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18/10/2024 | FRANCE | N°23NT01477

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 18 octobre 2024, 23NT01477


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le le centre hospitalier de Quimper-Cornouaille (CHQC) à lui verser une somme totale de 139 025,76 euros en réparation des infections nosocomiales qu'elle a contractées dans cet hôpital.



Par un jugement n° 2002224 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a fait partiellement droit à sa demande en lui allouant une somme de 45 107,69 euros et a condamné le centre hospitalie

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le le centre hospitalier de Quimper-Cornouaille (CHQC) à lui verser une somme totale de 139 025,76 euros en réparation des infections nosocomiales qu'elle a contractées dans cet hôpital.

Par un jugement n° 2002224 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a fait partiellement droit à sa demande en lui allouant une somme de 45 107,69 euros et a condamné le centre hospitalier de Quimper-Cornouaille à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère une somme de 96 922,03 euros pour ses débours actuels ainsi qu'une rente annuelle de 4 278,41 euros pour les frais futurs de remplacement du fauteuil électrique et des chaussures orthopédiques de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 mai, 23 juin, 27 juillet et

6 octobre 2023, le centre hospitalier de Quimper-Cornouaille, représenté par Me Le Prado, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 mars 2023 en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ;

2°) de rejeter les conclusions incidentes présentés par Mme B... et celles présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- Mme B... n'a pas présenté de demande indemnitaire de nature à lier le contentieux ;

- elle n'a pas été victime d'une infection nosocomiale ;

- le déficit fonctionnel permanent dont elle est atteinte doit être évalué non pas à 18 % mais à 30 % soit à un taux au-dessus du seuil de gravité de 25 % fixé par l'article L. 1142-1 du code de la santé publique pour la réparation des dommages médicaux par la solidarité nationale ;

- l'évaluation des préjudices retenue par le tribunal, notamment l'évaluation des débours actuels de la caisse primaire d'assurance maladie imputables à l'infection nosocomiale, est excessive ;

- la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère ne pouvait être indemnisée pour ses frais futurs de fauteuil électrique et de chaussures orthopédiques par une rente annuelle à titre viager sans être astreinte à produire des justificatifs de ses débours futurs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2023, la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, représentée par Me Paublan, conclut :

1er) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande de première instance qui tendait à la condamnation du centre hospitalier de Quimper-Cornouaille à lui verser la somme totale de 190 182,87 euros au titre des frais exposés pour le compte de Mme A... B... selon l'état des débours en date du 21 février 2022 ainsi qu'un capital de 93 260,84 euros au lieu et place de la rente viagère annuelle de 4 278,41 euros allouée par le tribunal au titre de la prise en charge des frais futurs de remplacement du fauteuil électrique et des chaussures orthopédiques ;

3°) à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Cornouaille-Quimper l'indemnité forfaitaire de gestion au montant de 1 162 euros ou à un montant revalorisé en application des articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

4°) à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Quimper-Cornouaille la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'état des débours définitif s'établit bien à 190 182,87 euros à la date du 21 février 2022 ;

- le montant des frais futurs de fauteuil électrique et de chaussures orthopédiques est déterminé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2023, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Saumon, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la solidarité nationale ne peut être retenue car l'aggravation du déficit fonctionnel permanent imputable aux affections nosocomiales de Mme B... s'établit bien à seulement 18 % comme l'a retenu le tribunal et non à 30 % comme affirmé sans justification par le centre hospitalier Quimper-Cornouaille.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2023, Mme A... B..., représentée par la SCP Larmier-Tromeur-Dussud, conclut :

- 1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement et à la condamnation du centre hospitalier de Quimper-Cornouaille à lui verser la somme globale de 139 025,76 euros ;

3°) à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Quimper-Cornouaille une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation de Bretagne qui vaut demande préalable au centre hospitalier Quimper-Cornouaille a fait naître une décision implicite de rejet ;

- les infections nosocomiales contractées postérieurement au 5 septembre 2001 qui ont généré une incapacité permanente partielle inférieure à 25 % engagent la responsabilité du centre hospitalier de Quimper-Cornouaille en application de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

- le montant total de ses préjudices s'établit bien à 139 025,76 euros.

