Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 11 février 2021 par laquelle la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) a refusé de lui accorder une subvention en vue de la réalisation des travaux de rénovation énergétique dans son logement.
Par un jugement n° 2101750 du 16 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 novembre 2022 et le 29 août 2023, Mme C..., représentée par Me Le Guen, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 septembre 2022 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la décision du 11 février 2021 de la directrice générale de l'ANAH ;
3°) de mettre à la charge de l'ANAH le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier ; il a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire ; le mémoire en défense lui a été communiqué tardivement ;
- les travaux envisagés n'ont pas le caractère d'une réhabilitation lourde et ne s'apparentent pas à des travaux de construction ou de reconstruction.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 avril et 27 septembre 2023, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas irrégulier ;
- la demande de première instance est irrecevable ; elle ne contient pas l'exposé de conclusions, en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de Mme C... sans que l'avocat désigné par le bureau d'aide juridictionnelle ait été mis en demeure, au préalable, d'accomplir les diligences qui lui incombent, est entaché d'irrégularité.
Des observations en réponse à ce courrier ont été présentées le 30 septembre 2024 pour l'ANAH.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dias,
- les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public,
- et les observations de Me Le Guen, représentant Mme C..., et de Me Chevandier, représentant l'Agence nationale de l'habitat.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 27 octobre 2020, le conseil départemental du Finistère a refusé d'accorder à Mme C... la subvention qu'elle demandait pour financer les travaux de rénovation énergétique de la maison d'habitation dont elle est propriétaire, sur le territoire de la commune de Plonévez-du-Faou (Finistère). Par une décision du 11 février 2021, la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), statuant sur le recours hiérarchique de Mme C..., a refusé de lui octroyer la subvention. Par un jugement du 16 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 11 février 2021 de la directrice générale de l'ANAH. Mme C... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Lorsque l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle n'a pas produit de mémoire, le juge ne peut, afin d'assurer au requérant le bénéfice effectif du droit qu'il tire de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, rejeter la requête sans avoir préalablement mis l'avocat désigné en demeure d'accomplir, dans un délai qu'il détermine, les diligences qui lui incombent et porté cette carence à la connaissance du requérant, afin de le mettre en mesure, le cas échéant, de choisir un autre représentant.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., qui a introduit sa demande de première instance le 6 avril 2021 sans le ministère d'un avocat, a indiqué dans sa demande avoir sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Rennes a fait droit à sa demande d'aide juridictionnelle et a désigné un avocat pour la représenter le 20 mai 2021. Il ressort des pièces du dossier que cet avocat, à qui la procédure a été communiquée le 5 août 2022, n'a pas produit de mémoire après sa désignation au titre de l'aide juridictionnelle. Par le jugement attaqué du 16 septembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mme C... sans avoir préalablement mis l'avocat désigné en demeure d'accomplir les diligences qui lui incombaient et sans avoir porté cette carence à la connaissance de la requérante, afin de la mettre en mesure, le cas échéant, de choisir un autre représentant. Par suite, eu égard à ce qui a été dit au point 2, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité invoqué, le jugement attaqué doit être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Rennes.
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'ANAH :
5. D'une part, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".
6. D'autre part, aux termes de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 relatif à l'aide juridictionnelle : " Sans préjudice de l'application de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l'article 44 du présent décret, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : (...) 3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission (...) ; 4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. (...) ". L'article 69 de ce décret même décret dispose que : " Le délai du recours prévu au deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé. (...) ".
7. Compte tenu de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt, la fin de non-recevoir opposée par l'ANAH et tirée de ce que la demande présentée le 6 avril 2021 par Mme C..., sans le ministère d'un avocat, serait insuffisamment motivée ne peut qu'être écartée.
Sur la légalité de la décision du 11 février 2021 de la directrice générale de l'ANAH :
8. Aux termes de l'article R. 321-15 du code de la construction et de l'habitation : " Les dépenses qui peuvent donner lieu à subvention pour les différentes catégories de bénéficiaires et d'opérations mentionnés à l'article R. 321-12 sont déterminées par le conseil d'administration. / (...) / Les travaux de réhabilitation lourde qui, ayant pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre ou d'accroître sensiblement le volume ou la surface habitable des locaux d'habitation ou d'hébergement, équivalent à des travaux de construction ou de reconstruction sont également exclus de l'aide, à moins qu'ils ne soient réalisés sur un immeuble faisant l'objet d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité pris en application des 1° et 4° de l'article L. 511-2 du présent code ou qu'ils constituent la transformation en logements de locaux affectés à un autre usage ou qu'ils constituent des travaux indispensables à l'adaptation des logements aux besoins spécifiques des personnes handicapées. (...) ".
9. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée que la directrice générale de l'ANAH a refusé de délivrer la subvention sollicitée par Mme C... au motif que les travaux de réhabilitation envisagés, qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre, s'assimilent à des travaux de reconstruction dont le subventionnement est exclu, en application de l'article R. 321-15 du code de la construction et de l'habitation.
10. Il ressort des pièces du dossier de demande d'aide déposée par Mme C... que la subvention litigieuse a été sollicitée pour financer des travaux de réfection de toiture, d'installation d'un poêle à bois, de menuiserie en aluminium à double ou triple vitrage et d'isolation des rampants de la toiture de la maison d'habitation de la requérante, ainsi que des travaux " induits " de plâtrerie et de doublage. Par eux-mêmes, ces travaux n'ont pas pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre, ni d'accroître sensiblement le volume ou la surface habitable de cette maison de 86 m², dont il ne ressort pas des pièces qu'elle serait à l'état de ruine ni qu'elle n'était pas habitable. Dans ces conditions, et quand bien même ces travaux, détaillés dans le document intitulé " éléments de compte ANAH " établi à la suite de la visite du logement du 19 mai 2020, ont été estimés à la somme 26 923, 95 euros et doivent apporter un gain énergétique de 49% à ce logement, construit en 1920, qui n'était plus habité depuis 2016, ils n'équivalent pas à des travaux de construction ou de reconstruction et n'ont pas le caractère de travaux de réhabilitation lourde au sens et pour l'application des dispositions de l'article
R. 321-15 du code de la construction et de l'habitation. Par suite, en refusant d'accorder à Mme C... la subvention sollicitée au motif que les travaux projetés présentaient ce caractère, la directrice générale de l'ANAH a fait une inexacte application de ces dispositions. Par suite, Mme C... est fondée à demander l'annulation de la décision contestée.
Sur les frais liés au litige :
13. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros hors taxe à Me Le Guen dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E:
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La décision du 11 février 2021 par laquelle la directrice générale de l'ANAH a refusé d'accorder une subvention à Mme C... est annulée.
Article 3 : L'ANAH versera à Me Le Guen une somme de 1 200 euros hors taxe en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Le Guen renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'ANAH sur le fondement de l'article L. 761-1 sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à l'Agence nationale de l'habitat.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 , à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFETLa greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, et au ministre de l'économie et des finances et de l'industrie en ce qui les concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03577