Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 19 février 2024 du préfet du Finistère portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant son pays de renvoi, l'obligeant à remettre son passeport et à sa rendre une fois par semaine aux services de la police nationale de Brest.
Par un jugement n° 2401585 du 14 juin 2024, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet du Finistère, sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain dans le délai d'un mois à compter de sa notification et a mis à la charge de la l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 juin 2024, le préfet du Finistère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 juin 2024 dans toutes ses dispositions ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par M. B....
Il soutient que l'employeur Alpha Propreté a sollicité une autorisation de travail pour un étranger résidant " hors de France " ; de plus, M. B..., qui ne dispose pas d'un titre de séjour en cours de validité, ne pouvait solliciter la délivrance d'une autorisation de travail pour étranger résidant en France mais devait solliciter une admission exceptionnelle au séjour ; l'autorisation de travail a été accordée pour un étranger résidant hors de France sur la base des déclarations frauduleuses de la société Alpha Propreté ; il ne pouvait que refuser le titre de séjour sollicité par l'intéressé dès lors que celui-ci ne justifiait ni d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, ni d'une visite médicale, ni d'un visa de long séjour en cours de validité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2024, M. M'hamed B..., représenté par Me Nohe-Thomas, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet du Finistère ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique:
Considérant ce qui suit :
1. Le 24 août 2023, M. B..., ressortissant marocain, a sollicité un titre de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 19 février 2024, le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer ce titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de renvoi, et l'a obligé à remettre son passeport et à sa rendre une fois par semaine aux services de la police nationale de Brest. L'intéressé a contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Rennes, qui, par un jugement du 14 juin 2024, a annulé l'arrêté du 19 février 2024, a enjoint au préfet du Finistère, sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain dans le délai d'un mois à compter de sa notification et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Le préfet du Finistère relève appel de ce jugement.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles (...) ". L'article 1er du même accord prévoit que : " Les ressortissants marocains résidant en France et titulaires, à la date d'entrée en vigueur du présent Accord, d'un titre de séjour dont la durée de validité est égale ou supérieure à trois ans bénéficient de plein droit, à l'expiration du titre qu'ils détiennent, d'une carte de résident valable dix ans (...) ".
3. Il est constant qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour en qualité de salarié, M. B... s'est prévalu d'une autorisation de travail portant la mention " résidant hors de France " accordée le 9 mai 2023. La décision contestée est fondée sur le fait que cette autorisation de travail ne correspond pas à la situation de l'intéressé qui a déclaré ne pas être retourné au Maroc depuis 2013. Le préfet en a déduit que le demandeur ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en application de l'article 3 de l'accord franco-marocain. Si l'intéressé a invoqué en première instance une erreur des services de l'Etat, l'imprimé Cerfa correspondant à une demande d'autorisation portant la mention " résidant en France " qu'il a produit, n'est revêtu ni du cachet de la société Alpha Propreté, qui souhaitait l'employer dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'agent d'entretien, ni de la signature de son dirigeant, de sorte qu'il existe un doute sur la demande effectivement présentée par la société. En tout état de cause, le préfet soutient en appel, qu'il ne pouvait que refuser le titre de séjour sollicité par M. B..., qui ne possédait aucun titre de séjour depuis 2016, dès lors que celui-ci ne justifiait ni d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, ni d'une visite médicale. Il est constant en effet que si une carte de séjour pluriannuelle valide du 16 octobre 2013 au 15 octobre 2016 portant la mention " travailleur saisonnier " a été accordée M. B..., il s'est néanmoins maintenu irrégulièrement en France au-delà de cette date. L'absence des documents et formalités prévus par l'article 3 de l'accord franco-marocain, constitue par suite un motif qui justifiait à lui seul le refus de titre de séjour sollicité par l'intéressé. Le préfet du Finistère aurait, dès lors, pu prendre la même décision en se fondant sur ce motif, lequel ne prive l'intéressé d'aucune garantie. Dans ces conditions, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté au motif qu'il aurait entaché sa décision d'un examen insuffisant de la situation personnelle de l'intéressé au regard des dispositions de l'accord franco-marocain.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes.
5. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. François Drapé, secrétaire général de la préfecture du Finistère. Par un arrêté du 30 août 2023 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 29-2023-104 du 8 septembre suivant, le préfet du Finistère a donné délégation à M. A... à l'effet de signer en toutes matières, en cas d'absence ou d'empêchement du préfet, tous les actes relevant des attributions de ce dernier, à l'exception de décisions aux nombres desquelles ne figurent ni les refus de titre de séjour, ni les décisions portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux comporte les considérations de droit et de fait sur la base desquelles il a été pris. Par suite, il est suffisamment motivé. Par ailleurs, en indiquant que, selon ses déclarations, M. B... serait présent en France depuis 2013 mais que l'intéressé n'apportait aucun document probant de sa présence continue en France depuis 2013, le préfet n'a entaché ses décisions d'aucune contradiction. Enfin, contrairement à ce que soutient l'intéressé, le préfet a fait mention de la présence de sa sœur dans le Finistère et de plusieurs autres membres de sa famille en France. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté litigieux serait insuffisamment motivé et révèlerait un défaut d'examen de la situation de M. B... ne peuvent qu'être écartés.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il est constant que M. B..., qui a vécu plus de trente ans au Maroc, est célibataire et sans enfant. Par ailleurs, si l'intéressé se prévaut de la présence en France de sa sœur et de son beau-frère, les seules attestations qu'il produit ne suffisent pas à établir qu'il aurait tissé, en France, des liens personnels stables et d'une particulière intensité. De plus, s'il indique ne plus avoir de famille dans son pays d'origine, la décision contestée mentionne au contraire que ses parents et deux de ses frères y résident. Le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut dès lors qu'être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain. Toutefois, si l'accord franco-marocain ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant marocain qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
10. Ainsi qu'il a été dit M. B... a bénéficié d'une carte de séjour pluriannuelle valide du 16 octobre 2013 au 15 octobre 2016 en qualité de travailleur saisonnier. L'intéressé soutient qu'il n'est pas retourné dans son pays d'origine depuis 2013. A cet égard, le préfet fait valoir qu'il n'a ainsi pas respecté les conditions imposées par ce statut, qui implique qu'entre deux contrats l'intéressé séjourne dans son pays d'origine. L'intéressé précise en outre qu'entre 2013 et 2023 il a travaillé comme peintre en bâtiment, plaquiste ou agent d'entretien tout en n'étant pas " déclaré ". Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne justifie pas d'une intégration particulière à la société française. Dans ces conditions, en refusant de régulariser sa situation le préfet n'a pas entachée sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. La décision portant refus de titre de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités invoquées par M. B..., ce dernier n'est pas fondé à se prévaloir de cette illégalité au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
12. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnées aux points 5 à 8, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été incompétemment prise, serait insuffisamment motivée, révèlerait un défaut d'examen de la situation de M. B... et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.
Sur la légalité de la décision l'obligeant à se présenter aux services de police :
13. Les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant entachées d'aucune des illégalités invoquées par M. B..., ce dernier n'est pas fondé à demander, par voie de conséquence, l'annulation de la décision l'obligeant à remettre son passeport aux services de la police nationale de Brest et à se présenter une fois par semaine aux mêmes services.
14. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire. ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement (...) ".
15. Il est constant que M. B..., qui ne bénéficie depuis 2016 d'aucun titre de séjour l'autorisant à séjourner en France, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français depuis cette date. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'il ne présentait aucun risque de fuite. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en l'obligeant à remettre son passeport et à se présenter une fois par semaine afin qu'il justifie des démarches entreprises pour quitter le territoire français dans le délai de trente jours qui lui était imparti, le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Finistère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 19 février 2024, lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain dans le délai d'un mois et a mis la somme de 1 200 euros à la charge de l'Etat au titre des dispositions des article 37 de la loi du 10 juillet 1971 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2401585 du 14 juin 2024 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par M. B... ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B....
Une copie en sera transmise pour information au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 novembre 2024.
La rapporteure,
V. GELARDLa présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01873