Vu :

- l'ordonnance du 20 novembre 2018 par laquelle le président du tribunal administratif de Rennes a taxé les honoraires des experts à la somme de 2 000 euros ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2023 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marion,

- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,

- et les observations de Me Demailly représentant le centre hospitalier de Quimper-Cornouaille.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 20 juillet 1955, a subi une intervention de pose de prothèse totale du genou droit en 2000. Cette opération a dû faire l'objet d'une reprise par le changement du plateau en polyéthylène en 2012. Le 5 février 2014, Mme B... a subi une nouvelle intervention de reprise du système de fixation de la prothèse. Le 10 février 2014, elle a été adressée au service de rééducation du centre hospitalier de Concarneau qui a constaté un syndrome douloureux et inflammatoire avec écoulement purulent du genou droit. Mme B... a été réhospitalisée au centre hospitalier Quimper-Cornouaille pour y subir deux opérations de lavage, les 20 et 26 février 2014, en vue d'éradiquer le sepsis. Le 18 mars 2014, a dû être réalisée une quatrième opération afin de procéder à l'ablation de l'implant en vue d'installer une prothèse provisoire sous la forme d'un spacer de ciment. Du 28 mars au 3 juin 2014, Mme B... a été prise en charge par le centre de rééducation de Concarneau. Le

4 juin 2014, elle a subi une opération de soudure des articulations puis a, de nouveau, séjourné au service de rééducation de Concarneau du 19 juin au 6 août 2014. Le 6 août 2014, elle est sortie de l'hôpital. Mme B... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, qui a ordonné une expertise confiée aux docteurs Ygout et Bourgin, spécialistes en biologie et en chirurgie orthopédique. Le rapport déposé le 24 septembre 2018 fixe la date de consolidation de Mme B... au 19 juin 2016. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier Quimper-Cornouaille à l'indemniser des conséquences dommageables des affections nosocomiales contractées dans cet hôpital. Par un jugement du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Rennes a fait partiellement droit à la demande indemnitaire de Mme B... en lui allouant une somme de 45 107,69 euros ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère en allouant à cette dernière une somme de 96 922,03 euros au titre de ses débours ainsi qu'une rente annuelle de 4 278,41 euros pour les frais futurs de remplacement du fauteuil électrique et des chaussures orthopédiques de Mme B.... Le centre hospitalier de Quimper-Cornouaille demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de Mme B... ainsi que l'appel incident présenté par cette dernière et les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Rennes a expressément répondu aux moyens développés dans les mémoires produits par les parties. Par suite, le centre hospitalier Quimper-Cornouaille n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité pour ce motif.

Sur la recevabilité de la demande indemnitaire présentée par Mme B... :

3. Il résulte de l'avis du Conseil d'Etat n° 426519 du 29 mai 2019 que la saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales par une personne s'estimant victime d'un dommage imputable à un établissement de santé clairement identifié doit être regardée comme une demande préalable formée devant l'établissement de santé susceptible de générer une décision implicite de rejet en cas de silence gardé pendant plus de deux mois.

