Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 9 décembre 2021 par laquelle la rectrice de l'académie de Normandie lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans dont six mois avec sursis.
Par un jugement n° 2200337 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 avril 2023, Mme C... représentée par
Me Launay, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 30 décembre 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 9 décembre 2021 de la rectrice de l'académie de Normandie ;
3°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Normandie de la réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière, ou subsidiairement, de statuer à nouveau sur sa situation administrative, dans le délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
4°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- la sanction est insuffisamment motivée ;
- la sanction est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle repose en partie sur des faits antérieurs au 11 septembre 2017 qui sont prescrits et ne pouvaient pas donner lieu à l'infliction d'une sanction disciplinaire en application de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 dès lors que de nombreux faits mentionnés dans le rapport disciplinaire sont soit antérieurs au 11 septembre 2017 soit non datés ;
- la sanction est entachée d'erreurs de fait et de qualification juridique des faits car la matérialité des faits reprochés n'est pas établie, ni leur caractère fautif ;
- la sanction est disproportionnée.
La rectrice de l'académie de Normandie a produit le 30 août 2024 un courrier par lequel elle se rapporte à ses écritures produites en première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code général de la fonction publique ;
- le code de l'éducation ;
- le code de déontologie des infirmiers ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marion,
- et les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., retraitée de l'éducation nationale depuis février 2022, détenait le grade d'infirmière de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur de classe supérieure. Alors qu'elle était affectée depuis le 1er septembre 2006 au collège D... à B... (Calvados), le principal du collège a adressé à la rectrice de l'académie de Normandie un rapport daté du 29 mai 2019 sur la manière de servir de Mme C.... A la suite de ce rapport, une enquête administrative ordonnée par la rectrice a conclu le 18 décembre 2019 à l'impossibilité pour Mme C... de continuer à exercer ses fonctions au collège D... eu égard à ses carences professionnelles. Par un arrêté du 16 janvier 2020, suivi de six arrêtés de prolongation, la rectrice de l'académie de Normandie a suspendu à titre conservatoire pour faute grave Mme C..., à compter du 16 janvier 2020, sur le fondement de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983. Par un courrier du 17 septembre 2020, la rectrice de l'académie de Normandie a engagé une procédure disciplinaire à l'encontre de Mme C.... Suite à l'avis de la commission administrative paritaire, réunie le 18 novembre 2021 en formation disciplinaire, la rectrice de l'académie de Normandie a prononcé, le 9 décembre 2021, à l'encontre de Mme C... une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans dont six mois avec sursis. Par un jugement du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté la requête de
Mme C... dirigée contre l'arrêté de sanction du 9 décembre 2021. Mme C... relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) ; 2° Infligent une sanction ;(...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Ces dispositions imposent à l'autorité qui prononce une sanction disciplinaire de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent concerné, de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.
3. L'arrêté en litige mentionne comme motifs de sanction : " un défaut de communication et un comportement inapproprié voire répréhensible vis-à-vis des personnels de l'établissement ", " une attitude inappropriée vis-à-vis des élèves et des familles ", " une posture professionnelle qui perturbe le service ", " des manquements à la déontologie professionnelle du corps des infirmiers ". De tels motifs, qui pourraient être articulés à l'appui de l'évaluation professionnelle de Mme C... au titre de l'année 2019, ne permettent pas de connaître les faits précis reprochés à l'intéressée caractérisant des manquements de sa part aux obligations professionnelles d'une infirmière de l'Education nationale. En outre, la circonstance que l'arrêté attaqué se réfère au rapport du principal du collège du 29 mai 2019, qui énumère précisément lesdits manquements, n'exonérait pas la rectrice de les mentionner dans son arrêté de sanction alors que le rapport du 29 mai 2019 n'est pas joint à la décision contestée. Par suite le moyen tiré de ce que l'arrêté du 9 décembre 2021 est insuffisamment motivé en fait doit être accueilli.
4. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement et de se prononcer sur les autres moyens soulevés par la requérante, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans dont six mois avec sursis.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".
6. Il résulte de l'instruction que Mme C... a été placée en retraite sur sa demande en février 2022. Par suite, il n'y a pas lieu d'enjoindre au recteur de l'académie de Normandie de la réintégrer dans ses fonctions d'infirmière scolaire au collège D.... L'annulation de la sanction d'exclusion temporaire de deux ans avec un sursis de six mois implique seulement que l'administration la réintègre juridiquement durant la période au cours de laquelle elle a été effectivement exclue de ses fonctions jusqu'à son placement en retraite.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2200337 du 30 décembre 2022 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : La décision du 9 décembre 2021 de la rectrice de l'académie de Normandie infligeant à Mme C... la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans dont 6 mois avec sursis est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à la rectrice de l'académie de Normandie de réintégrer juridiquement Mme C... au titre de la période d'exclusion effective de ses fonctions.
Article 4 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à la ministre de l'Education nationale.
Copie en sera adressée pour information au recteur de l'académie de Normandie.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M Vergne, président-assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.
La rapporteure,
I. MARION
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°23NT01196