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08/11/2024 | FRANCE | N°23NT02258

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 08 novembre 2024, 23NT02258


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision du 28 juillet 2020 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a refusé le bénéfice rétroactif de l'allocation pour demandeur d'asile à compter du 27 décembre 2018, et, d'autre part, d'enjoindre à l'OFII de rétablir le bénéfice de ladite allocation à compter de cette date, ou, subsidiairement, à compter du 16 janvier 2020, ou, très subsidiai

rement, à compter du 3 avril 2020.



Par un jugement n° 2008313 du 24 mai 2023, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision du 28 juillet 2020 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a refusé le bénéfice rétroactif de l'allocation pour demandeur d'asile à compter du 27 décembre 2018, et, d'autre part, d'enjoindre à l'OFII de rétablir le bénéfice de ladite allocation à compter de cette date, ou, subsidiairement, à compter du 16 janvier 2020, ou, très subsidiairement, à compter du 3 avril 2020.

Par un jugement n° 2008313 du 24 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision précitée de l'OFII du 28 juillet 2020 en tant qu'elle refuse à M. C... le versement de l'allocation pour demandeur d'asile pour la période du 16 janvier 2020 au 19 mai 2020 et lui a enjoint de procéder à ce versement dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 juillet 2023 et 16 février 2024, l'OFII demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 mai 2023 ;

2°) de rejeter la requête de M. C....

L'OFII soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'un vice de forme dès lors que la minute de ce jugement n'est pas signée ;

- en annulant la décision en litige sans rechercher si l'Etat responsable de la demande d'asile avait refusé d'examiner celle-ci, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;

- il était en droit de refuser l'allocation pour demandeur d'asile pour la période du 16 janvier au 19 mai 2020 compte tenu de la méconnaissance par M. C... de l'arrêté de transfert et donc des exigences posées par les autorités de l'asile ; un demandeur d'asile qui revient en France, malgré l'exécution d'un arrêté de transfert, méconnaît les exigences des autorités d'asile et l'enregistrement de sa demande d'asile en procédure normale n'a donc pas pour conséquence de lui ouvrir un droit inconditionnel au bénéfice des conditions matérielles d'accueil ;

- il sollicite à titre subsidiaire une substitution de motifs tendant à regarder la demande d'asile du 27 décembre 2018 comme une demande de réexamen justifiant ainsi la décision de refus litigieuse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2024, M. C..., représenté par Me Rodrigues Devesas, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'OFII en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que les moyens invoqués par l'OFII sont infondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabernaud,

- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant tchadien né le 17 avril 1993, est entré sur le territoire français en janvier 2018 et a fait l'objet d'un arrêté de transfert vers l'Italie, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, exécuté le 26 septembre 2018. Il est de nouveau entré en France à la fin de l'année 2018 et a présenté une nouvelle demande d'asile, enregistrée le 27 décembre 2018 en procédure " Dublin ". A l'expiration du délai imparti par les dispositions du règlement du 26 juin 2013 pour exécuter son transfert, sa demande d'asile a été enregistrée par la préfecture de la Loire-Atlantique en procédure dite normale le 16 janvier 2020. Par une lettre du 10 mars 2020, M. C... a formulé auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) une demande tendant, d'une part, au versement rétroactif de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) à compter de la date d'enregistrement de sa demande d'asile à son retour d'Italie le 27 décembre 2018 et, d'autre part, au versement de ladite allocation pour l'avenir. Par une décision du 28 juillet 2020, l'OFII a partiellement fait droit à sa demande en procédant au rétablissement de ses droits à l'ADA à compter du 20 mai 2020 et rejeté le surplus de sa demande. M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision du 28 juillet 2020 en tant qu'elle rejette sa demande tendant au versement rétroactif de l'ADA à compter de son retour en France. Par un jugement du 24 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision précitée de l'OFII du 28 juillet 2020 en tant qu'elle refuse à l'intéressé le versement de l'allocation pour demandeur d'asile pour la période du 16 janvier 2020 au 19 mai 2020. L'OFII fait appel de ce jugement devant la cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifié à l'OFII ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement. Par suite, le moyen, qui manque en fait, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 744-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile, au sens de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de la demande d'asile par l'autorité administrative compétente, en application du présent chapitre. (...) ". L'article L. 744-7 du même code applicable au litige dispose que : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil prévues à l'article L. 744-1 est subordonné : (...) 2° Au respect des exigences des autorités chargées de l'asile, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes. ". L'article L. 744-8 du même code applicable au litige dispose que : " Outre les cas, mentionnés à l'article L. 744-7, dans lesquels il est immédiatement mis fin de plein droit au bénéfice des conditions matérielles d'accueil, le bénéfice de celles-ci peut être : (...) / 2° Refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d'asile ou s'il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2. (... ) ".

5. Il résulte de ces dispositions, ainsi que de celles de la directive du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres qu'elles visent à transposer et qui ont notamment été interprétées par la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 27 septembre 2012 CIMADE et GISTI c-179/11, que lorsqu'un demandeur d'asile a été transféré vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande, c'est à ce dernier de lui assurer les conditions matérielles d'accueil. En cas de retour de l'intéressé en France sans que la demande n'ait été examinée et de présentation d'une nouvelle demande, l'OFII peut refuser le bénéfice de ces droits, sauf si les autorités en charge de cette nouvelle demande décident de l'examiner ou si, compte tenu du refus de l'Etat responsable d'examiner la demande précédente, il leur revient de le faire.

6. En premier lieu, M. C... est entré sur le territoire français en janvier 2018 où il a déposé une demande d'asile puis a fait l'objet d'un arrêté de transfert vers l'Italie, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, exécuté le 26 septembre 2018, pays dans lequel il n'a pas déposé de demande d'asile. Il est de nouveau entré en France à la fin de l'année 2018 où il a présenté une nouvelle demande d'asile, enregistrée le 27 décembre 2018, qui a été prise en charge par la préfecture de la Loire-Atlantique dans le cadre de la procédure dite normale le 16 janvier 2020. Dans ces conditions, dès lors que les autorités françaises ont ainsi décidé d'examiner cette demande, l'OFII ne pouvait légalement refuser d'accorder à M. C... les conditions matérielles d'accueil à compter du 16 janvier 2020.

7. En second lieu, si l'OFII sollicite, à titre subsidiaire, une substitution de motifs tendant à regarder la demande d'asile du 27 décembre 2018 comme une demande de réexamen justifiant ainsi la décision de refus litigieuse sur le fondement du 2° de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il résulte toutefois de l'instruction que les instances en charge de l'asile n'avaient alors pas encore statué sur la demande de M. C..., laquelle a d'ailleurs été qualifiée de première demande d'asile lors de son enregistrement par la préfecture de la Loire-Atlantique le 16 janvier 2020.

8. Il résulte de tout ce qui précède que l'OFII n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 24 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé partiellement sa décision du 28 juillet 2020.

Sur les frais liés au litige :

9. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rodrigues Devesas, avocate de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 000 euros hors taxe au profit de Me Rodrigues Devesas au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'OFII est rejetée.

Article 2 : L'Office français de l'immigration et de l'intégration versera à Me Rodrigues Devesas la somme de 1 000 euros hors taxe au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce au bénéfice de la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à M. A... C....

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- M. Chabernaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.

Le rapporteur,

B. CHABERNAUDLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02258


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02258
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Benjamin CHABERNAUD
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : SCP POUPET & KACENELENBOGEN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-08;23nt02258 ?
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