4. Le conseil de Mme B... a adressé, par un courrier RAR du 23 septembre 2015, reçu le 25 septembre suivant par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Bobigny, un formulaire de demande d'indemnisation mentionnant le centre hospitalier Quimper Cornouaille et faisant valoir le caractère défectueux de la prise en charge de Mme B... dans cet établissement ainsi que les préjudices que l'intéressée estimait avoir subis du fait de cette prise en charge. Si cette demande d'indemnisation n'a pas été envoyée à la commission de de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de la région Bretagne, il appartenait à la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Bobigny de transférer la demande de Mme B... à la commission compétente en application de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration aux termes duquel " Lorsqu'une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l'administration compétente et en avise l'intéressé ". Enfin, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Rennes, si le centre hospitalier Quimper-Cornouaille soutient qu'il n'a pas été informé de la procédure engagée par Mme B... à son encontre, il ne saurait être fait supporter à cette dernière, qui a valablement saisi une commission de conciliation et d'indemnisation, les éventuels dysfonctionnements dans le traitement des demandes d'indemnisation, et notamment l'information immédiate des personnes mises en causes. Par suite, Mme B... ayant bien présenté une demande indemnitaire de nature à lier le contentieux, sa demande de première instance était bien recevable.

Sur la responsabilité du centre hospitalier Quimper-Cornouaille :

5. Aux termes, d'une part, du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les professionnels de santé et les établissement, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins " sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". Au sens de ces dispositions, doit donc être regardée comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

6. Aux termes, d'autre part, du deuxième alinéa de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 %. (...).".

7. Il résulte du rapport d'expertise que les prélèvements réalisés au cours des opérations de lavage articulaire des 20 et 26 février 2014 se sont révélés positifs à deux bactéries, le staphylocoque doré et le pseudomonas aeruginosa alors que les prélèvements per opératoires réalisés le 5 février 2014 s'étaient révélés négatifs de sorte que les infections n'étaient ni présentes ni en incubation au jour de l'hospitalisation de Mme B... le 4 février précédent. En l'absence de tout élément apporté par le centre hospitalier Quimper-Cornouaille tendant à rapporter la preuve de l'existence d'une cause étrangère à ces infections bactériennes, il y a lieu de considérer que ces infections sont survenues au cours de l'opération de reprise de la prothèse du 5 février 2014 ou de la première opération de lavage articulaire du 20 février 2014 subies dans cet hôpital par Mme B.... Compte tenu de ces éléments, l'infection dont Mme B... a été victime ne peut qu'être regardée comme présentant un caractère nosocomial. Par ailleurs, si le centre hospitalier Quimper-Cornouaille soutient que l'aggravation du déficit fonctionnel permanent imputable aux affections nosocomiales de Mme B... s'établit à 30 %, et non à 18 % comme l'ont retenu les experts judiciaires, il ne produit aucune justification de nature à établir que la part du déficit fonctionnel permanent imputable aux affections nosocomiales contractées par Mme B... dépasserait le seuil de gravité de 25 % fixé par l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ouvrant droit à réparation au titre de la solidarité nationale. Par suite, la responsabilité du centre hospitalier Quimper-Cornouaille doit être retenue.

Sur les préjudices de Mme B... :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires

8. Il résulte de l'instruction qu'après déduction des sommes prises en charge par les organismes de sécurité sociale et la complémentaire santé de Mme B... au titre des frais hospitaliers, d'imagerie, d'acquisition d'une attelle d'extension de genou, d'un fauteuil roulant équipé, d'un fauteuil releveur, d'un fauteuil électrique, de chaussures et de semelles orthopédiques, de frais d'équipement et d'installation, les restes à charge de dépenses de santé exposées par cette dernière s'établissent à 4 812,21 euros.

S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :

Quant aux dépenses de santé futures :

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'acquisition et le renouvellement du fauteuil électrique ainsi que les frais de réparation et d'entretien de cet équipement sont intégralement pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère. Par suite, en l'absence de tout élément nouveau apporté par Mme B... à hauteur d'appel quant à l'existence d'un reste à charge sur ce poste de dépense, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande d'indemnisation.

10. En second lieu, le tribunal a accordé à Mme B... une somme globale de 505,48 euros correspondant à un reste à charge annuel de 40 euros pour l'acquisition de chaussures orthopédiques ainsi qu'aux frais d'entretien annuels de ces chaussures, comprenant notamment des frais de serrage. Mme B... ne produit à hauteur d'appel aucune pièce de nature à remettre en cause ce montant ni à établir qu'elle aurait exposé des dépenses de renouvellement et d'entretien de ses chaussures orthopédiques d'un montant supérieur à la somme accordée par les premiers juges.

