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08/11/2024 | FRANCE | N°23NT01529

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 08 novembre 2024, 23NT01529


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'EARL Berthelot-Serandour a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés des 10 décembre 2020 et 14 mars 2022 par lesquels le préfet de la région Bretagne a refusé de l'autoriser à exploiter des parcelles d'une surface de 9 hectares 99 ares et 67 centiares situées à La Harmoye (Côtes d'Armor).



Le GAEC Ferme des Lilas et son gérant, M. A..., ont demandé à ce même tribunal d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2022 par lequel le pr

fet de la région Bretagne a, d'une part, retiré l'arrêté également daté du 14 mars 2022 autorisant le G...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL Berthelot-Serandour a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés des 10 décembre 2020 et 14 mars 2022 par lesquels le préfet de la région Bretagne a refusé de l'autoriser à exploiter des parcelles d'une surface de 9 hectares 99 ares et 67 centiares situées à La Harmoye (Côtes d'Armor).

Le GAEC Ferme des Lilas et son gérant, M. A..., ont demandé à ce même tribunal d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2022 par lequel le préfet de la région Bretagne a, d'une part, retiré l'arrêté également daté du 14 mars 2022 autorisant le GAEC Ferme des Lilas à exploiter ces mêmes parcelles situées à La Harmoye et a, d'autre part, refusé d'autoriser le GAEC Ferme des Lilas à exploiter ces terres.

Par un jugement nos 2102534, 2203414 et 2204424 du 27 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les demandes présentées par l'EARL Berthelot-Sérandour et a rejeté la demande présentée par le GAEC Ferme des Lilas et M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mai 2023 et le 29 janvier 2024, M. A... et le GAEC Ferme des Lilas, représentés par Me Dervillers, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 mars 2023 en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2022 par lequel le préfet de la région Bretagne a retiré l'arrêté du 14 mars 2022 ayant accordé au GAEC Ferme des Lilas une autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées ZB9J, ZB9K et ZB11 situées à La Harmoye d'une surface totale de 9 ha 99 ca et 67 ca et a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter ces mêmes terres ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2022 retirant l'arrêté du 14 mars 2022 l'autorisant à exploiter les parcelles d'une surface de 9 hectares 99 ares et 67 centiares situées à La Harmoye et refusant de l'autoriser à exploiter ces parcelles ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 5 juillet 2022 accordant à l'EARL Berthelot-Serandour une autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées ZB9J, ZB9K et ZB11 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- M. B... A... relève d'un rang de priorité 4.2 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA), supérieur à l'EARL Berthelot-Serandour qui, avec un indicateur de dimension économique de 48 182,8 euros par unité de travail annuel (IDE/UTA) relève seulement du rang de priorité 9 ;

- l'indicateur de dimension économique du GAEC Ferme des Lilas même majoré de 40 % reste inférieur à celui de l'EARL Berthelot-Serandour dans la mesure où le GAEC comprend trois associés outre un salarié et les parcelles dont l'exploitation est demandée se situent à seulement 12 mètres des bâtiments d'exploitation du GAEC Ferme des Lilas de sorte qu'il est erroné de prendre en compte un éloignement de 5 km des bâtiments d'exploitation pour appliquer une majoration de 40 % de l'indicateur de dimension économique ;

- M. B... A... relève du rang 2 de priorité du SDREA, supérieur au rang 9 de priorité dont relève l'EARL Berthelot-Serandour dans la mesure où les parcelles agricoles en cause doivent être assimilées à des parcelles de proximité de l'élevage et qualifiées de " parcelles enclavées " ;

- l'EARL Berthelot-Serandour a exploité sans autorisation et donc illégalement les terres litigieuses en cause.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2024, l'EARL Berthelot-Serandour, représenté par la SELARL Kovalex, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A... et du GAEC Ferme des Lilas.

