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08/11/2024 | FRANCE | N°23NT03610

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 08 novembre 2024, 23NT03610


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 10 décembre 2019 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a refusé de rétablir à son profit les conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile.



Par une ordonnance n° 2000230 du 11 octobre 2023, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa requête sur le fondement des dispositions d

es 5° et 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.



Procédure devant la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 10 décembre 2019 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a refusé de rétablir à son profit les conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile.

Par une ordonnance n° 2000230 du 11 octobre 2023, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa requête sur le fondement des dispositions des 5° et 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 décembre 2023, et un mémoire enregistré le 17 octobre 2024 qui n'a pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Bernard, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 11 octobre 2023 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler la décision du 10 décembre 2019 par laquelle l'OFII a refusé de rétablir à son profit les conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile ;

3°) d'enjoindre à l'OFII de rétablir le bénéfice des conditions matérielles d'accueil avec effet au 10 décembre 2019 dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal administratif ne pouvait rejeter sa requête de première instance par ordonnance en application du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

- la décision attaquée de l'OFII du 10 décembre 2019 est insuffisamment motivée ;

- la décision attaquée de l'OFII méconnaît les dispositions des articles L. 744-1 et L. 744-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dès lors que c'est à tort que l'OFII l'a regardé comme n'ayant pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités chargées de l'asile ;

- la décision attaquée de l'OFII est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'elle indique qu'il aurait été admis au bénéfice des conditions matérielles d'accueil le 15 octobre 2019, alors qu'il s'agit en réalité du 15 octobre 2018 ;

- la décision attaquée de l'OFII est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'aucune décision de suspension des conditions matérielles d'accueil n'a été matérialisée ou notifiée ;

- la décision attaquée de l'OFII est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'il a respecté l'obligation de se présenter aux autorités en charge de l'asile ;

- l'OFII a méconnu les exigences de proportionnalité et de respect de la dignité humaine garanties par le droit européen ;

- il n'a à aucun moment bénéficié d'un entretien personnel relatif à sa vulnérabilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2024, l'OFII, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens invoqués par l'appelant sont infondés ;

- en tant que de besoin, l'OFII demande à ce qu'à la base légale de la décision litigieuse soit substituée celle du 1° de l'article L. 744-8 du CESEDA ;

- si la cour devait juger que l'OFII n'est pas fondé à considérer que le requérant a méconnu les exigences des autorités chargées de l'asile en ne se présentant pas aux convocations de la préfecture, il est sollicité que soit substitué à ce motif celui tiré de la méconnaissance des exigences des autorités chargées de l'asile en ne procédant pas au renouvellement de son attestation de demande d'asile et en se maintenant en situation irrégulière sur le territoire français sans régulariser sa situation.

Un mémoire, enregistré le 21 octobre 2024, après la clôture de l'instruction, a été présenté pour M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabernaud,

- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant sierra-léonais né le 27 janvier 1993, est entré sur le territoire français le 15 septembre 2018 et a présenté une demande d'asile qui a été enregistrée le 15 octobre 2018 par le préfet du Calvados. Par arrêté du 19 décembre 2018, le préfet de la Seine-Maritime a décidé son transfert vers l'Espagne aux fins d'examen de ladite demande par les autorités de ce pays. Par une décision du 4 avril 2019, l'OFII a suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Par une décision du 10 décembre 2019, l'OFII a rejeté sa demande tendant au rétablissement des conditions matérielles d'accueil. L'intéressé a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler cette décision de rejet de l'OFII du 10 décembre 2019. Par une ordonnance du 11 octobre 2023, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa requête. M. B... fait appel de cette ordonnance.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ".

3. Pour rejeter, par l'ordonnance attaquée prise sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2019 par laquelle l'OFII a refusé de rétablir à son profit les conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Caen a considéré que le requérant ne faisait valoir qu'un moyen de légalité externe manifestement infondé, des moyens tirés de l'absence d'entretien d'évaluation de vulnérabilité et d'erreur de fait inopérants, un moyen tiré de la méconnaissance des exigences de proportionnalité et de respect de la dignité humaine garanties par le droit européen dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et, enfin, un moyen tiré du fait que l'intéressé avait bien respecté ses obligations de présentation devant les autorités chargées de l'asile qui n'était assorti que de faits manifestement insusceptibles de venir à son soutien.