Quant aux frais d'assistance par tierce personne :

11. Mme B... a besoin d'une assistance par tierce personne d'une durée de deux heures par jour à titre viager pour faire sa toilette. Toutefois, à la date du 24 septembre 2018 de l'expertise judiciaire, l'intéressée, sous curatelle renforcée qui vivait déjà depuis quatorze ans dans un établissement d'accueil non médicalisé pour personnes handicapées, bénéficiait déjà de l'assistance du personnel de l'établissement dans sa vie quotidienne. Par ailleurs, en dépit d'une demande de complément effectuée en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de nature à indiquer si elle avait obtenu le versement d'une prestation de compensation du handicap susceptible de réduire le montant accordé au titre des frais d'assistance par tierce personne, elle n'a produit aucun élément pour justifier de frais d'assistance par tierce personne. Dans ces conditions, le préjudice ne saurait être considéré comme établi et ne peut être indemnisé.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

12. Le centre hospitalier de Quimper-Cornouaille ne développe aucun argument de nature à établir le caractère exagéré des sommes allouées par les premiers juges au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires. Mme B..., quant à elle, se borne à réitérer ses demandes de première instance sans développer aucune critique du jugement attaqué. Elle ne met pas ainsi la cour en mesure de constater que le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées et le préjudice esthétique temporaires appelleraient une indemnisation supérieure aux montants retenus par le tribunal de, respectivement, 9 290euros, 6 000 et 1 500 euros.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents :

13. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme B... est contrainte en raison de l'inégale longueur de ses membres inférieurs de 3,4 cm de se déplacer avec un fauteuil dans tous ses déplacements quotidiens plutôt qu'au moyen d'une canne béquille comme elle le faisait avant son opération du 5 février 2014. Par ailleurs, l'évaluation à un taux de 18 % du déficit fonctionnel permanent imputable à l'infection nosocomiale dont elle a été victime n'est pas sérieusement critiquée par le centre hospitalier Quimper-Cornouaille qui se borne à soutenir que le déficit fonctionnel permanent atteindrait 30 % sans produire aucune justification. En conséquence, eu égard à l'âge de la requérante à la date du 19 juin 2016 de consolidation de son état de santé, il y a lieu de confirmer l'évaluation de 20 000 euros du déficit fonctionnel permanent, effectuée par les premiers juges.

14. En deuxième lieu, le préjudice esthétique permanent a été évalué par le rapport d'expertise à 3 sur une échelle de 0 à 7. Il a été fait par les premiers juges, une juste appréciation de ce préjudice en l'ayant évalué à la somme de 3 000 euros.

15. En troisième lieu, il résulte de l'instruction qu'antérieurement à son opération de reprise de sa prothèse de genou droite, Mme B... ne pouvait se déplacer qu'à l'aide d'une canne béquille sur de courtes distances. Elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle exerçait des activités de piscine, de tennis et de ping-pong avant son opération et que l'infection nosocomiale aurait directement entraîné la suspension de ces activités de loisir. Par suite, la demande de versement d'une somme de 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément doit être rejetée.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander à être indemnisée à hauteur d'un montant excédant la somme totale de 45 107,69 euros allouée par les premiers juges.