Elle soutient que :

- les conclusions présentées par M. A... et le GAEC Ferme des Lilas contre l'arrêté du 5 juillet 2022 accordant à l'EARL Berthelot-Serandour l'autorisation d'exploiter les terres litigieuses sont irrecevables faute d'être accompagnées de l'arrêté attaqué en méconnaissance de l'article R. 412-1 du code de justice ;

- les conclusions des requérants tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2022 accordant à l'EARL Berthelot-Serandour l'autorisation d'exploiter les terres en litiges sont nouvelles en appel ;

- les conclusions tendant à la réformation du jugement en tant qu'il déclare qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de l'EARL Berthelot-Serandour contre les arrêtés du 10 décembre 2020 et du 14 mars 2022 lui refusant l'autorisation d'exploiter sont irrecevables faute d'être assorties de moyens en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés par M. A... et le GAEC Ferme des Lilas ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- son arrêté ne méconnaît pas les dispositions des articles L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime et le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne car le projet du GAEC Ferme des Lilas et de M. A... ne relève pas de :

. la priorité 2 qui concerne l'exploitation d'un îlot de parcelles cadastrales de moins de 5 ha situé à proximité d'un bâtiment d'élevage dès lors que, lorsque la condition tenant à la surface de l'îlot de moins de 5 ha n'est pas respectée, comme c'est le cas en l'espèce, puisque la demande porte sur des terres d'une surface totale de plus de 9 ha, la commission départementale d'orientation agricole devait être consultée, ce qui n'a pas été le cas ;

. la priorité 4.2 du SDREA de Bretagne en ce qu'il ne porte pas sur une installation d'agriculteur comme les requérants le soutiennent mais sur un agrandissement de leur exploitation alors qu'à la date du dépôt de la demande du GAEC Ferme des Lilas, M. A... était déjà installé depuis 2 ans au sein de ce GAEC et qu'il était antérieurement associé de l'EARL de la ville Benoit, devenue, le 14 novembre 2019, GAEC Ferme des Lilas ;

. la priorité 7 concernant les terres enclavées de moins de 3 ha à moins d'une distance maximum d'1,5 kilomètre du siège de l'exploitation puisque la demande d'exploitation porte sur des terres d'une surface totale de plus de 9 ha qui sont situées à plus d'1,5 kilomètre du siège d'exploitation du GAEC ;

- dès lors que le GAEC Ferme des Lilas ne relevait pas des priorités 2, 4.2 et 7, sa demande d'exploitation des terres de La Harmoye relevait de la priorité 9 et devait être examinée en concurrence avec la demande présentée pour les mêmes terres par l'EARL Berthelot-Sérandour ; or le rapport indicateur de dimension économique/unités de travail annuel (IDE/UTA) du GAEC Ferme des Lilas étant, à la date de sa demande d'exploitation, supérieur de plus de 10 000 euros par rapport à l'IDE/UTA de l'EARL Berthelot-Sérandour, la demande d'exploitation de l'EARL Berthelot-Sérandour est prioritaire par rapport à celle du GAEC Ferme des Lilas ;

- la circonstance que l'EARL Berthelot-Sérandour aurait commencé à exploiter les terres en cause sans bénéficier d'une autorisation d'exploiter est sans conséquence sur la légalité de l'arrêté du 5 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 4 mai 2018 arrêtant le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marion,

- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,

- et les observations de Me Quimerch pour l'EARL Berthelot-Serandour.

Considérant ce qui suit :

1. L'EARL Berthelot-Sérandour a sollicité, à deux reprises, l'autorisation d'exploiter des parcelles cadastrées ZB9J, ZB9K et ZB11, d'une surface totale de 9 hectares 99 ares et 67 centiares à La Harmoye (Côtes d'Armor). Ses demandes ont été rejetées par des arrêtés du 10 décembre 2020 et 14 mars 2022 du préfet de la région Bretagne. Le 17 janvier 2022, le GAEC Ferme des Lilas, dont M. A... est associé-gérant, a déposé une demande d'autorisation d'exploiter concurrente. Par un arrêté également daté du 14 mars 2022, le préfet de la région Bretagne a accordé au GAEC Ferme des Lilas l'autorisation d'exploiter les terres en cause. A la suite du recours gracieux formé par l'EARL Berthelot-Sérandour contre le dernier refus d'exploiter du 14 mars 2022 opposé par l'administration, le préfet de la région Bretagne a, par un arrêté du 5 juillet 2022, retiré l'arrêté du 14 mars 2022 de refus d'autorisation et autorisé l'EARL Berthelot-Sérandour à exploiter lesdites terres. Par un autre arrêté également daté du 5 juillet 2022, le préfet a retiré l'autorisation d'exploiter accordée le 14 mars 2022 au GAEC Ferme des Lilas et refusé d'autoriser le GAEC à exploiter lesdites terres. Par des requêtes enregistrées sous les nos 2102534 et 2203414, l'EARL Berthelot-Sérandour a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du préfet de la région Bretagne du 10 décembre 2020 et du 14 mars 2022 portant rejet de ses demandes d'autorisation. Par une requête enregistrée sous le n° 2204424, le GAEC Ferme des Lilas et M. A... ont demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2022 retirant leur autorisation d'exploiter du 14 mars 2022 et refusant de les autoriser à exploiter lesdites terres. Par un jugement nos 2102534, 2203414 et 2204424 du 27 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les demandes n° 2102534 et 2203414 présentées par l'EARL Berthelot-Sérandour et rejeté la demande n° 2204424 présentée par le GAEC Ferme des Lilas et M. A.... M. A... et le GAEC Ferme des Lilas relèvent appel de ce jugement.

