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29/10/2024 | FRANCE | N°22NT02613

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 29 octobre 2024, 22NT02613


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière (SCI) Placimmo a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 1er juin 2021 par lequel le maire de Redon (Morbihan) s'est opposé à la déclaration préalable qu'elle a présentée pour la modification des façades du bâtiment situé

35 rue des Douves sur un terrain cadastré section AM n° 333, ainsi que les décisions rejetant son recours gracieux et son recours préalable obligatoire.



Par un jug

ement n° 2106202 du 13 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Placimmo a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 1er juin 2021 par lequel le maire de Redon (Morbihan) s'est opposé à la déclaration préalable qu'elle a présentée pour la modification des façades du bâtiment situé

35 rue des Douves sur un terrain cadastré section AM n° 333, ainsi que les décisions rejetant son recours gracieux et son recours préalable obligatoire.

Par un jugement n° 2106202 du 13 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 10 août 2022, 2 décembre 2023 et 22 mai 2024, la SCI Placimmo, représentée par Me Beguin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er juin 2021 par lequel le maire de Redon s'est opposé à sa déclaration préalable présentée pour la modification des façades du bâtiment situé 35 rue des Douves sur un terrain cadastré section AM n° 333 ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux du 6 octobre 2021 et la décision du préfet de région du 4 janvier 2022 rejetant son recours préalable obligatoire ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Redon le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SCI Placimmo soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré du défaut de communication des motifs de la décision implicite du préfet rejetant son recours préalable obligatoire ;

- le maire n'était pas en situation de compétence liée pour s'opposer à la déclaration préalable dès lors que l'avis de l'architecte des bâtiments de France était illégal ;

- le préfet n'a pas communiqué les motifs de sa décision et la décision implicite de rejet de son recours contre l'avis de l'architecte des bâtiments de France méconnait ainsi les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- les avis contradictoires de l'architecte des bâtiments de France entachent d'irrégularité la décision préfectorale ;

- son inaction, s'agissant du ravalement de son bien, n'est pas fautive, elle a entamé dès 2016 une démarche de coopération illustrant sa bonne foi ;

- l'avis de l'architecte des bâtiments de France est insuffisamment motivé en fait ; l'avis de l'architecte des bâtiments de France du 31 mai 2021 fait mention d'éléments nouveaux et imprécis ; elle n'a jamais eu connaissance de l'avis de l'architecte des bâtiments de France du 6 janvier 2020 ;

- la décision du préfet du 4 janvier 2022, prise sur son recours formé contre l'avis de l'architecte des bâtiments de France du 31 mai 2021, est insuffisamment motivée ;

- l'avis de l'architecte des bâtiments de France est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il est fondé sur un motif étranger à la protection des abords de l'édifice protégé ;

- l'architecte des bâtiments de France a apprécié inexactement l'atteinte portée prétendument au monument protégé ; le projet n'est pas susceptible de porter atteinte au patrimoine protégé situé à plus de 230 mètres de l'opération projetée ; l'avis du 6 janvier 2020 ne lui a pas été notifié ; la composition des murs est précisée dans la déclaration préalable déposée ; l'isolation thermique par l'extérieur, les encadrements de baies en aluminium, la couleur gris anthracite, les châssis de toiture ainsi que le dessin de la menuiserie et de la devanture ne sont pas de nature à porter atteinte au monument protégé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2022, la commune de Redon représentée par Me Caradeux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SCI Placimmo une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SCI Placimmo ne sont pas fondés.

La ministre de la culture a produit des observations enregistrées le 24 avril 2024.

Par un courrier du 25 septembre 2024, les parties ont été informées que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du préfet du 4 janvier 2022 en tant que ces conclusions sont présentées pour la première fois en appel et en tant que la régularité et le bien-fondé de cette décision, qui s'est substituée à l'avis de l'architecte des bâtiments de France, ne peuvent être contestés qu'à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision portant opposition à la déclaration préalable.

Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2024, la SCI Placimmo a produit des observations en réponse au courrier du 25 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dubost,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- et les observations de Me Delagne substituant Me Beguin, représentant la SCI Placimmo et celles de Me Dubos substituant Me Caradeux, représentant la commune de Redon.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Placimmo a déposé, le 3 mai 2021, un dossier de déclaration préalable pour la modification des façades du bâtiment situé 35 rue des Douves, à laquelle le maire de Redon (Morbihan) s'est opposé par arrêté du 1er juin 2021, après avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France du 31 mai 2021. La SCI Placimmo a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté par une décision du 6 octobre 2021. La SCI Placimmo a, dans le même temps, saisi le préfet de région d'un recours administratif préalable obligatoire à l'encontre de l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France, recours qui a été rejeté par une décision du 4 janvier 2022. La SCI Placimmo a alors demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler ces trois décisions. Elle relève appel du jugement de ce tribunal du 13 juin 2022 par lequel celui-ci a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Les premiers juges ont répondu au point 4 de leur jugement au moyen tiré de l'absence de communication des motifs de la décision implicite préfectorale, en estimant que le préfet de région a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par la SCI Placimmo par une décision explicite du 4 janvier 2022, et en regardant cette dernière comme suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient omis de se prononcer sur un moyen qui n'était pas inopérant doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision du préfet rejetant le recours préalable obligatoire :

4. Aux termes de l'article R. 423-54 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé (...) dans les abords des monuments historiques, l'autorité compétente recueille l'accord (...) de l'architecte des Bâtiments de France. ". Aux termes de l'article L. 621-32 du code du patrimoine : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords. Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme ou au titre du code de l'environnement, l'autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues aux articles L. 632-2 et L. 632-2-1. ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme, " Lorsque le projet est situé (...) dans les abords des monuments historiques, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable (...) fondé sur un refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. (...) Le délai à l'issue duquel le préfet de région est réputé avoir confirmé la décision de l'autorité compétente en cas de recours du demandeur est de deux mois à compter de la réception de ce recours. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'une autorisation d'urbanisme est subordonnée, lorsque les travaux envisagés sont situés dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit ou en co-visibilité avec celui-ci, à l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France ou, lorsque celui-ci a été saisi, du préfet de région. Si l'avis de celui-ci se substitue alors à celui de l'architecte des bâtiments de France (ABF), l'ouverture d'un tel recours administratif, qui est un préalable obligatoire à toute contestation de la position ainsi prise au regard de la protection d'un édifice classé ou inscrit, n'a ni pour objet ni pour effet de permettre l'exercice d'un recours contentieux contre cet avis. La régularité et le bien-fondé de l'avis de l'architecte des bâtiments de France ou, le cas échéant, de la décision du préfet de région ne peuvent être contestés qu'à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision de refus d'autorisation de construire et présenté par une personne ayant un intérêt pour agir.

6. Dans ces conditions, la requérante n'est fondée à contester la régularité et le bien-fondé de la décision du préfet de région du 4 janvier 2022, qui rejette son recours préalable formé contre l'avis émis par l'ABF, qu'à l'appui du recours pour excès de pouvoir qu'elle forme à l'encontre de la décision d'opposition à déclaration préalable du maire de Redon du 1er juin 2021. Ainsi, les conclusions à fin d'annulation présentées par la SCI Placimmo à l'encontre de la décision du préfet du 4 janvier 2022 sont irrecevables et doivent être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation des décisions d'opposition à déclaration préalable et de rejet de son recours gracieux :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 621-31 du code du patrimoine : " Le périmètre délimité des abords prévu au premier alinéa du II de l'article L. 621-30 est créé par décision de l'autorité administrative, sur proposition de l'architecte des Bâtiments de France ou de l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme (...) ". Aux termes de l'article L. 632-2 de ce code : " I. - L'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est, sous réserve de l'article L. 632-2-1, subordonnée à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. A ce titre, ce dernier s'assure du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, à l'architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. Il s'assure, le cas échéant, du respect des règles du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine. Tout avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France rendu dans le cadre de la procédure prévue au présent alinéa comporte une mention informative sur les possibilités de recours à son encontre et sur les modalités de ce recours. (...) II. - En cas de désaccord avec l'architecte des Bâtiments de France, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation transmet le dossier accompagné de son projet de décision à l'autorité administrative, qui statue après avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture. En cas de silence, l'autorité administrative est réputée avoir approuvé ce projet de décision. La décision explicite de l'autorité administrative est mise à la disposition du public. En cas de décision tacite, l'autorisation délivrée par l'autorité compétente en fait mention. (...) III. Un recours peut être exercé par le demandeur à l'occasion du refus d'autorisation de travaux. Il est alors adressé à l'autorité administrative, qui statue. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans les abords des monuments historiques, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-32 du code du patrimoine si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées, ou son avis pour les projets mentionnés à l'article L. 632-2-1 du code du patrimoine (...) ".