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère :

En ce qui concerne les débours actuels :

17. Il résulte de l'instruction que les débours engagés par la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère jusqu'à la date de consolidation de Mme B... sont attestés par le médecin conseil de l'assurance maladie à la date du 21 février 2022 à hauteur d'une somme globale de 96 922,03 euros. Si le centre hospitalier de Quimper-Cornouaille soutient que cette évaluation des débours imputables à l'infection nosocomiale est excessive, il ne développe aucune argumentation pour en contester le bien-fondé. Par suite, les conclusions d'appel du centre hospitalier tendant à la diminution du montant des débours actuels ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les débours futurs :

18. Le remboursement à la caisse primaire d'assurance maladie par le tiers responsable des prestations qu'elle sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente. Il ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord. S'agissant en revanche, des préjudices futurs de la victime non couverts par des prestations de sécurité sociale, il appartient au juge de décider si la réparation par le tiers responsable doit prendre la forme du versement d'un capital ou d'une rente selon que l'un ou l'autre de ces modes d'indemnisation assure à la victime, dans les circonstances de l'espèce, la réparation la plus équitable.

19. La CPAM du Finistère sollicite de nouveau le remboursement sous forme d'un capital de 93 260,84 euros au titre de frais futurs comprenant 76 057,64 euros de remplacement chaque année du fauteuil électrique à raison d'une somme de 3 489,20 euros par an et 17 203,20 euros de remplacement des chaussures orthopédiques chaque année à raison d'une somme de 789,21 euros par an. Il ressort de l'attestation du médecin conseil de l'assurance maladie qu'un fauteuil électrique et des chaussures orthopédiques sont rendues nécessaires par le blocage du genou droit et le raccourcissement de 34 mm de la jambe droite de Mme B... qui sont en lien direct avec l'infection nosocomiale dont elle a été victime lors de sa prise en charge les 4 et 20 février 2014. Toutefois, la nécessité de changer chaque année le fauteuil électrique et les chaussures orthopédiques n'est pas établie alors que

Mme B... vit dans un établissement pour personnes handicapées et qu'elle n'exerce aucune activité nécessitant des déplacements sur de longues distances. Par suite, dès lors que la fréquence du besoin de remplacement du fauteuil électrique et des chaussures orthopédiques n'est pas établie, il y a lieu, au lieu et place du versement d'une rente annuelle, de condamner le centre hospitalier Quimper Cornouaille à rembourser la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère sur la présentation de justificatifs de frais de remplacement et d'entretien du fauteuil électrique et des chaussures orthopédiques de Mme B....

20. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier Quimper-Cornouaille est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère une rente annuelle de 4 278,41 euros pour les frais futurs de remplacement du fauteuil électrique et des chaussures orthopédiques de Mme B....

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion due à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère :

21. Il résulte des dispositions du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale que le montant de l'indemnité forfaitaire qu'elles instituent est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un plafond dont le montant est révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Lorsque le plafond de l'indemnité forfaitaire de gestion est relevé entre le moment où la caisse présente ses conclusions tendant à ce qu'elle lui soit attribuée et le moment où le juge statue, la caisse n'a pas à actualiser le montant de ses conclusions, le droit à cette indemnité étant en outre attaché à l'action par laquelle la caisse obtient une indemnisation de ses débours, et non comme attaché à chaque instance juridictionnelle. Le présent arrêt ne faisant pas droit aux conclusions de la CPAM tendant à ce que les sommes qu'elles réclament soient portées à un montant supérieur à celui qui lui a été accordé par les premiers juges, les conclusions de cette caisse tendant à la révision de l'indemnité forfaitaire de gestion à laquelle elle a droit ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

22. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par Mme B... et la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère doivent dès lors être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier Quimper-Cornouaille est condamné à compter du

21 février 2022 à rembourser, sur présentation de justificatifs, à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère des frais de remplacement et d'entretien du fauteuil électrique et des chaussures orthopédiques exposés pour le compte de Mme A... B....

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes n° 23NT01477 du 24 mars 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'ensemble des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Quimper-Cornouaille, à

Mme A... B..., à la caisse primaire à l'assurance maladie du Finistère et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente de chambre,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Marion, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.

La rapporteure,

I. MARION

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01477
Date de la décision : 18/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : JASPER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-18;23nt01477 ?
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