Sur la légalité des décisions de retrait d'autorisation d'exploiter et de refus d'autorisation d'exploiter opposées au GAEC Ferme des Lilas :

2. Aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime : " I.- Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles.( ...) " ; de l'article L. 331-3-1 de ce code: " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; (...) " et du III de l'article L. 312-1 du même code : " III. Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit, pour répondre à l'ensemble des objectifs et orientations mentionnés au I du présent article, l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération (...). ".

3. En premier lieu, aux termes de la priorité 2 " échanges de parcelles ou parcelles ou îlot de parcelles de proximité de bâtiment d'élevage du demandeur " du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne, dans sa version alors en vigueur : " (...) Parcelles ou îlot de parcelles de proximité de bâtiment d'élevage du demandeur : / Dans un objectif de restructuration parcellaire des exploitations agricoles, priorité sera donnée pour les demandes de parcelles de proximité de bâtiment d'élevage telle que définie à l'article 1 du présent arrêté (...) Dans le cas où un îlot cultural constitué de plusieurs parcelles cadastrales répond à la définition relative à la parcelle de proximité à l'exception du critère de surface, d'une superficie supérieure à 5 hectares, cet îlot cultural peut, après avis favorable motivé de la CDOA, être considéré comme un îlot de parcelles de proximité. / Lorsque l'îlot de parcelles fait plus de 5 hectares il peut être décidé de n'attribuer aucune parcelle de proximité. / Dans le cas où le demandeur peut prétendre à plusieurs îlots de parcelle de proximité, la décision d'attribuer un ou plusieurs îlots sera soumise à l'avis motivé de la CDOA (...) ".

4. L'article 1 du même schéma définit les parcelles de proximité du bâtiment d'élevage du demandeur comme : " parcelle ou îlot de parcelles cadastrales d'une superficie maximale de 5 ha, situé(e) à proximité immédiate du bâtiment d'élevage ou en continuité d'un parcellaire exploité par le demandeur jouxtant le bâtiment d'élevage, à une distance maximale de 500 m à vol d'oiseau de son bâtiment d'élevage (logement des animaux). La présence d'une voie intercalaire accessible aux engins agricoles pourra être admise comme ne faisant pas obstacle à la continuité décrite ci-dessus. Est considéré comme bâtiment d'élevage tout bâtiment d'élevage en fonction ou mis en fonction dans le cadre d'une installation. Le bâtiment d'élevage doit être mis en évidence sur un plan transmis avec la demande d'autorisation ".

5. Il résulte de ces dispositions que pour relever de la priorité n° 2 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne alors en vigueur, les parcelles faisant l'objet de la demande d'autorisation d'exploiter ne peuvent excéder une surface de 5 hectares et doivent se situer à proximité immédiate du bâtiment d'élevage ou en continuité d'un parcellaire exploité par le demandeur jouxtant ce bâtiment, à une distance de 500 mètres à vol d'oiseau de celui-ci. Dans le cas où une parcelle répond à la définition relative aux parcelles de proximité à l'exception du critère de surface, celle-ci peut, après avis favorable motivé de la commission départementale d'orientation agricole (CDOA), être considérée comme une parcelle de proximité.

