Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiant.
Par un jugement n° 2214731 du 27 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à M. B... le visa de long séjour sollicité.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mai 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 mars 2023 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.
Le ministre de l'intérieur et des outre-mer soutient que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée, le 27 septembre 2023, à M. B... pour lequel il n'a pas été produit de mémoire.
Par une ordonnance du 9 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 août 2024, 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n°2008-1176 du 13 novembre 2008 ;
- l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 27 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B..., la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'étudiant. Par ce même jugement, le tribunal administratif a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. (...) / Les autorités diplomatiques et consulaires sont tenues de statuer sur les demandes de visa de long séjour formées par (...) les étudiants dans les meilleurs délais (...) ".
3. Le point 2.4 de l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019, intitulé " Autres vérifications par l'autorité consulaire ", indique que cette dernière " (...) peut opposer un refus s'il existe des éléments suffisamment probants et des motifs sérieux permettant d'établir que le demandeur séjournera en France à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande un visa pour études. ".
4. L'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle des juges de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.
5. Il ressort de l'accusé de réception adressé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France au conseil de M. B... que la décision attaquée doit, en l'absence de réponse expresse, être regardée comme fondée sur le même motif que la décision consulaire, à savoir l'existence d'éléments suffisamment probants et de motifs sérieux permettant d'établir que M. B... séjournera en France à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande un visa pour études.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... qui, à la date de la décision contestée était inscrit en première année de licence, option sciences économiques et gestion, à l'université de Yaoundé II, a été admis au titre de l'année universitaire 2022-2023 en 1ère année de Bachelor Finance, au sein de l'école supérieure de gestion et de commerce international (ESG), à Paris. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le diplôme délivré par cet établissement privé d'enseignement supérieur n'est pas enregistré au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et qu'il n'est donc pas reconnu par l'Etat. Alors que le ministre de l'intérieur et des outre-mer fait valoir, sans être contredit, qu'il existe au Cameroun des études équivalentes à celles proposées par l'ESG, M. B... n'a pas apporté d'élément de nature à établir que la formation envisagée à Paris serait de nature à constituer une plus-value au regard de son projet professionnel. Dans ces circonstances, la commission de recours a pu, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation, estimer qu'elles révélaient que l'intéressé sollicitait ce visa à d'autres fins que son projet d'études et rejeter, pour ce motif, le recours formé par l'intéressé contre la décision des autorités consulaires.
7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour annuler la décision implicite contestée, sur ce qu'en se fondant sur le motif énoncé au point 5, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France avait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.
9. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". Aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. (...) ".
10. Les décisions des autorités consulaires portant refus d'une demande de visa doivent être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même pour les décisions de rejet des recours administratifs préalables obligatoires formés contre ces décisions.
11. Les dispositions de l'article D. 312-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable, en vertu de l'article 3 du décret du 29 juin 2022 relatif aux modalités de contestation des refus d'autorisations de voyage et des refus de visas d'entrée et de séjour en France, aux demandes ayant donné lieu à une décision diplomatique ou consulaire prise à compter du 1er janvier 2023 impliquent que si le recours administratif préalable obligatoire formé contre une décision de refus d'une demande de visa fait l'objet d'une décision implicite de rejet, cette décision implicite, qui se substitue à la décision initiale, doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision initiale. Dans le cadre de la procédure de recours administratif préalable obligatoire applicable aux refus de visa, il en va de même, avant l'entrée en vigueur de ces dispositions, si le demandeur a été averti au préalable par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'une telle appropriation en cas de rejet implicite de sa demande.
12. Si la décision consulaire n'est pas motivée, le demandeur qui n'a pas sollicité, sur le fondement de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, la communication des motifs de la décision implicite de rejet prise sur son recours préalable obligatoire, ne peut utilement soutenir devant le juge qu'aurait été méconnue l'obligation de motivation imposée par l'article L. 211-2 du même code. Si la décision consulaire est motivée, l'insuffisance de cette motivation peut être utilement soulevée devant le juge, sans qu'une demande de communication de motifs ait été faite préalablement. Si, dans l'hypothèse où la décision consulaire était motivée, une telle demande a néanmoins été présentée et l'autorité administrative y a explicitement répondu, cette réponse doit être regardée comme une décision explicite se substituant à la décision implicite de rejet initiale du recours administratif préalable obligatoire.
13. Ainsi qu'il a été dit au point 5, d'une part, l'accusé de réception du recours formé par M. B... devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France indique qu'en l'absence d'une réponse expresse de la commission dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du recours, celui-ci est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision consulaire, d'autre part, cette décision consulaire est motivée. Dès lors que, dans un tel cas, l'intéressé n'avait pas à présenter une demande de communication de motifs, le moyen tiré par M. B... de ce qu'il n'a été " le destinataire d'aucun courrier de communication de motif malgré la demande " qu'il avait effectuée ne peut qu'être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
D E C I D E:
Article 1er : Le jugement du 27 mars 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C....
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 , à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFET La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01488