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08/11/2024 | FRANCE | N°24NT00028

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 08 novembre 2024, 24NT00028


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 16 juin 2021 par laquelle le maire de Bain-de-Bretagne a décidé d'acquérir, par voie de préemption, le bien cadastré AD 137 situé 10 place de la République sur le territoire de la commune, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre à la commune de Bain-de-Bretagne de mettre fin aux effets de cette décision et de proposer le bien à M. B... ou à la SCI Malian au prix figuran

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 16 juin 2021 par laquelle le maire de Bain-de-Bretagne a décidé d'acquérir, par voie de préemption, le bien cadastré AD 137 situé 10 place de la République sur le territoire de la commune, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre à la commune de Bain-de-Bretagne de mettre fin aux effets de cette décision et de proposer le bien à M. B... ou à la SCI Malian au prix figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner, dans un délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2105636 du 8 novembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 16 juin 2021 par laquelle le maire de la commune de Bain-de-Bretagne a préempté l'immeuble cadastré section AD 137, ainsi que la décision du 27 août 2021 rejetant le recours gracieux de M. B..., et a enjoint à la commune de Bain-de-Bretagne de proposer aux anciens propriétaires d'acquérir le bien préempté, dans les conditions prévues à l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et en cas de refus exprès ou tacite de ceux-ci, de proposer à M. B... d'acquérir ce bien dans les mêmes conditions, dans un délai de deux mois à compter de ce refus.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2024 et un mémoire enregistré le 28 juin 2024 qui n'a pas été communiqué, la commune de Bain-de-Bretagne, représentée par Me Fleischl, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 novembre 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de préemption était suffisamment motivée ;

- elle justifiait d'un projet réel fondant la décision de préemption ;

- aucun autre moyen soulevé en première instance n'était fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2024, M. B..., représenté par Me Béguin, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la commune de Bain-de-Bretagne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la commune en appel ne sont pas fondés et doivent être écartés ;

- à titre subsidiaire, la décision contestée est entachée d'un vice de compétence.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Laville Collomb, substituant Me Fleischl, pour la commune de Bain-de-Bretagne, et de Me Delagne, substituant Me Beguin, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a souhaité acquérir un bien cadastré section AD n° 137 situé 10 place de la République au cœur du centre-ville de la commune de Bain-de-Bretagne, composé d'une maison d'habitation et d'un commerce au rez-de-chaussée. La commune, informée du projet de M. B... par la déclaration d'intention d'aliéner déposée par Me Clouteau, notaire, pour le compte du vendeur, a décidé de préempter ce bien par une décision du 16 juin 2021. M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cette décision. Par un jugement du 8 novembre 2023, le tribunal a annulé la décision du 16 juin 2021 du maire de la commune de Bain-de-Bretagne et a enjoint à celle-ci de proposer aux anciens propriétaires d'acquérir le bien préempté, dans les conditions prévues à l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et en cas de refus exprès ou tacite de ceux-ci, de proposer à M. B... d'acquérir ce bien dans les mêmes conditions. La commune de Bain-de-Bretagne fait appel de de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. ". Aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. La mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

3. En premier lieu, l'arrêté litigieux mentionne que : " le bâtiment répond à un double enjeu politique, à savoir / 1°) aider et surtout participer activement à la rénovation urbaine à travers une politique d'encouragement mais également en s'impliquant directement dans la requalification et la rénovation des bâtiments vieillissants et lutter contre la vétusté et le nombre importants de logements vacants qui mettent à mal la qualité du cœur de ville, son modèle écologique et empêchent d'accueillir convenablement de nouveaux habitants en centre-ville, / 2°) la mise en œuvre d'une politique de préemption pour dynamiser le commerce local en installant des commerces manquants en centre-ville ou pour éviter la disparition de certaines activités, ou encore pour favoriser l'installation de commerce dans une cellule libre et participative... considérant sur ce second point qu'il convient de maintenir un équilibre entre les activités de commerce et celles de services dans le centre-ville car celui-ci est essentiel pour conserver une dynamique du territoire, considérant que la commune intervient en ce sens puisque sans préemption, le bâtiment sera vendu à une agence immobilière déjà installée dans le périmètre de centralité, considérant qu'un certain nombre d'agences immobilières se sont déjà installées ou déplacées dans le périmètre de sauvegarde du centre-ville, ce qui limite fortement la diversité des commerces et services (...) ". S'agissant du premier objectif indiqué dans la décision contestée, à savoir la rénovation d'un bâtiment vieillissant et la lutte contre la vétusté et le nombre important de logements vacants, il fait seulement référence aux politiques publiques en jeu et est trop général pour faire apparaître la nature du projet. A cet égard, la commune de Bain-de-Bretagne ne saurait utilement se référer au plan local de l'habitat, ce dernier n'étant d'ailleurs pas repris dans la décision contestée. Concernant le deuxième objectif mentionné, relatif à l'installation d'un commerce, il ne fait pas davantage apparaitre la nature du projet, en l'absence de mention du type d'activités commerciales qui y serait exercé. Si la décision se réfère à un périmètre de sauvegarde du commerce et des services, ce périmètre porte sur l'exercice du droit de préemption commercial, alors qu'en l'espèce c'est le droit de préemption urbain qui a été exercé. En tout état de cause, ce périmètre de sauvegarde consiste uniquement en un zonage, sans véritable programme de diversification et de développement du commerce de proximité. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif a retenu le motif tiré de ce que la décision litigieuse ne satisfait pas aux exigences de motivation découlant de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme.