4. Toutefois, sur ce dernier point, il résulte des termes mêmes de la requête de première instance que M. B... avait précisé, à l'appui de son moyen, qu'il ne pouvait pas être considéré comme en fuite, ainsi que le constatait une ordonnance de la cour administrative d'appel de Douai n°19DA01361 du 18 septembre 2019. Cette ordonnance a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté précité du 19 décembre 2018 de la préfète de la Seine-Maritime portant transfert de l'intéressé aux autorités espagnoles au motif que le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder à son transfert était expiré. La cour a considéré à ce titre que l'autorité préfectorale, qui n'avait pas présenté d'observations en défense devant elle, n'établissait pas avoir constaté la fuite de M. B.... Si l'ordonnance de la cour était dépourvue de l'autorité de la chose jugée à l'égard du litige relatif à la décision contestée de l'OFII du 10 décembre 2019, faute d'identité d'objet, elle constituait toutefois, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Caen, un élément de fait qui était susceptible de venir au soutien du moyen de M. B... tiré de ce qu'il avait bien respecté ses obligations de présentation devant les autorités chargées de l'asile et qu'il ne pouvait pas être considéré comme en fuite.

5. Il suit de là que la demande de M. B... ne pouvait être rejetée par une ordonnance prise sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. L'ordonnance attaquée est, par suite, entachée d'incompétence et doit être annulée.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Caen.

Sur la légalité de la décision de l'OFII du 10 décembre 2019 :

7. En premier lieu, la décision de l'OFII du 10 décembre 2019 refusant de rétablir au profit de M. B... les conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

8. En, deuxième lieu, si M. B... soutient qu'il n'a, à aucun moment, été reçu dans le cadre d'un entretien visant à évaluer sa vulnérabilité, il ressort toutefois des pièces produites par l'OFII qu'il a bénéficié d'un tel entretien le 15 octobre 2018. Dans ces conditions, le moyen, qui manque en fait, doit être écarté.

9. En troisième lieu, il n'est pas établi que l'OFII aurait méconnu les exigences de proportionnalité et de respect de la dignité humaine garanties par le droit européen. Dès lors, le moyen, qui est au demeurant insuffisamment précis, doit être écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 744-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile, au sens de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de la demande d'asile par l'autorité administrative compétente, en application du présent chapitre. (...) ". L'article L. 744-7 du même code applicable au litige dispose que : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, définies à l'article L. 348-1 du code de l'action sociale et des familles et à l'article L. 744-1 du présent code, est subordonné à l'acceptation par le demandeur d'asile de l'hébergement proposé, déterminé en tenant compte de ses besoins, de sa situation au regard de l'évaluation prévue à l'article L. 744-6 et des capacités d'hébergement disponibles (...) ". L'article L. 744-8 dudit code dans sa version applicable au litige dispose que : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile ; (...) ".

11. Pour refuser le rétablissement des conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile à M. B..., qui avaient été suspendues par une décision du 4 avril 2019 au motif que ce dernier n'avait pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités chargées de l'asile, l'OFII, aux termes de la décision litigieuse du 10 décembre 2019, a opposé l'absence de justifications apportées par l'intéressé permettant d'expliquer les raisons du non-respect de cette obligation. Pour contester ce motif, le requérant soutient qu'il a respecté ladite obligation et qu'il n'a jamais été déclaré en fuite, ainsi que l'a jugé la cour administrative d'appel de Douai dans son ordonnance précitée du 18 septembre 2019. Toutefois, ainsi qu'il a été dit plus haut, cette dernière n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée à l'égard du présent litige. Par ailleurs, la cour a seulement constaté que la préfecture de la Seine-Maritime, qui n'avait pas produit de défense devant elle, n'établissait pas avoir déclaré l'intéressé en fuite. Il ressort au contraire des pièces produites par l'OFII devant la cour de céans, qui ne sont pas sérieusement contestées, que M. B..., suite à l'arrêté précité du 19 décembre 2018 portant transfert aux autorités espagnoles, ne s'est pas présenté à deux convocations préfectorales et a donc été déclaré en fuite le 4 avril 2019, entraînant la suspension des conditions matérielles d'accueil par la décision précitée du même jour présentée le 5 avril suivant au lieu d'hébergement de l'intéressé mais non réclamée par ce dernier. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il a respecté l'obligation de se présenter aux autorités chargées de l'asile et que la décision attaquée serait entachée d'erreur de fait.

12. En dernier lieu, si la décision de l'OFII du 10 décembre 2019 indique que M. B... a accepté le bénéfice des conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile le 15 octobre 2019, alors qu'il s'agit en réalité du 15 octobre 2018, cette erreur purement matérielle est toutefois sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse, dès lors qu'elle n'a pas conduit l'OFII à opposer des textes inapplicables à la situation du requérant, contrairement à ce que soutient ce dernier.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de l'OFII du 10 décembre 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 11 octobre 2023 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Caen est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Caen ainsi que le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- M. Chabernaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.

Le rapporteur,

B. CHABERNAUDLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03610


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03610
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Benjamin CHABERNAUD
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-08;23nt03610 ?
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