Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du
18 avril 2023 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2302717 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté la requête de M. D....
Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 18 avril 2023 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2302718 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté la requête de Mme E....
Procédures devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 11 juin 2024, sous le n°24NT01740, M. A... D..., représenté par Me Wahab, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2302717 du 8 février 2024 du tribunal administratif de
Caen ;
2°) d'annuler l'arrêté du18 avril 2023 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour en sa qualité de parent accompagnant d'un enfant malade dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai, enfin, de lui délivrer une autorisation provisoire de
séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 juillet 2024, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête de M. D....
Il fait valoir que les moyens invoqués par ce requérant ne sont pas fondés.
L'Office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des observations le
11 septembre 2024.
II. Par une requête enregistrée le 11 juin 2024 sous le n°24NT01741, Mme B... E..., représentée par Me Wahab, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2302718 du 8 février 2024 du tribunal administratif de
Caen ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 avril 2023 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour de séjour en sa qualité de parent accompagnant d'un enfant malade dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai, enfin, de lui délivrer une autorisation provisoire de
séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 juillet 2024, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête de Mme E....
Il fait valoir que les moyens invoqués par cette requérante ne sont pas fondés.
Par des écritures enregistrées le 11 septembre 2024, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a produit des observations en complément de la communication, le 23 août 2024, de l'entier dossier médical de C... D..., qui lui avait été demandé par mesure d'instruction.
M. D... et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 13 mai 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., ressortissant géorgien né en 1976, et son épouse, Mme B... E..., née en 1985, également géorgienne, déclarent être entrés en France le 1er décembre 2021, accompagnés de leur premier enfant, C..., née le 1er novembre 2019. Ils ont déposé chacun une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 11 avril 2021 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 26 août 2022. Ils ont aussi sollicité, le 14 février 2022, la délivrance de titres de séjour en qualité de parents d'un enfant malade, en se prévalant de l'état de santé de leur fille mineure, C... D.... Par deux arrêtés du 18 avril 2023, le préfet du Calvados a refusé à M. D... et
Mme E..., qui ont eu un second enfant né le 19 août 2022 à Caen, la délivrance du titre de séjour qu'ils sollicitaient, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai, s'ils ne se conforment pas eux-mêmes à leur obligation de départ. Par deux requêtes enregistrées sous le n° 24NT01740 et le n° 24NT01741, qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par un seul arrêt, M. D... et Mme E... relèvent appel des jugements du 8 février 2024 par lesquels le tribunal a rejeté leurs demandes.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". L'article L. 425-10 du même code dispose que " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...) / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ".
3. Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article
L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. (...) ". Aux termes de l'article
R. 425-13 de ce code : " (...) Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application des dispositions précitées : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / (...) ".
4. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il lui appartient, à lui seul, de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment, l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, dont il peut demander la communication s'il estime utile cette mesure d'instruction au regard des éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
5. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par M. D... et Mme E... en raison de l'état de santé de leur fille, C... D..., le préfet du Calvados s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 28 mars 2023, lequel conclut que, si l'état de santé de l'enfant des requérants nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il a aussi précisé que cet enfant pouvait voyager sans risque à destination de son pays d'origine.
6. Il ressort des pièces du dossier que la jeune C... D..., née prématurément le
1er novembre 2019 à Tbilissi (Géorgie) où elle a été prise en charge en néonatologie, présente une encéphalopathie néonatale avec hydrocéphalie pour laquelle une dérivation (shunt) a été mise en place chirurgicalement, un syndrome de West, des convulsions et une tétraparésie spastique, l'IRM mettant en évidence une atrophie cérébrale majeure. Atteinte d'un handicap lourd, elle est prise en charge au centre de médecine physique et de réadaptation pour enfants et adolescents (CMPR) de Flers.
7. D'une part, pour contester les refus de titre de séjour qui leur ont été opposés,
M. D... et Mme E... font valoir que, le 12 mai 2023, leur fille C... a subi une intervention chirurgicale de gastrotomie permettant son alimentation par voie entérale et qu'une telle alimentation entérale, désormais vitale pour elle, n'est pas possible ou accessible en Géorgie.
8. Toutefois, s'il ressort des informations portées au rapport médical confidentiel destiné au collège des médecins, obtenu par mesure d'instruction auprès de l'OFII, que le collège était informé des troubles de la déglutition dont souffrait C..., justifiant sa nutrition par sonde gastrique, ainsi que d'une " chirurgie anti-reflux avec gastrotomie prévue pour avril 2023 ", la situation nouvelle résultant des conséquences de l'intervention pratiquée le 12 mai 2023 n'était pas constituée à la date à laquelle le collège de médecins de l'OFII a rendu son avis le 28 mars 2023, ni à celle des décisions litigieuses du 18 avril 2023. Les circonstances nouvelles dont se prévalent les requérants sont donc sans incidence sur la légalité des décisions contestées, qui doit s'apprécier à la date à laquelle celles-ci ont été prises.