4. En second lieu, d'une part, pour justifier de la réalité d'un projet d'installation d'un commerce, la commune de Bain-de-Bretagne se prévaut du périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat du 15 décembre 2014, de la convention dite " Petites villes de demain " signée avec une autre commune, un établissement de coopération intercommunale, l'Etat et le département d'Ille-et-Vilaine, de l'annonce, par le programme de la liste élue "Bain-de-Bretagne Demain" pour les élections municipales de 2020, de la mise en œuvre d'une politique de préemption en vue de l'installation de commerces autres que des services, du compte-rendu de la commission municipale commerce et finances locales du 18 juin 2020, du projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme intercommunal qui contient l'objectif d'éviter l' " évaporation commerciale " du centre-ville et d'un compte-rendu de la réunion de la commission développement économique de Bretagne Porte de Loire Communauté du 13 octobre 2020 mentionnant un travail sur le projet d'une boutique à l'essai. Toutefois, si ces documents illustrent les objectifs d'une politique de réhabilitation du centre-ville, à laquelle se réfère la décision du 16 juin 2021, pour y favoriser la diversification et la " dynamisation " des commerces et la création ou la rénovation de logements permettant d'éviter les logements vacants et " d'accueillir convenablement de nouveaux habitants en centre-ville ", ils ne justifient pas de la réalité d'un projet auquel serait affecté le bien préempté, et en particulier ne mentionnent pas le type de commerce éventuellement souhaité. Quant à l'étude de l'offre commerciale de novembre 2017 dont se prévaut également la commune, seuls des extraits sont produits et elle a été réalisée plusieurs années avant la décision en litige. D'autre part, s'agissant du projet de rénovation du bâti, la convention d'adhésion " Petites villes de demain ", rédigée en des termes vagues, le volet plan local de l'habitat du plan local d'urbanisme intercommunal de Bretagne Porte de Loire Communauté, approuvé par une délibération du 12 mars 2020 mais qui ne mentionne aucun secteur, et un extrait du compte-rendu sommaire de la réunion du conseil de communauté du 20 octobre 2020, ne faisant qu'approuver le principe d'une aide de la communauté de communes Bretagne Porte de Loire Communauté pour la rénovation des façades en centre-ville, ne suffisent pas à établir sa réalité, cet objectif n'apparaissant d'ailleurs pas déterminant pour la commune au regard des termes de la décision de préemption en cause. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif a retenu également le moyen tiré de l'absence de projet réel de la commune pour annuler la décision de préemption du 16 juin 2021 prise par le maire de Bain-de-Bretagne.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bain-de-Bretagne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 16 juin 2021 par laquelle le maire de la commune de Bain-de-Bretagne a préempté l'immeuble cadastré section AD 137, ainsi que la décision du 27 août 2021 rejetant le recours gracieux de M. B..., et a enjoint à la commune de Bain-de-Bretagne de proposer aux anciens propriétaires d'acquérir le bien préempté et, en cas de refus exprès ou tacite de ceux-ci, de proposer à M. B... d'acquérir ce bien dans les mêmes conditions.

Sur les frais liés au litige :

6. M. B... n'étant pas la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge la somme que demande, à ce titre, la commune de Bain-de-Bretagne. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bain-de-Bretagne la somme de 1 500 euros au bénéfice de M. B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Bain-de-Bretagne est rejetée.

Article 2 : La commune de Bain-de-Bretagne versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bain-de-Bretagne et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.

La rapporteure,

P. PICQUET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00028
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : MARTIN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-08;24nt00028 ?
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