Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 30 avril 2019 par lequel le maire de Montrelais a délivré à M. et Mme A... un permis de construire une maison d'habitation sur les parcelles cadastrées section E 1129, 1130 et 1134, ainsi que la décision du 21 janvier 2020 portant rejet de leur recours gracieux.
Par un jugement n° 2003242 du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 avril 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Diversay, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 avril 2019 et la décision du 21 janvier 2020 du maire de Montrelais ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Montrelais la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête n'est pas tardive ;
- le permis de construire contesté a été délivré en méconnaissance de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme prévoyant la possibilité d'opposer un sursis à statuer aux demandes d'autorisation de construire dès lors qu'à sa date de délivrance, le classement en zone agricole était déjà envisagé et que le permis est de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme intercommunal.
La requête a été communiquée à la commune de Montrelais, le 17 avril 2023, et à M. et Mme A..., le 5 mai 2023, qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Montes-Derouet,
- les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public,
- et les observations de Me Gallot, substituant Me Diversay, pour M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 30 avril 2019, le maire de Montrelais a délivré à M. et Mme A... un permis de construire une maison d'habitation sur les parcelles cadastrées section E 1129, 1130 et 1134, sur le territoire de la commune. Par un jugement du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. et Mme C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2019 ainsi que de la décision du 21 janvier 2020 portant rejet de leur recours gracieux. M. et Mme C... relèvent appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... justifient être propriétaires d'une maison à usage d'habitation implantée sur la parcelle cadastrée E 537 qui jouxte, au nord, le terrain d'assiette de la construction projetée sur la parcelle E 1129, objet du permis de construire contesté. Pour justifier de leur intérêt à demander l'annulation de ce permis, ils font valoir que la construction d'une maison d'habitation sur un terrain jusqu'alors vierge de toute construction et s'ouvrant sur un espace à vocation naturelle et agricole est de nature à modifier leur cadre de vie et que la desserte de cette construction, située en second rang, qui s'effectue par un accès à aménager le long de leur propriété en limite séparative ouest, est de nature à créer des nuisances sonores, notamment lors des travaux de construction projetés. M. et Mme C... font ainsi état d'éléments relatifs à la nature, à l'importance et à la localisation du projet de nature à établir l'atteinte susceptible d'être portée par le permis de construire en litige aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir de M. et Mme C... ne peut qu'être écartée.
En ce qui concerne l'arrêté du 30 avril 2019 portant permis de construire et la décision du 21 janvier 2020 portant rejet de leur recours gracieux :
5. Aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " (...). / L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. ". L'article L. 424-1 de ce code dispose que : " Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus (...) aux articles L. 153-11 (...) du présent code ".
6. Un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire, sur le fondement de ces dispositions, postérieurement au débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable, qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme pourrait légalement prévoir et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution. La faculté ouverte par ces dispositions législatives à l'autorité compétente pour se prononcer sur la demande de permis de construire, de surseoir à statuer sur cette demande, est subordonnée à la double condition que l'octroi du permis soit susceptible de compromettre l'exécution du projet du plan local d'urbanisme et que ce dernier ait atteint, à la date à laquelle l'autorité doit statuer, un état d'avancement suffisant. Par ailleurs, si le projet d'aménagement et de développement durables prévu par l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme n'est pas directement opposable aux demandes d'autorisation de construire, il appartient à l'autorité saisie d'une telle demande de prendre en compte les orientations du projet d'aménagement et de développement durables, dès lors qu'elles traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme, pour apprécier si la construction envisagée serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan et décider, le cas échéant, de surseoir à statuer sur la demande en application de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme cité au point 5.
7. D'une part, il est constant que, par une délibération du 24 mars 2017, le conseil municipal de Montrelais a prescrit l'élaboration de son plan local d'urbanisme (PLU) et que le débat du conseil municipal sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) a eu lieu le 16 février 2018, soit antérieurement à la date de délivrance du permis de construire du 30 avril 2019. Il ressort des pièces du dossier que les orientations de ce PADD ne prévoient la création de nouveaux logements que dans les seules enveloppes urbaines du bourg et dans le hameau de la Verderie, à l'exclusion des autres hameaux où les nouvelles capacités d'accueil sont limitées aux changements de destination de bâtiments présentant un intérêt patrimonial ou architectural ainsi qu'à la reprise et à la réhabilitation d'habitations existantes vacantes, et dédient l'espace rural en priorité aux activités agricoles, notamment en excluant toute forme d'urbanisation et tout mitage par des constructions qui ne seraient ni liées, ni nécessaires aux activités agricoles. Le PADD comporte, en outre, deux graphiques, le premier matérialisant, à l'échelle du territoire communal, l'espace agricole productif à préserver, lequel recouvre notamment le hameau de la Basse Haie dans lequel se trouve le terrain d'assiette du projet, le second présentant, à l'échelle du seul bourg, les secteurs offrant, au sein de l'enveloppe urbaine, des capacités de création de nouveaux logements. Les orientations de ce projet traduisent de la sorte, à la date du 30 avril 2019 de délivrance du permis de construire contesté, un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme.
8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le projet de M. et Mme A... porte sur la construction d'une maison d'habitation sans lien avec une activité agricole, d'une surface de plancher de 113,60 m². Le terrain d'assiette de ce projet, qui présente une contenance de 2 897 m² jouxte dans sa seule partie nord une parcelle bâtie. Situé à l'extrémité nord-ouest du hameau de la Basse Haie, qui s'inscrit dans un secteur à dominante agricole et naturelle, à une distance du bourg de plus de 3 km, ce terrain est vierge de toute construction et s'ouvre au sud et à l'ouest sur un vaste espace agricole et naturel dont il fait partie intégrante. En outre, situé en second rang par rapport à la rue de la Haie, le projet est de nature à engendrer une extension du hameau où l'urbanisation a pourtant vocation à être circonscrite au bâti existant afin de préserver les terres agricoles, ainsi qu'il a été dit au point 7. Dans ces conditions, compte tenu du parti d'urbanisme retenu par le PADD et de la situation du terrain d'assiette du projet, ce dernier doit être regardé comme de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du plan. Par suite, en n'opposant pas un sursis à statuer sur le fondement des dispositions de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, le maire de Montrelais a commis une erreur manifeste d'appréciation.
9. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de fonder l'annulation, en l'état du dossier, de l'arrêté du 30 avril 2019.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2019 par lequel le maire de Montrelais a délivré à M. et Mme A... un permis de construire une maison d'habitation et de la décision du 21 janvier 2020 de ce maire portant rejet de leur recours gracieux.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montrelais une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme C... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 janvier 2023 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 30 avril 2019 par lequel le maire de Montrelais a délivré à M. et Mme A... un permis de construire une maison d'habitation et la décision du 21 janvier 2020 de ce maire portant rejet du recours gracieux formé par M. et Mme C... contre ce permis de construire sont annulés.
Article 3 : La commune de Montrelais versera à M. et Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C..., à la commune de Montrelais et à M. et à Mme A....
Copie en sera adressée, pour information, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.
La rapporteure,
I. MONTES-DEROUET
La présidente,
C. BUFFET
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00955