9. D'autre part, C... bénéficiant, pour soigner ses troubles épileptiques, d'un traitement par Vigabatrin(r), M. D... et Mme E..., pour démontrer que le Vigabatrin(r) ne serait pas disponible en Géorgie, produisent un certificat médical établi le 19 mai 2022 par un médecin du service de néonatologie du centre hospitalier universitaire de Caen Normandie indiquant que l'enfant bénéficie d'un traitement par cet anticonvulsivant " qui n'est pas disponible en Géorgie alors qu'il est indispensable pour contrôler les crises ". Toutefois, le préfet du Calvados justifie, par les informations qu'il a recueillies sur le site internet du ministère de la santé de Géorgie, que le Vigabatrin(r) est disponible en Géorgie où sont également disponibles les autres médicaments prescrits à la fille des requérants et cette information est corroborée par les observations de l'OFII, qui a reçu communication de la procédure et qui produit la fiche Medical Country of Origine Information (MedCOI) datée d'avril 2024 correspondant à la prise en charge en Géorgie d'un enfant de trois ans de sexe féminin atteint des mêmes troubles que C.... Enfin, l'inaccessibilité pour C..., pour des raisons financières, de la prise en charge dont elle a besoin n'est pas démontrée par les seules citations du rapport de l'Organisation mondiale de la santé du 7 juillet 2021, qui indique que " les paiements directs à la charge du patient restent élevés et constituent un véritable fardeau pour tous ceux qui cherchent à se faire soigner " en Géorgie, et d'un article intitulé " Acheter des médicaments, un luxe en Géorgie ".
10. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet du Calvados, en leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, aurait méconnu les dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou commis une erreur d'appréciation dans l'appréciation de la condition de disponibilité et d'accessibilité en Géorgie des soins nécessités par l'état de santé de leur fille C....
11. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " et aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".
12. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'à la date de la décision attaquée, la fille des requérants ne pouvait pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Géorgie. Dans ces conditions, et alors même que les conditions de prise en charge de sa pathologie et de son handicap sont sensiblement plus favorables en France qu'en Géorgie, le préfet du Calvados n'a pas méconnu les stipulations précitées en refusant les titres de séjour sollicités par ses parents.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
13. En premier lieu, les décisions portant refus de titre de séjour prises à l'encontre des requérants n'étant pas annulées, les moyens tirés de ce que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel ils pourront être éloignés doivent être annulées par voie de conséquence ne peuvent qu'être rejetés.
14. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.
15. Il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 18 avril 2023 par lesquels le préfet du Calvados a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de ces mesures d'éloignement. Leurs conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles aux fins d'injonction et celles présentées au titre des frais liés au litige.
16. Toutefois, ainsi que l'a jugé le Conseil d'État notamment dans un arrêt du 7 avril 2006 (n° 274713), des circonstances survenues ou révélées postérieurement à la décision contestée du préfet peuvent, le cas échéant et alors même que cette décision serait légale, s'opposer à une exécution d'une mesure d'éloignement telle que l'obligation de quitter le territoire français.
17. Il ressort des pièces du dossier que, comme il a été dit ci-dessus au point 7, C... D... a fait l'objet le 12 mai 2023 d'une intervention chirurgicale de gastrotomie pour alimentation entérale modifiant les conditions de sa prise en charge et créant une situation nouvelle. Les requérants produisent un certificat d'un médecin spécialiste en médecine physique et de réadaptation du CMPR de Flers, où est accueillie C..., attestant que le type d'alimentation dont elle dispose n'est pas disponible en Géorgie " pour les enfants comme C... ", ainsi qu'un document traduit se présentant comme l'avis rendu par une experte du ministère de la santé géorgien, attestant qu'il n'existe pas de possibilité de fournir à cette patiente en Géorgie une alimentation entérale adaptée. Cette situation nouvelle, dont les circonstances n'ont été connues dans leur étendue que postérieurement aux arrêtés attaqués, n'a pas fait l'objet de réponses ou d'un avis de la part de l'OFII, qui a reçu communication de la procédure et qui a produit des observations le 11 septembre 2024. Bien que le préfet soutienne en défense que le type de produit dont a besoin C... est disponible sur internet et que la Société de nutrition parentérale et entérale de Géorgie a été enregistrée en juillet 2020, ces circonstances sont de nature à faire obstacle à l'exécution des obligations de quitter le territoire français prononcées à l'encontre des requérants tant que le préfet ne s'est pas assuré, au besoin en consultant le collège des médecins de l'OFII, que l'état de santé de C... D... lui permet de repartir dans son pays d'origine et d'y être effectivement prise en charge.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes présentées par M. D... et Mme E... sont rejetées. Toutefois, les arrêtés du 18 avril 2023 du préfet du Calvados ne pourront recevoir application que dans les conditions mentionnées au point 17 du présent arrêt.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée pour information au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 24NT01740, 24NT01741