6. La demande d'autorisation d'exploiter présentée par le GAEC Ferme des Lilas porte sur un îlot de parcelles d'une surface totale de 9 hectares 99 ares et 67 centiares soit une superficie supérieure au seuil de 5 hectares fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne alors en vigueur. Or, ainsi que l'a relevé le tribunal, la commission départementale d'orientation agricole n'a pas émis d'avis favorable à la qualification d'îlot de parcelles de proximité au sens et pour l'application de la priorité n° 2. Par suite, l'opération projetée ne réunit pas les conditions fixées par le schéma directeur pour cette priorité.

7. En deuxième lieu, aux termes de la priorité 4.2 " Installation d'agriculteur à titre exclusif ou principal ou agrandissement d'une société par l'installation d'un agriculture à titre exclusif ou principal " du même schéma directeur : " Cette priorité vise l'installation d'agriculteur à titre exclusif ou principal, aidée ou non aidée, ou l'installation progressive aidée menant, au plus tard à l'issue de 4 ans après l'installation, à un statut exploitant à titre exclusif ou principal tel que défini à l'article 1, qui justifie d'un projet sérieux et motivé. (...). La priorité 4-2 vise également l'installation d'un nouvel exploitant en tant qu'associé d'une personne morale s'accompagnant d'une mise à disposition de terres supplémentaires à l'exception des cas de reprise de l'exploitation par le conjoint. (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 17 janvier 2022 de la demande d'autorisation d'exploiter présentée par le GAEC Ferme des Lilas, l'opération envisagée ne pouvait pas être qualifiée d'installation dans la mesure où M. A... avait été installé dès le 14 novembre 2019 comme jeune agriculteur au sein de l'EARL La Ville Benoit, devenue le GAEC Ferme des Lilas. En outre, la demande du 17 janvier 2022 comporte une case cochée mentionnant que l'opération projetée constitue un agrandissement et non une installation. Par suite, l'opération projetée ne constitue pas une installation d'agriculteur au sens de la priorité n° 4.2.

9. En troisième lieu, aux termes de la priorité n° 7 " attribution de parcelle ou d'îlot de parcelles enclavées ou de parcelle de liaison " du même schéma directeur : " attribution de parcelle ou d'îlot de parcelles enclavé(e)...Priorité sera donnée au demandeur pour la reprise de parcelle ou îlot de parcelles enclavé (...) tel que définies à l'article 1. Cette priorité ne concerne qu'une parcelle ou îlot de parcelles de ce type par demande. ".

10. L'article 1 du même schéma directeur définit la parcelle ou l'îlot de parcelles enclavé comme " la parcelle ou îlot de parcelles cadastrales, situé(e) à une distance maximum de 1,5 km du siège d'exploitation du demandeur, d'une surface inférieure à 3 ha, en limite immédiate et sur au moins 3/4 de son périmètre d'autres parcelles exploitées par le demandeur. L'enclavement doit être mis en évidence sur un plan transmis avec la demande d'autorisation ".

11. Ainsi qu'il a été déjà dit, les parcelles convoitées sont d'une superficie de 9,9967 hectares, et donc supérieure au seuil de 3 hectares défini par la priorité n° 7. En outre, les requérants n'établissent pas que ces parcelles sont à moins de 1,5 km de leur siège d'exploitation. Par suite, ils ne peuvent se prévaloir de la priorité n° 7.

12. En quatrième et dernier lieu, il résulte de ce qui précède que la demande des requérants ne pouvant bénéficier des priorités 2, 4-2 et 7 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne, entrait nécessairement dans le champ de la priorité n° 9 " réunion d'exploitations ou agrandissement " à l'instar de la demande concurrente présentée le 30 novembre 2021 par l'EARL Berthelot-Sérandour. Par ailleurs, aux termes de l'article 3 du même schéma directeur, en cas : " (...) de demandes concurrentes relevant du même rang de priorité, les candidatures sont classées au regard des critères et règles fixées à l'article 5. / Si ce classement ne permet pas de les départager, des autorisations sont délivrées pour chacune d'elles. / Au sein d'une même priorité, on départagera les demandes en fonction des sous-priorités (...) ". Le 3) de l'article 5 du même schéma énumère les sous-priorités en fonction de l'intérêt économique et environnemental de l'exploitation. Aux termes de la sous-priorité 9-6 du même schéma directeur, bénéficie d'un classement prioritaire le " Demandeur dont l'IDE/UTA [indicateur de dimension économique/unités de travail annuel] de l'exploitation est le moins élevé au moment du dépôt de la demande, après application d'une modulation selon la distance, telle que définie à l'article 1 du présent arrêté, entre le siège de l'exploitation et le fonds demandé. A moins de 10 000 euros d'écart, les candidatures seront considérées comme de rang équivalent ". La majoration de l'indicateur de dimension économique est fixée à 40 % en cas de distance supérieure à 5 kilomètres entre les terres convoitées et le siège de l'exploitation.

13. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de sa demande d'autorisation du 17 janvier 2022, l'indicateur de dimension économique du GAEC Ferme des Lilas s'élevait à (54 ha x 392) + (138 vaches laitières x 1255) soit 194 358 euros. Néanmoins, eu égard à la distance de plus de 5 kilomètres séparant les terres convoitées du siège d'exploitation du GAEC, ce montant doit être majorée de 40 % pour porter l'indicateur de dimension économique à 272 101 euros. A cette même date, le GAEC n'était composé que de trois associés employés à temps plein et disposait donc de 3 unités de travail annuel. La circonstance, à la supposer établie, que le GAEC ait procédé au recrutement d'un salarié à la date du 15 juin 2022, c'est-à-dire postérieurement à la demande d'autorisation n'était donc pas de nature à modifier son indicateur de dimension économique qui doit être apprécié à la date de la demande de l'exploitant agricole. Par suite, le rapport indicateur de dimension économique sur unités de travail annuel du GAEC Ferme des Lilas s'établit à 272 101/3 soit 90 700,40 euros. Parallèlement, à la date de sa demande du 30 novembre 2021, l'EARL Berthelot-Serandour disposait d'un indicateur de dimension économique de (35 ha x 392) + (62 vaches allaitantes x 915) + (64 vaches laitières x 1255) soit 150 770 euros. A cette même date, l'EARL disposait de deux unités de travail annuel et donc d'un rapport indicateur de dimension économique sur unités de travail annuel de 150 770 euros/2 soit 75 385 euros. Le rapport indicateur de dimension économique sur unités de travail annuel du GAEC Ferme des Lilas excédant de plus de 10 000 euros le rapport IDE/UTA de l'EARL Berthelot-Serandour, la candidature de l'EARL Berthelot-Serandour devait être regardée comme étant prioritaire. Par suite, le préfet de la région Bretagne n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche et du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne du 4 mai 2018 en refusant de délivrer une autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées ZB9J, ZB9K et ZB11 au GAEC Ferme des Lilas.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement en tant que le tribunal administratif de Rennes a constaté qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de l'EARL Berthelot-Serandour :

14. A supposer même que M. A... et le GAEC Ferme des Lilas aient présenté les conclusions susmentionnées, ces dernières n'étant assorties d'aucun moyen sont, en tout état de cause, irrecevables en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions dirigées contre l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées ZB9J, ZB9K et ZB11 délivrée à l'EARL Berthelot-Serandour :

15. La circonstance que l'EARL Berthelot-Sérandour aurait commencé à exploiter les parcelles cadastrées ZB9J, ZB9K et ZB11 sans bénéficier d'une autorisation d'exploiter est sans conséquence sur la légalité de l'arrêté l'autorisant à les exploiter. Dès lors et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée de ce que ces conclusions auraient le caractère de conclusions nouvelles, celles-ci ne peuvent qu'être rejetées.

16. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans besoin qu'il soit d'examiner la fin de non-recevoir tirée de l'absence de production de l'autorisation d'exploiter délivrée à l'EARL Berthelot-Sérandour que le GAEC Ferme des Lilas n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

17- Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait doit aux conclusions présentées sur ce fondement par M. A... et le GAEC des Lilas tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... et du GAEC des Lilas une somme au titre des frais exposés par l'EARL Berthelot-Serandour.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. A... et le GAEC Ferme des Lilas est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'EARL Berthelot-Serandour sur le fondement de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au GAEC Ferme des Lilas, à l'EARL Berthelot-Serandour.

Une copie sera transmise au préfet de la région Bretagne.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Marion, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.

La rapporteure,

I. MARION

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

Y. MARQUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23NT01529


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01529
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS PROXIMA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-08;23nt01529 ?
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