères-la-Forêt (Seine-et-Marne) acquis pour

780 000 euros depuis octobre 2004 et une maison d'habitation et un parc paysager à Plougrescant (Côtes d'Armor) acquis pour 860 000 euros depuis février 2011.Quant à la SARL Conseil Voyages, elle possède pour sa part 8,81 % des parts de la SNC Madeleine, 8,23 % de celles de la SNC Serenity 2013, 8,58 % de celles de la SNC Wonche et 12,44 % de celles de la SNC Mangoustan relevant d'investissements outre-mer. Par ailleurs, dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SAS Crédits Voyages, l'administration a constaté que le poste " créances rattachées à des participations " correspondait à des financements d'investissements immobiliers réalisés par la SAS Crédits Voyages. Ainsi, la SAS Crédits Voyages, en tant que société holding animatrice, a détenu des participations dans des sociétés, qui n'exerçaient pas de manière continue et exclusive au cours des cinq années précédant la cession, une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, mais se consacraient à la gestion de leur propre patrimoine immobilier.

7. Il résulte des points 5 et 6 que c'est à bon droit que l'administration, en appréciant si les conditions permettant de bénéficier de l'abattement renforcé tant au niveau de la SAS Crédits Voyages qu'à celui des sociétés dans lesquelles elle détient des participations étaient respectées, a remis en cause le bénéfice de l'abattement forcé de 85 % et lui a substitué l'abattement de droit commun de 65 %.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. Les requérants ne sauraient en tout état de cause se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du point 7 du II de l'instruction référencée

BOI-RPPM-PVBMI-20-30-10 qui ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président

G. QUILLÉVÉRÉLa greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT0259402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02594
Date de la décision : 12/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SELAFA CHAINTRIER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-12;23nt02594 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award