8. Aux termes de l'article R. 423-68 du code de l'urbanisme : " Le délai à l'issue duquel le préfet de région est réputé avoir approuvé le projet de décision transmis par l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme en cas de désaccord avec l'architecte des Bâtiments de France, dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, est de deux mois. (...) ".

9. Il résulte des articles L. 621-31, L. 621-32 du code du patrimoine et R. 424-14 et R. 423-68 du code de l'urbanisme que le pétitionnaire doit, avant de former un recours pour excès de pouvoir contre une décision d'opposition à déclaration préalable portant sur un immeuble situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit et faisant suite à un avis négatif de l'ABF, saisir le préfet de région d'une contestation de cet avis. L'avis émis par le préfet, qu'il soit exprès ou tacite, se substitue à celui de l'ABF.

10. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ".

11. Si le silence gardé par l'administration sur un recours gracieux ou hiérarchique fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision. Il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas au requérant les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent.

12. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la SCI Placimmo a formé un recours préalable obligatoire à l'encontre de l'avis défavorable de l'ABF du 31 mai 2021. En application des dispositions citées aux points 7 et 8, la décision du préfet de région prise sur ce recours s'est substituée à l'avis émis par l'ABF. La requérante ne peut donc utilement soutenir que l'avis émis par l'ABF le 31 mai 2021 est insuffisamment motivé. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la décision explicite du préfet du 4 janvier 2022 prise à la suite de la demande de communication des motifs de la SCI Placimmo, s'est substituée à la décision implicite initiale née du silence gardé par le préfet sur le recours formé par la SCI Placimmo. Par ailleurs, cette décision qui confirme l'avis de l'ABF, mentionne le contexte légal, identifie les monuments protégés et rappelle la sensibilité paysagère du secteur urbain et l'intérêt public s'attachant à la protection du patrimoine ainsi que les motifs retenus par l'ABF, relatifs au traitement des façades et toitures et à l'aspect des matériaux employés, est suffisamment motivée. Dans ces conditions, la SCI Placimmo ne peut utilement soutenir que l'autorité administrative ne lui aurait pas communiqué les motifs de la décision implicite du préfet et le moyen tiré du défaut de motivation de la décision préfectorale explicite du 4 janvier 2022 doit être écarté.

13. En deuxième lieu, alors comme il a été dit au point précédent que la décision du préfet du 4 janvier 2022 s'est substituée à l'avis de l'ABF du 31 mai 2021, les moyens tirés de ce que l'avis de l'ABF est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il est fondé sur un motif étranger à la protection des abords de l'édifice protégé et de ce qu'il n'a pas apprécié correctement l'atteinte que l'immeuble risque de porter au patrimoine protégé ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

14. En troisième lieu, la circonstance, à la supposer établie, que l'ABF aurait émis des avis comportant des appréciations différentes en 2016, 2018, 2020 et 2021 est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, et alors qu'il n'est pas établi que ces avis porteraient sur des projets identiques.

