Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A..., M. B... A... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 janvier 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à M. E... A... au titre du regroupement familial.
Par un jugement n° 2203610 du 14 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 mai 2023, M. A... et autres, représentés par Me Pollono demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 25 janvier 2021 du ministre de l'intérieur ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à M. E... A... le visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer la demande de visa, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A... et autres soutiennent que :
- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen sérieux et insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. E... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dias,
- et les observations de Me Pollono, représentant M. A... et autres.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant marocain né en 1933, a présenté une demande d'autorisation de regroupement familial au profit de son épouse, Mme D... A..., née en 1953, et de leur fils, M. E... A..., né en 1978. Par une décision du 19 novembre 2018, le préfet de la Côte d'Or n'a autorisé le regroupement familial qu'au profit de Mme A..., qui s'est vu ensuite délivrer un visa de long séjour à ce titre. Par un jugement du 30 avril 2019, le tribunal administratif a rejeté la demande de M. B... A... et autres tendant à l'annulation du refus de regroupement familial opposé à M. E... A.... Ce dernier a néanmoins sollicité des autorités consulaires à Casablanca (Maroc) la délivrance d'un visa de long séjour au titre du regroupement familial, qui lui a été refusé le 9 mai 2019. Par un jugement du 11 décembre 2020, le tribunal administratif a annulé, à la demande de M. B... A... et autres, la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 9 mai 2019 des autorités consulaires françaises à Casablanca, au motif que la commission, qui avait retenu que l'intéressé ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un visa de long séjour en qualité de visiteur, n'avait pas examiné sa demande de visa au titre du regroupement familial, et a enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à cet examen dans un délai de deux mois. A la suite de ce jugement, le ministre de l'intérieur a, par une décision du 25 janvier 2021, refusé de délivrer un visa de long séjour à M. E... A... au motif que l'autorité préfectorale n'avait pas autorisé le regroupement familial à son profit. M. B... A... et autres relèvent appel du jugement du 14 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 25 janvier 2021 du ministre de l'intérieur.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ".
3. Il ressort des pièces du dossier et notamment du certificat médical établi le 20 juin 2019 par un psychiatre que le demandeur de visa est atteint d'un autisme profond nécessitant une surveillance permanente et qu'il se trouve en situation de dépendance pour l'accomplissement de la plupart des actes de la vie quotidienne. Il ressort également des pièces du dossier et notamment des actes recognitifs de Kafala établis devant notaire le 13 décembre 2018, que Mme A... a toujours assuré la prise en charge quotidienne de son fils majeur dépendant et que si la tante maternelle de ce dernier s'en occupe temporairement, depuis le départ en France de Mme A..., le certificat médical du 20 juin 2019 indique que cette situation risque d'aggraver l'état de santé mentale de l'intéressé. En outre, il ressort des pièces du dossier que, depuis son arrivée en France, dans le cadre de la procédure de regroupement familial, Mme A... a été contrainte de retourner au Maroc à plusieurs reprises pour s'occuper de son fils, que la tante maternelle du demandeur de visa, à qui ce dernier a été confié depuis le départ de Mme A..., en France, n'est plus en mesure de le prendre en charge, en raison de problèmes de santé, et que les frères et sœurs de l'intéressé ont indiqué ne pas être en capacité matérielle d'assurer sa prise en charge quotidienne. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme A..., qui ont déclaré un revenu annuel de 14 570 euros en 2020 se trouveraient dans l'impossibilité d'accueillir leur fils majeur dans des conditions décentes. Dans ces circonstances, et alors qu'il n'est pas contesté que le départ en France de Mme A..., au mois de mars 2019, dans le cadre de la procédure de regroupement familial, a été motivé par la dégradation de l'état de santé de son époux et père de leurs sept enfants, le refus de visa qui a été opposé à M. E... A..., son fils dont elle assure la tutelle légale porte au droit des requérants au respect de leur vie personnelle et familiale, une atteinte disproportionnée au regard des motifs de cette mesure et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à M. E... A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros hors taxe à Me Pollono dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 14 décembre 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision du 25 janvier 2021 du ministre de l'intérieur est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. E... A... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Pollono une somme de 1 200 euros hors taxe, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Pollono renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... et autres est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à M. B... A..., à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 , à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFETLa greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01362