La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2024 | FRANCE | N°23NT01699

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 08 novembre 2024, 23NT01699


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. F... D... et M. A... E... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2019 par lequel le préfet de la Manche a homologué une piste de moto-cross sur la commune de La Hague à Vasteville et la décision du 20 décembre 2019 par laquelle le préfet de la Manche a rejeté leur recours gracieux contre cet arrêté.



Par un jugement n° 2000356 du 7 avril 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 juin 2023 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... et M. A... E... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2019 par lequel le préfet de la Manche a homologué une piste de moto-cross sur la commune de La Hague à Vasteville et la décision du 20 décembre 2019 par laquelle le préfet de la Manche a rejeté leur recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 2000356 du 7 avril 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 juin 2023 et 22 février 2024, M. D... et M. E..., représentés par Me Benesty demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 avril 2023 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler les décisions du 17 septembre 2019 et du 20 décembre 2019 du préfet de la Manche ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le signataire de l'arrêté du 17 septembre 2019 est incompétent pour homologuer un circuit permanent ;

- le préfet de la Manche a méconnu l'article L. 414-4 du code de l'environnement ;

- le préfet de la Manche a méconnu l'article 1er de la Charte de l'environnement, les article L. 571-1 et L. 571-6 du code de l'environnement et les articles R. 1336-5 à R. 1336-7 du code de la santé publique ;

- le préfet de la Manche a méconnu l'article L. 362-3 du code de l'environnement et a commis une infraction au sens de l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour de rejeter la requête de MM. D... et E....

Il soutient que les moyens des requérants ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 23 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 mars 2024.

Un mémoire produit pour M. D... et M. E... a été enregistré le 25 septembre 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code du sport ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Benesty, pour les requérants.

Considérant ce qui suit :

1. MM. D... et E... ont acquis en 2010 une propriété à Vasteville, commune déléguée de la commune nouvelle de La Hague, à plusieurs centaines de mètres d'une parcelle sur laquelle se trouve un terrain de moto-cross depuis 1988. Par un arrêté du 17 septembre 2019, le préfet de la Manche a renouvelé pour une durée de quatre ans l'homologation de ce terrain précédemment accordée en 2015. MM. D... et E... ont vainement demandé au préfet de la Manche de retirer cet arrêté. Ils ont saisi le tribunal administratif de Caen aux fins d'annuler l'arrêté de renouvellement d'homologation du 17 septembre 2019 et la décision du 20 décembre 2019 par laquelle le préfet de la Manche a rejeté leur recours gracieux. Ils font appel du jugement du 7 avril 2023 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 331-18 du code du sport : " Pour l'application de la présente section, on entend par : (...) / 3° " Compétition " : toute épreuve organisée dans le cadre d'une manifestation, dont l'objectif est l'obtention des meilleurs résultats possibles (...) / 7° " Circuit " : un itinéraire fermé qui peut être parcouru plusieurs fois sans être quitté. Il ne peut emprunter que des voies fermées, de manière permanente ou temporaire, à la circulation publique. Son tracé est délimité par tout moyen. Son revêtement peut être de différentes natures. Un même circuit peut comporter plusieurs natures de revêtement (...) ". Aux termes de l'article R. 331-20 du même code : " (...) Les manifestations comportant la participation de véhicules terrestres à moteur qui se déroulent sur des circuits non permanents, terrains ou parcours tels que définis à l'article R. 331-18 sont soumises à autorisation (...) ". Aux termes de l'article R. 331-35 du même code : " Tout circuit sur lequel se déroulent des activités comportant la participation de véhicules terrestres à moteur doit faire l'objet d'une homologation préalable. ". Aux termes de l'article R. 331-37 du même code : " L'homologation d'un circuit est accordée pour une durée de quatre ans par le préfet, après visite et avis de la Commission nationale d'examen des circuits de vitesse lorsque la vitesse des véhicules peut dépasser 200 km/h en un point quelconque du circuit ou, dans les autres cas, après visite et avis de la commission départementale de sécurité routière. ".

3. Pour justifier de la compétence de M. C... Launey, signataire de la décision de renouvellement d'homologation du 17 septembre 2019, le ministre de l'intérieur et des outre-mer produit un arrêté du 29 août 2019, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 10-2019 du 5 septembre 2019, par lequel le préfet de la Manche a donné délégation à M. Launey, secrétaire général de la sous-préfecture de Cherbourg, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme G... H..., sous-préfète de l'arrondissement, pour l'ensemble des matières et attributions visées à l'article 1er de cet arrêté, à l'exception de celles qu'il désigne à son article 2.

4. Les requérants font valoir que cet arrêté ne prévoit une délégation à M. Launey pour les sports motorisés que dans le cadre d'épreuves alors que l'article 1er de l'arrêté contesté du 17 septembre 2019 porte sur le renouvellement de l'homologation du circuit en cause " en qualité de piste d'entraînement ". Toutefois, eu égard à leur rédaction, interprétée au vu des dispositions précitées du code du sport, les points 1.8 et 1.9 de cet article doivent être regardés comme donnant délégation à M. B..., respectivement, pour autoriser les manifestations comportant la participation de véhicules terrestres à moteur qui se déroulent dans la limite de l'arrondissement et pour homologuer les circuits sur lesquels se déroulent des activités comportant la participation de tels véhicules. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme H..., sous-préfète de l'arrondissement, n'aurait pas été absente ou empêchée. Si les requérants soutiennent qu'aucun des domaines de délégation consentis par le préfet de la Manche ne permet l'octroi de droits individuels pour une durée de quatre années, il n'assortit pas son argumentation de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée.

5. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté de renouvellement d'homologation du 17 septembre 2019 est entaché d'incompétence et, par suite, que la décision du 20 septembre 2019 par laquelle le préfet de la Manche a refusé de le retirer, est illégale.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : / 1° Les documents de planification qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations, sont applicables à leur réalisation ; / 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; 3° Les manifestations et interventions dans le milieu naturel ou le paysage. (...) / III. - Sous réserve du IV bis, les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent : / 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'Etat ; / 2° Soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l'autorité administrative compétente (...) ". Aux termes de l'article R. 414-19 du code de l'environnement : " I. - La liste nationale des documents de planification, programmes ou projets ainsi que des manifestations et interventions qui doivent faire l'objet d'une évaluation des incidences sur un ou plusieurs sites Natura 2000 en application du 1° du III de l'article L. 414-4 est la suivante : (...) / 23° L'homologation des circuits accordée en application de l'article R. 331-37 du code du sport (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le terrain de moto-cross litigieux se situe à environ 900 mètres d'une site Natura 2000 comportant une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) et une zone de protection spéciale (ZPS) " oiseaux ". L'exploitant du circuit a présenté à l'occasion de sa demande de renouvellement d'homologation, un formulaire de pré-évaluation des incidences Natura 2000 pour les projets de manifestations sportives, qui compte tenu des éléments qui y ont été renseignés ne peut qu'être regardé comme se rapportant à un tel renouvellement d'homologation. Au vu de ce document faisant état de l'existence de clôtures de la parcelle, d'un stationnement aménagé, de conteneurs poubelles, de l'obligation de respect de la réglementation en vigueur pour le bruit des véhicules et de l'utilisation de tapis environnementaux, par un avis du 27 décembre 2018, la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Normandie, qui a relevé que le projet n'est pas situé dans une zone environnementale et est éloigné de 900 mètres de la zone protégée, a validé l'évaluation simplifiée Natura 2000 transmise par l'exploitant. L'article 1er de l'arrêté contesté définit d'ailleurs les conditions d'utilisation du circuit, de nature notamment à garantir la protection de l'environnement, telles que l'absence de nuisance acoustique pour les riverains, l'interdiction des sonorisations lors des entraînements et la mise en place de tapis environnementaux évitant l'écoulement d'huiles usagées dans les sols. Les requérants qui se bornent à faire état de la richesse de la faune qui serait menacée et des nuisances sonores nécessairement générées par la circulation d'un grand nombre de motocross, alors que le dossier de demande précise d'ailleurs que seuls quinze pilotes sont autorisés à rouler simultanément sur la piste, n'ont produit, avant la clôture de l'instruction, aucun élément précis permettant de caractériser la gravité des nuisances alléguées et leur impact sur la faune, malgré l'ancienneté de l'exploitation du circuit litigieux. Dans ces conditions, M. D... et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Manche a méconnu l'article L. 414-4 du code de l'environnement.

8. En troisième lieu, les requérants se bornent à soutenir qu'ils subissent les nuisances sonores nécessairement générées par la circulation d'un grand nombre de motocross. Ils n'ont produit, avant la clôture de l'instruction, aucun élément précis permettant de caractériser la gravité des nuisances alléguées et leur impact éventuel sur leur tranquillité ou leur santé, malgré l'ancienneté de l'exploitation du circuit litigieux et de leur présence aux alentours. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions d'exploitation du circuit litigieux, notamment eu égard aux prescriptions définies à l'article 1er de l'arrêté contesté, porteraient atteinte à la tranquillité ou à la santé publique et que le préfet de la Manche aurait méconnu l'article 1er de la Charte de l'environnement, les articles L. 571-1 et L. 571-6 du code de l'environnement ou les articles R. 1336-5 à R. 1336-7 du code de la santé publique.

9. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 362-3 du code de l'environnement : " L'ouverture de terrains pour la pratique de sports motorisés est soumise à l'autorisation prévue à l'article L. 421-2 du code de l'urbanisme. ". Aux termes de l'article L. 421-2 du code de l'urbanisme : " Les travaux, installations et aménagements affectant l'utilisation des sols et figurant sur une liste arrêtée par décret en Conseil d'Etat doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager. ". Aux termes de l'article L. 480-4 du même code : " Le fait d'exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager (...) est puni d'une amende (...) ".

10. Il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 362-3 du code de l'environnement que le renouvellement de l'homologation du circuit en cause, qui a été créé en 1988, nécessitait la délivrance d'un nouveau permis d'aménager. Par ailleurs, la circonstance alléguée que ses travaux d'ouverture auraient été réalisés sans permis d'aménager et donc pourraient donner lieu à une amende au titre des dispositions précitées de l'article L. 480-4 du code l'urbanisme, est sans influence sur la légalité de l'arrêté contesté. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Manche aurait méconnu les articles L. 362-3 du code de l'environnement et L. 480-4 du code de l'urbanisme.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

12. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de

MM. D... et E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de MM. D... et E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D..., à M. A... E... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée, pour information, au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01699


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01699
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : BENESTY

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-08;23nt01699 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award