15. En quatrième lieu, il résulte des dispositions citées au point 7 du présent arrêt que l'ABF est chargé de s'assurer du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, à l'architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, l'autorisation pouvant être refusée lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords. Il résulte également de ces dispositions que si, lorsqu'un avis négatif a été émis sur une demande de déclaration préalable par l'architecte des Bâtiments de France, cet avis s'impose au maire, sauf à saisir le préfet de région, le maire conserve, en cas d'avis favorable, la possibilité d'apprécier plus généralement si les travaux envisagés sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales et, le cas échéant, de refuser l'autorisation sollicitée ou de l'assortir de prescriptions spéciales.

16. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la photographie figurant dans la décision du 4 janvier 2022 du préfet de région, que la façade de l'immeuble de la SCI Placimmo, située à 230 mètres de l'église Saint-Sauveur et de son clocher isolé, est en situation de covisibilité avec ces édifices classés.

17. Dans sa décision du 4 janvier 2022, le préfet de région a, pour émettre un avis défavorable à la déclaration préalable de la société requérante, estimé que le projet, d'une part, nécessitait des précisions techniques s'agissant des matériaux employés et, d'autre part, que les teintes des façades ainsi que des menuiseries étaient de nature à porter atteinte au patrimoine à protéger. D'abord, alors que la faisabilité technique d'une isolation par l'extérieur n'est pas arrêtée, le dossier de demande préalable ne permet pas d'identifier avec suffisamment de précisions l'aspect extérieur de la construction après réalisation des travaux projetés dès lors que trois solutions distinctes de revêtements de façade y sont envisagées, lesquelles sont susceptibles d'en modifier l'aspect. Ensuite, alors que les bâtiments situés aux abords de l'église protégée sont d'architecture variée et présentent majoritairement une teinte très claire quand ils sont enduits, les revêtements de la façade visibles depuis l'espace public seront teintés gris clair et gris, en rupture avec l'environnement urbain. Par ailleurs, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la pose de menuiseries de couleur gris anthracite, il ressort des avis émis par l'ABF les 3 octobre 2016, 9 octobre 2018 et 6 janvier 2020, auquel le préfet se réfère explicitement s'agissant des menuiseries, que celles-ci ainsi que les volets devront être en teinte couleur crème et gris clair, le gris anthracite devant être évité, dès lors que cette teinte banalise le paysage urbain. Enfin, la circonstance que d'autres immeubles comporteraient des caractéristiques similaires, à la supposer établie, est sans incidence sur la décision préfectorale. Par suite, le préfet de région, qui s'est assuré du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, à l'architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, a pu émettre un avis défavorable à l'opération projetée sans faire une inexacte application des dispositions précitées. Le moyen doit dès lors être écarté.

18. Ainsi qu'il a été dit, par son avis du 31 mai 2021, l'architecte des bâtiments de France a émis un avis défavorable sur le projet déposé par la SCI Placimmo et cet avis a été confirmé le 4 janvier 2022 par le préfet de région. Le maire de Redon était donc tenu de s'opposer à la déclaration préalable de la SCI Placimmo. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le maire n'était pas en situation de compétence liée pour s'opposer à la déclaration préalable doit être écarté.

19. En cinquième lieu, alors comme il vient d'être dit que le maire était tenu de s'opposer à la déclaration préalable déposée par la SCI Placimmo, les circonstances selon lesquelles l'avis précédemment émis par l'ABF le 6 janvier 2020, rendu à la demande de la société requérante, dans le cadre de la définition de son projet de ravalement ne lui aurait pas été notifié et de ce que son inaction, s'agissant du ravalement de son bien, n'est pas fautive, sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Placimmo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Redon qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SCI Placimmo au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SCI Placimmo une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Redon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Placimmo est rejetée.

Article 2 : La SCI Placimmo versera à la commune de Redon une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Placimmo, à la commune de Redon et à la ministre de la culture.

Copie en sera adressée au préfet de la région Bretagne

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 octobre 2024.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02613


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02613
Date de la décision : 29/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : SELARL CARADEUX CONSULTANTS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-29;22nt02613 ?
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